Nous pourrions être en train de faire référence à la mer.
Après tout, elle a encore été dans l’actualité cette semaine. Notamment avec l’organisation, par CARES, (Centre for Alternative Research and Studies), de la conférence intitulée « Koste pep losean indien ».
La coïncidence aura voulu que la reprise du titre de cette chanson phare du Seychellois Patrick Victor intervienne alors que les Seychelles, encore une fois, semblent montrer la voie. Le 29 octobre dernier, en effet, le Financial Times publiait un article annonçant que « the tiny island nation of Seychelles has become the first country to raise funds in the bond markets to protect dolphins and other marine life, in a deal which also involves the World Bank and the Prince of Wales ». En d’autres mots, des Seychelles sont le premier pays au monde à inviter des investisseurs à participer à un « Blue bond » devant les aider à financer des projets allant dans le sens de la transition à une activité de pêche soutenable et à la sauvegarde de ses océans, dans le cadre du développement d’une économie bleue. Sachant que les produits de la pêche représentent 95% des exportations des Seychelles et que ce secteur emploie 17% de la population, la structure de ce Blue bond vise à fournir un moyen de conjuguer conservation du milieu marin et développement économique. Et de montrer qu’investir avec une approche responsable est à la fois prudent et financièrement fructueux sur le long terme.
Le long terme. Voilà ce qui semble nous échapper.
Ici, à Maurice, c’est bien le court-termisme tous azimuts qui paraît être au cœur de l’action de nos gouvernements successifs. D’où, sans doute, l’intérêt de l’Indian Ocean Peoples’ Conference organisée les 30 et 31 octobre dernier à Pointe aux Sables et à Riambel par CARES.
Cette conférence a donc réuni des scientifiques, universitaires, militants écologistes, artistes et gens de la mer venant de Madagascar, de La Réunion, des Comores, des Seychelles, de Rodrigues, des Chagos, d’Agaléga, de Maurice, d’Afrique du Sud, du Mozambique. Le but : faire un état des lieux et poser les bases d’un futur Indian Ocean Peoples’ Movement, dont l’objectif est de créer un espace de partage entre mouvements/activistes de la région pour une cohérence et compréhension commune, face aux enjeux majeurs qui nous animent. Ces enjeux ayant trait à l’impact écologique grandissant du changement climatique sur l’océan Indien et ses peuples (dont la montée des eaux) ; à la sur-exploitation de nos ressources marines ; à la militarisation de plus en plus importante de l’océan Indien et les menaces que cela constitue pour la paix dans la région ; à l’échec des pouvoirs institutionnels, économiques et sociaux à protéger l’océan et ses peuples.
Le but de cette initiative est donc de créer un espace permettant aux peuples et mouvements de l’océan Indien de se réapproprier l’initiative politique, et de développer une contre-vision à la vision néolibérale de nos décideurs respectifs. Pour que la voix des peuples de l’océan Indien se fasse entendre à l’unisson lors des forums mondiaux Et que la solidarité, l’entre-aide, la coopération, la fraternité soient les bases d’un nouvel échange caractérisant la région indo-océanique.
La « vision » politique n’est bien entendu pas contestée uniquement ici. Alors que les climato-sceptiques, dont le président américain Donald Trump, n’ont cessé de remettre en cause les traités sur le climat, la ville de Venise, en Italie, a vécu lundi dernier un record historique de montée des eaux. Avec une hausse de 1m56, l’eau a recouvert les trois quarts de la ville, tuant au moins 12 personnes, endommageant la basilique Saint Marc, provoquant diverses destructions.
Techniquement, la ville aurait dû être protégée d’une telle catastrophe par une digue. Le MOSE (module expérimental électromécanique), avait commencé à être aménagé en 2003 justement pour protéger Venise de la montée des eaux. Mais son aménagement a sombré en 2014 dans les scandales de corruption et l’explosion des coûts. Et la structure sous-marine, terminée à plus de 90 %, coule sous la rouille…
Résultat : c’est la population, comme toujours, qui paye le prix du manque de vision et de l’incurie des pouvoirs dits « publics ».
Comme cette population, habitant ou commerçant aux abords de la gare de Rose Hill, qui s’est cette semaine vue envahir par un spectaculaire déversement d’eaux usées. Maisons et magasins submergés par les matières fécales. Parce que les travaux de forage pour l’aménagement du métro léger n’avaient pas relevé qu’il y avait là un tuyau d’évacuation. Une semaine plus tard, l’odeur de merde dans ce quartier central de la ville, juste après le CEB, est toujours à vomir. Cela aurait sans doute été un scandale si des nantis ou des politiques habitaient là. Mais le gouvernement veut manifestement inaugurer le métro léger avant l’échéance électorale de septembre 2019. Alors on fait tout vite, vite, n’importe comment. Et les petites gens, après tout, ont l’habitude d’être dans la merde, n’est-ce pas ?
Jusqu’au jour où peut-être ils décideront qu’ils ont, eux aussi, le pouvoir de la créer et de la répandre, la merde…