On ne dit plus « femme », ni « racisme » !

L’élection de Donald Trump à la présidence des États Unis ne concerne clairement pas que ce pays. En quelques jours, avec son acolyte, le multi-milliardaire Elon Musk, il s’est, en effet, empressé de se poser en décideur dans de multiples conflits internationaux, de la Palestine à l’Ukraine, veut annexer des territoires indépendants comme le Canada, a démantelé et privé de budget des organismes venant en aide à de nombreux pays sur des questions comme la pauvreté, la famine, la drogue, l’éducation, la santé, etc.

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Depuis le 20 janvier 2025, chaque jour apporte son lot d’annonces intempestives et de décisions rocambolesques, qui ont des répercussions profondes et inattendues sur le reste du monde.

Mais il n’y a pas que cela. Il y a aussi l’attaque du nouveau Président des États Unis sur une chose autrement fondamentale : les mots.

Les mots construisent notre réalité. « Mal nommer les choses, c’est rajouter au malheur du monde », disait Albert Camus. Trump, lui, a décidé de faire encore plus radical : ordonner que l’on ne nomme plus du tout un certain nombre de choses qui lui déplaisent. Si on ne nomme plus une réalité, on ne fait pas qu’elle cesse d’exister. On empêche de prendre pleinement acte de son existence, et d’agir en conséquence.

Et cela va s’avérer catastrophique pour notre humanité.

Cette semaine, le CDC (Centre or Diseases Control and Prevention), la principale agence de santé publique des États Unis, a reçu de l’administration une liste de 7 mots dont l’utilisation est interdite dans des documents officiels en préparation pour le prochain budget à être soumis à l’approbation du Congrès : diversity, entitlement, evidence-based, fetus, science-based, transgender et vulnerable.

Ce qui pose la question de savoir comment aborder et traiter des questions ayant trait, entre autres, au droit à l’avortement, à l’orientation sexuelle, à l’identité de genre. Mais qui met aussi un frein à des travaux visant à prévenir le VIH, à réduire les disparités dont souffrent les personnes LGBT ou à étudier les effets du virus Zika sur le développement des fœtus, fait ressortir le Washington Post. Le HHS (Department of Health and Human Services) a déjà enlevé de son site internet des informations ayant trait aux Américain-es LGBT, notamment une page listant les services fédéraux disponibles pour les personnes LGBT et leurs familles, concernant, entre autres, l’aide qu’ils peuvent recevoir s’ils-elles sont victimes de trafic sexuel.   

De son côté, la National Science Foundation (une agence dotée de 9 milliards de dollars annuels, destinés à soutenir la recherche scientifique) a transmis une liste de près de 120 mots-clés pouvant entraîner le refus d’octroi d’une subvention (voir plus loin).

Une véritable épuration. Un séisme pour la liberté académique et pour la science.

Le 10 février dernier, Alessandro Rigolon, professeur en urbanisme à l’université de l’Utah, écrit sur le réseau social Bluesky.  « Je n’arrive pas à croire que j’écris ceci depuis les États-Unis. »  Il vient d’être notifié, par mail, que pour conserver la subvention dont il bénéficie, il lui est désormais « déconseillé » d’utiliser, dans ses travaux, des mots tels changement climatique, émissions de gaz à effet de serre ou justice climatique. Ce qui a pour but évident d’éliminer toutes les recherches, les programmes, politiques, règles, activités, promouvant l’activisme climatique.

Toute référence à la crise climatique a déjà été supprimée des sites internet fédéraux. « 404 Not Found » : c’est le message d’erreur qui s’affiche sur les pages consacrées à ce sujet depuis une semaine sur des sites allant de celui du ministère de la Défense à celui de la Maison Blanche au ministère de la Défense. Des travaux d’universitaires ont aussi été supprimés, comme ceux de Tyler Norris, doctorant à l’université Duke, dont la recherche sur l’interconnexion des réseaux électriques figurait jusque-là sur le site du ministère de l’Énergie. Ou ceux du climatologue David Ho sur les cycles du carbone océanique. Pas du tout un hasard, bien entendu, alors que l’administration Trump compte promouvoir les combustibles fossiles… Et cela ne ferait que commencer.

Outre l’écologie, ce memorandum s’étend aussi aux questions d’équité raciale, de genre, de diversité et d’inclusion.

« Il est impossible de concevoir une étude sur les humains sans utiliser au moins un des termes figurant sur la liste des interdictions, écrit Darby Saxb, professeure en psychologie à l’université de Californie du Sud, dans des propos rapportés par le media ReporterreCela signifie que la recherche biomédicale, sociale et les neurosciences sont désormais gelées aux États-Unis. » 

Ce qui est encore plus grave, c’est que cela ne concerne pas seulement les États Unis. Parce que M. Trump a aussi décidé de mettre au pas le reste du monde en s’attaquant directement aux Nations Unies, pour interdire les références ayant trait aux DEI (Diversité, Équité et Inclusion). 

Avertissement a été clairement lancé à l’UNICEF. Et à UN Women. 

En réaction, certains organismes des Nations Unies… ont déjà demandé à leur personnel de modérer (tone down) leur expression, car ils pourraient, le cas échéant, se voir privés des milliards de dollars de financement qui leur sont versés par les États Unis. Trump en a déjà donné l’exemple en mettant fin à l’engagement des États-Unis auprès du Conseil des droits de l’homme de l’ONU, en prolongeant l’arrêt du financement de l’agence humanitaire palestinienne UNRWA et en ordonnant un examen de l’UNESCO.

Outre l’administration, la justice et les sciences, Donald Trump s’en prend aussi aux arts et à la culture.

Cette semaine, il a renvoyé la présidente et plusieurs membres du conseil d’administration du Kennedy Centre, centre culturel renommé de la capitale Washington, et a renommé un conseil d’administration entièrement constitué de ses proches, qui l’a à son tour nommé à la présidence du Kennedy Centre. Du jamais vu aux États Unis. « Nous avons pris le contrôle du Kennedy Center. Nous n’aimions pas ce qu’il présentait, Nous allons faire en sorte que ce soit bien et cela ne sera pas woke », a déclaré Donald Trump aux journalistes.

Suite à cela, plusieurs artistes renommés ont annoncé leur démission de l’institution qui accueille 2 millions de visiteurs par an ainsi que plus de 2,200 spectacles et expositions.

Une chose à relever : sur la liste d’interdictions de Trump, il n’y a ni le mot men, ni le mot white, ni le mot arms, ni le mot war…

Et dans cette grande folie, il faudra inventer un autre mot pour dystopia.

Mot jusqu’ici utilisé pour désigner une œuvre artistique (livre ou film) d’anticipation, décrivant une société imaginaire du futur marquée par la souffrance et la difficulté à survivre en raison de dérives liberticides, souvent violentes, et qui dépassent ce qui semble le plus négativement imaginable et vivable.

Il n’y a plus d’anticipation. L’inimaginable inhumain, nous y sommes en plein.

Aux mains d’un Président délirant et d’un non-élu qui a notamment choisi d’appeler son enfant X Æ A-12…

SHENAZ PATEL

HT

La liste des mots-clés interdits par l’administration Trump

-activism / activists

-advocacy /advocate

-barrier / barriers

-biased / biases

-black, indigenous and people of color

-black and latinx

-community diversity

-community equity

-cultural differences

-cultural heritage

-culturally responsive

-disability / disabilities

-discriminated / discrimination

-discriminatory

-diverse backgrounds

-diverse communities

-diverse group(s)

-diversify / diversified

-diversity and inclusion

-diversity equity

-enhance the diversity

-equal opportunity

-equality

-equitable

-equity

-ethnicity

-excluded

-female(s)

-fostering inclusivity

-gender(s)

-gender diversity

-hate speech

-hispanic minority

-historically

-implicit bias(es)

-inclusion / inclusive

-increase diversity

-indigenous community

-inequality / inequalities

-inequities / inequitable

-institutional

-Igbt

-marginalize(d)

-minority / minorities

-multicultural

-polarization

-political

-prejudice

-privileges

-promoting diversity

-race and ethnicity

-racial diversity

-racial inequality

-racial justice

-racism

-sense of belonging

-sexual preferences

-social justice

-sociocultural

-socioeconomic

-status

-stereotypes

-systemic

-trauma

-under appreciated

-under represented

-under served

-undervalued

-victim

-women

-women and underrepresented

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