- Un exit logique pour celui qui se rêvait Premier ministre et dont les postures ont toujours hérissé ceux qui se réclament du militantisme et du mauricianisme
- Son obsession pour le poste suprême l’a amené à dire qu’il fallait un Premier ministre hindou, puis à préconiser un partage du poste
- C’est ce même état d’esprit qui l’avait amené à critiquer Mireille Martin pour s’être exprimée en hindi lors de la campagne électorale de 2010
Week-End ne croyait pas si bien dire lorsqu’en février 2016 il écrivait que la bataille pour être une éventuelle doublure de Paul Bérenger au poste de Premier ministre serait âpre entre celui qui était alors le candidat préféré du leader du MMM, Pradeep Jeeha, et Ajay Gunness, celui qui était et qui est plus populaire auprès de la base mauve. Il avait été question à l’époque de l’annonce d’une décision imminente quant à celui qui partagerait avec le leader du MMM le poste suprême si les mauves se présentaient seuls à une élection générale. L’affaire ayant été exposée et le sujet très clivant, aucune décision ne fut finalement prise. Cela avait néanmoins valu à Week-End une mise au point du sieur Jeeha, par l’entremise de son avoué, s’il vous plaît, juste parce que nous avions rappelé un peu le profil de quelqu’un qui se rêvait Premier ministre et dont les postures hérissaient ceux qui se réclament du militantisme et du mauricianisme. Que le MMM aille mal n’est pas ici le sujet, mais que Pradeep Jeeha soit en quelque sorte médiatiquement réhabilité et présenté comme un des rares “clowns” qui détonnent “dans la cour du roi Petaud”, juste parce qu’il profère quelques insultes en direction de son leader et de ses camarades de parti, relève d’une démarche plutôt incongrue. S’il est vrai qu’il a pu prospérer parce qu’il a gravité dans l’ombre d’un leader bienveillant qui refusait de voir ce que tous les autres savaient de ce membre qui ne pouvait engager une conversation sans se référer à son ambition d’être Premier ministre, cela n’empêche pas de voir le dernier contestataire du MMM sous son vrai jour. Chronique d’une ambition contrariée qui a fait dire à Pradeep Jeeha tout et son contraire, un jour que les “réalités” imposent que celui qui se présente au poste de Premier ministre doit être un hindou, puis qu’il faut peut être partager le poste. Mais ce n’est pas les seules positions qui résument bien la mentalité du personnage et qui dit dit bien à quel point le MMM s’est éloigné de ses valeurs premières en tolérant de tels agissements, parti qui n’a ainsi pas été choqué qu’il puisse, lors de la campagne électorale de mai 2010, critiquer Mireille Martin pour s’être exprimée en hindi. Comme si c’était une langue qui était réservée à Pradeep Jeeha !
Eh oui, encore lui, c’est Jayen Cuttaree qui l’amène au MMM en lui assurant, bien sûr, un bel avenir chez les mauves. Candidat au No 6, Grand-Baie/Poudre d’Or, en décembre 1995 au No 6, il est élu sous la bannière de l’alliance PTr/MSM qui, de toute façon, remporte un 60/0 à se scrutin. Il est le Junior Minister de Jayen Cuttaree à l’Industrie de 1995 à 1997, année où le MMM se sépare des travaillistes. En alliance cette fois avec le MSM, Pradeep Jeeha est, en septembre 2000, réélu toujours au No 6 où Madan Dulloo fait quand même son come-back sous les couleurs d’une vaste alliance dite “sociale” conduite par Navin Ramgoolam.
Ministre pour la première fois, c’est le portefeuille des Nouvelles Technologies qui lui est attribué. Il ne s’en sort pas trop mal. Même si la proximité qu’il développe avec la Voice of Hindu, ce qui révèle ses vrais desseins, laisse quelques collègues de parti et beaucoup de militants perplexes et dubitatifs. Candidat d’une alliance MSM/MMM en juillet 2005 toujours au No 6, il mord, cette fois, la poussière. Dès lors, son discours va évoluer, les malheurs de son parti favorisant ses ambitions personnelles, d’autant qu’il estime avoir le bon profil.
Porté par cette ambition, voire cette obsession, à revendiquer le poste de Premier ministre, il n’arrêtera pas d’avoir des attitudes et des propos qui heurtent ceux qui ont encore une version un peu romancée de l’histoire des mauves et qui sont attachés à ce qui avait été la force du grand MMM.
Pradeep Jeeha commence à montrer ses vraies intentions lorsque Madan Dulloo, botté hors du gouvernement de Navin Ramgoolam en 2008 pour ses relations avec le leader de l’opposition d’alors, Paul Bérenger, amorce un retour au MMM et qu’il veut travailler dans la circonscription dont il est issu, le No 6. Opposition virulente de Jeeha qui se sent menacé, d’autant que le revenant Dulloo a toujours disposé, depuis 1976, d’une assise certaine dans la circonscription et qu’il est, en plus, resté proche des militants de la région.
Pradeep Jeeha rue dans les brancards, prend à partie certains de ses collègues parce qu’il n’a pas été initialement choisi pour être un des orateurs du 1er Mai, lance publiquement des accusations à la ronde, sort sa fameuse thèse qu’il faut présenter un hindou au poste de Premier ministre, sous-entendant lui-même, ce qui provoque de vives réactions, dont celles de Rajesh Bhagwan.
Pourtant, c’est Pradeep Jeeha qui va bouger. Il hésite un temps entre le No 17, Curepipe/Midlands, et le No 4, mais c’est finalement dans cette dernière circonscription qu’il va atterrir et se présenter aux élections de mai 2010, alors que le MMM fait cavalier seul. Comme à Curepipe, où se présente le trio conquérant Eric Guimbeau, Satish Boolell et Steve Obeegadoo, le No 4 semble tout à fait prenable.
“Attitude antidémocratique et arrogante”
Mais il y a la campagne de Pradeep Jeeha et ses propos sur Mireille Martin. Résultat des courses, c’est la candidate de l’alliance PTr/PMSD/MSM qui arrive en tête de liste, suivie du candidat du MMM, Joe Lesjongard et de Kalyanee Jugoo. Pradeep Jeeha prend la quatrième place.
Il reste hors du Parlement, mais développe une intimité qui fait jaser avec le leader de son parti, Paul Bérenger. Ce qui le conforte dans ses ambitions, même s’il n’est ni un Rajesh Bhagwan ni un Alan Ganoo, ni même un Kavi Ramano qui, contre vents et marées, arrivent, par leur travail, à se faire élire dans de difficiles scrutins.
Sa déroute aux élections de 2010 et son obligation de côtoyer l’élu Joe Lesjongard créent des frictions au comité régional du No 4. Des membres de cette instance reprocheront — quelle ironie! — à Pradeep Jeeha “une attitude antidémocratique et arrogante”.
Rendant compte d’une réunion, des militants racontent que leur candidat battu aurait répondu : “Ki to pe koze ? To prosekiter toi ? To kwrar to dan la Cour la ?” à un militant qui avait osé lui poser une question et que la situation avait dégénéré à un point tel que certains croyaient que cela allait déboucher sur une bagarre.
S’il est contre l’alliance avec le PTr, il accepte quand même d’être candidat aux élections de décembre 2014 et émigre, cette fois, au No 16 Vacoas/Floréal où il prend une modeste cinquième place derrière Nando Bodha, Dan Baboo, Etienne Sinatambou et Sheila Bappoo. En plus d’être battu, il fait face à quelques déboires post-électoraux, puisqu’il se retrouvera impliqué dans la fameuse histoire de l’enregistrement d’une conversation plutôt salace sur les proches de Pravind Jugnauth.
La police lui reproche d’avoir, lors d’un rassemblement dans sa circonscription au cours de la campagne, non seulement fait des commentaires sarcastiques sur Pravind Jugnauth, mais d’avoir invité l’assistance à écouter la bande concernée.
Il ne sera finalement pas plus inquiété que ça, même si l’on peut considérer comme étant plus qu’éloquent qu’il ait été le seul candidat du MMM au scrutin de 2014 à avoir été pris dans cette drôle d’histoire.
Mais rien n’entame sa bonne entente avec son leader et le choix de le nommer Deputy Leader va provoquer une profonde crispation au lendemain des élections internes au MMM en février 2015. Débouchant sur la démission de plusieurs cadres : Alan Ganoo, Joe Lesjongard et Kavi Ramano. Les démissionnaires sont très critiques de la proximité entre le leader du MMM et Pradeep Jeeha. Si Joe Lesjongard dit crument que “Jeeha ne mérite pas d’être leader adjoint du MMM”, Alan Ganoo n’en pense pas moins et Kavi Ramano accuse, lui, carrément Paul Bérenger de “soutirer des gens qui n’ont aucune valeur militante”.
Obligé de se défendre face à ces tirs croisés, Pradeep Jeeha dira, dans une interview à Week-End en mai 2015 que “je dis que tous les membres des instances du MMM font partie d’une équipe quand elle gagne ou quand elle perd les élections. Bérenger donne l’occasion aux autres de s’exprimer, il demande les opinions des autres, ce n’est pas un dictateur”.
Tout cela dans l’espoir d’être officialisé plus tôt que plus tard soit comme Premier ministre adjoint ou même Premier ministre pendant deux ans à la suite de Paul Bérenger. Mais, comme rappelé plus haut et comme nous l’écrivions en février 2016, l’affaire était tout sauf acquise au sein du MMM.
“Panik dan baz”
Pradeep Jeeha a commencé déjà à s’inquiéter, comme démontré par une situation de “panik dan baz” lorsqu’une petite nouvelle est apparue début d’année indiquant que le nom de Madan Dulloo aurait été mentionné lors d’une réunion du comité régional du No 19 animée par Paul Bérenger. Sans que personne ne puisse dire exactement de quoi il en retournait. C’était suffisant pour que celui qui se voyait Premier ministre d’être terriblement affecté et frustré au point de multiplier les positions les unes plus inattendues que les autres.
Il s’aligne avec Steve Obeegadoo pour critiquer la stratégie du MMM, démissionne du Policy Council, qu’il présidait, pour ensuite dire que son parti n’a pas de programme, multiplie les posts philosophiques sur Facebook, prend ensuite congé du Bureau politique, va s’épancher dans les médias. Jusqu’à ce que le MMM lui signifie sa mise en congé définitive hier !