On sait qu’on n’est plus très jeune quand on regarde les photos de notre jeunesse avec une douce mélancolie, en nous rappelant les aventures passées et les rêves d’autrefois. Nous prenons plaisir à feuilleter un vieil album qui rappelle le chemin parcouru, les amours éphémères, ainsi que les moments de joie intense. De plus, les albums sont témoins d’une fraîcheur et d’une jeunesse qui étaient autrefois les nôtres.
On sait qu’on n’est plus très jeune quand on commence à ressentir une certaine nostalgie en écoutant les chansons de notre jeunesse, celles qui passaient en boucle sur les radios et qu’on faisait jouer sur nos radios-cassettes. Ces mélodies qui aujourd’hui nous rappellent des souvenirs, des parfums, des personnes toujours à nos côtés, celles sur d’autres continents ou celles qui ne sont plus de ce monde. Ces chansons qui nous faisaient rêver, croire que nous savions tout et que nous étions les kings et les queens du monde et dont les groupes ou chanteurs imprimés sur des posters étaient placardés sur les murs de nos chambres.
On sait qu’on n’est plus très jeune quand la musique des années 80 nous fait bondir de notre fauteuil, les bras levés et les index pointés vers le haut, pour aller nous déhancher sur une piste de danse, tout en clamant à nos enfants : « C’est de mon époque ça ? » Et, à la fois le pire et le plus merveilleux, nous les voyons se lever eux aussi pour danser et chanter à tue-tête « Quand la musique est bonne », bonne, bonne, bonne, quand la musique est bonne… (Euh Camille , tu t’évades là ! Reviens à ton carnet !)
On sait qu’on n’est plus très jeune quand on préfère finalement les soirées tranquilles à la maison entre potes plutôt que les sorties endiablées en boîtes de nuit avec leurs lendemains souvent pénibles. Une soirée devant un bon film ou avec un livre accompagné d’une infusion est plus sympathique, bien que moins animée. La sérénité d’une soirée calme avec quelques éclats de rire est désormais plus attrayante.
On sait qu’on a pris de l’âge quand on commence à donner des conseils aux jeunes avec un ton de sagesse que l’on reconnaît à peine. Nous sommes capables de faire des mises en garde et de prévoir les conséquences face à des situations que tentent les jeunes en quête d’apprentissage. Nous nous surprenons à parler avec des mots et des tons que nous ne nous connaissions pas et qui résonnent comme ceux de nos parents.
On sait qu’on n’est plus très jeune quand on se prend à sourire en voyant les jeunes vivre aujourd’hui des expériences que l’on a déjà traversées, avec leurs joies, leurs peines et leurs découvertes. Nous savons que la vie est un cycle et que chaque génération apporte sa propre touche.
On sait qu’on n’est plus très jeune quand les mots « avant » et « autrefois » s’invitent souvent dans nos conversations. Ainsi que les expressions « à mon époque », « nous c’était mieux » ou « que sont devenus nos jeunes maintenant? » Nous nous surprenons aussi à parler comme nos parents, à donner des directives avec un air satisfait de « moi je sais, ti couillon », ce que nous n’aurions jamais imaginé faire il y a encore vingt ans. Nous nous étions probablement fait la promesse de rester in et de devenir des adultes cool. Mais c’est raté !
Quand on voit des enfants et des adolescents, on leur demande le nom de leurs parents et parfois même de leurs grands-parents, et on s’entend même leur raconter des histoires ou faire des liens de parenté qui ne les intéressent même pas.
On sait qu’on a commencé à vieillir quand la perte de valeurs désole, quand les maintenir devient un combat incontournable, quand la sécurité est un élément non-négociable et que le temps nous apprend la sagesse et le lâcher-prise.
On sait qu’on n’est plus très jeune quand on réalise que nos goûts ont changé, que l’on préfère les repas préparés à la maison avec soin, au fast-food. Nous ressentons une sincère satisfaction en découvrant le couvercle des plats aux saveurs et parfums qui rassemblent. Rien que cela est une source de bonheur.
On sait qu’on n’est plus très jeune quand on commence à apprécier les petites choses de la vie : une balade, le chant des oiseaux, le sourire d’un inconnu, une sieste, le vent qui s’engouffre dans les feuilles, les gazouillis d’un bébé… Ce sont des petits moments qui apportent de la lumière à nos journées et que nous savourons avec une intensité nouvelle.
On sait qu’on a pris de l’âge quand les premiers pas après le réveil s’accompagnent de quelques douleurs et que sortir d’un fauteuil confortable nous fait grimacer justement à cause de ce même type de douleurs. Notre corps commence à nous jouer des tours et notre hygiène de vie doit être plus stricte au niveau de l’alimentation, le sport et le sommeil.
On sait qu’on n’est plus très jeune lorsque l’on prend froid plus facilement et que le vent devient rapidement un ennemi. Foulards, écharpes, vestes, parapluies sont à portée de main des fois que la météo, capricieuse, vienne affaiblir notre système. Nous devons penser à nous chauffer et à nous protéger de “cette petite brise-là.”
On commence à chérir les souvenirs autant que les projets et on sait, alors, que la vie est une mosaïque où chaque instant est une pièce précieuse et chaque projet une promesse à venir. C’est ce tout qui fera le tableau complet et final tout au long de notre vie.
On sait qu’on a pris de l’âge quand on voit, dans le miroir, des rides qui se dessinent petit à petit, marquant un peu plus notre visage chaque année et que les cheveux blanchissent, laissant traverser cette pensée universelle « mais je suis encore jeune dans la tête. » Chaque ride, chaque cheveu blanc est une marque de notre histoire.
On sait qu’on n’est plus très jeune quand on regarde en arrière avec un mélange de pincement au cœur et de satisfaction, reconnaissant pour les moments vécus et prêt à accueillir ceux à venir avec sérénité et lâcher-prise.
À nous qui reprenons conscience, à nouveau et sans regret, que nous ne sommes plus très jeunes, sachons réaliser que notre vie est une constante transformation, que chaque étape est une évolution, que chaque palier est une richesse. Prendre de l’âge n’est pas un fardeau, bien au contraire. Cela nous apprend ce qui est essentiel, ce qui est à éliminer et à ignorer, et ce qui est à garder et à chérir. Cela nous apprend à nous rencontrer nous-mêmes et à mieux nous connaître.
D’ailleurs, sans les décennies passées, je n’aurais absolument pas pu faire cette petite revue de ce qui caractérise le fait que je n’ai plus vingt ans.
Et c’est avec curiosité et passion que j’espère les prochaines décennies.