Depuis des années, les partis politiques avaient confisqué la Fête du Travail pour en faire une espèce de test de leur popularité basée sur la foule venue à leurs meetings respectifs. Si, au départ, les Mauriciens allaient au meeting du 1er Mai par conviction, au fur et à mesure la motivation a changé. Pratiquant le clientélisme comme les politiciens, les Mauriciens ont commencé à poser des conditions pour se déplacer lors des réunions de mobilisation. Ils ont demandé le transport, des te-shirts, un tiffin et des boissons, des pavillons et, depuis quelques années, un piqie-nique à la plage avec briani – de préférence avec salade – après le meeting. Tout cela coûtait de l’argent et dès le début de l’année, des émissaires des partis allaient faire le tour des entreprises du secteur privé pour réunir les sommes nécessaires.
Mais il ne suffisait pas de faire se déplacer la foule, il fallait surtout montrer qu’elle était la plus importante. Pour cela, il fallait estimer les différentes foules pour le journal télévisé de la MBC et les unes de la presse le lendemain. Depuis des années, la MBC refait le même exercice dans son compte-rendu des meetings le soir du 1er Mai : pour elle, la plus grande foule est toujours celle du gouvernement en place. Pour arriver à ce résultat sans surprise, la MBC ne s’épargne aucune peine : des instructions sont données aux cameramen pour filmer des images d’une foule enthousiaste au meeting gouvernemental et pour montrer des petits groupes de gens aux visages fatigués aux meetings de l’opposition. On a déjà vu un président du conseil d’administration de la MBC monter sur des échelles pour choisir les plans ! Et comme si cela ne suffisait pas, un soin particulier était accordé au montage des images. Ce qui fait que traditionnellement le JT du 1er Mai commençait toujours en retard, pour donner le temps au directeur général et aux conseillers du bureau du Premier ministre de choisir la version définitive des images. Et puis venaient les estimations des foules.
Comme le JT de la MBC, celle de la police donnait gagnant le parti du gouvernement, ce que les partis d’opposition contestaient automatiquement. Sans doute avec raison, quand on sait à quel point les Casernes centrales sont indépendantes de l’Hôtel du gouvernement ! Il y avait aussi les estimations de la presse qui étaient rejetées par tous les partis qui proposaient les leurs. Le champion toute catégorie de l’auto-estimation de sa foule au meeting du 1er Mai est sans conteste le MSM de Pravind Jugnauth. Surtout, quand il est dans l’opposition. Une année, mécontent des estimations de la presse, il avait fait imprimer des posters géants et les avaient fait placarder pour tenter prouver que la foule du MSM était la plus importante !
Mais le problème c’est que cette année il n’y a pas eu la traditionnelle bataille des foules, puisque le seul meeting organisé pour le 1er Mai était celui du MSM/ML. Mais malgré ce 1er Mai sans bataille de foules, la MBC a réussi l’exploit de présenter un JT comme à l’époque où tous les partis se battaient pour obtenir la plus grande foule. Tous ceux qui ont regardé le JT de mardi soir ont eu la même réaction : la MBC a dépassé les bornes de la propagande gouvernementale. Le JT a présenté à quatre reprises des reportages sur le meeting du MSM/ML avec, en plus, des vidéos filmés par un drone. La séquence a commencé par un long reportage sur Pravind Jugnauth allant à la rencontre de ses partisans et s’est poursuivie par son discours résumé en six minutes. Juste après, ont été présentés des résumés de discours de certains orateurs au meeting. Ont suivi des réactions des sympathisants qui ont couvert de louanges le Premier ministre.
07Après cet exercice de propagande, qui a duré une bonne dizaine de minutes, le JT a consacré un peu de temps aux autres activités du 1er Mai : deux minutes environs aux congrès du PMSD et du MMM et quelques secondes, plus précisément 25, au PTr pour sa traditionnelle cérémonie de dépôt de gerbes. Cette couverture partisane de la MBC a, comme il fallait s’y attendre, provoqué des condamnations des partis politiques et de la presse. Notre confrère l’Express est allé demander au président du conseil d’administration de la MBC ce qu’il pensait de la couverture du 1er Mai par la télévision nationale. M. Bheejaye Ramdenee, a dit qu’il « n’avait pas eu le temps de regarder les informations mardi soir ». A qui va-t-on faire croire que le président du conseil d’administration de la MBC ne regarde pas les JT et plus particulièrement celui du premier Mai ? Remarquez que ce président avait dit « qu’il n’y a pas d’ingérence politique à la MBC ». Comme quoi, avec ou sans directeur général, les MBCilités continuent de plus belle !
Jean-Claude Antoine