Une fois la surprise de la victoire aux élections de 2015, qu’elle n’espérait pas, passée, Lalians Lepep a dû inventer sur-le-champ un programme de gouvernement. Ce qui explique ce climat d’amateurisme qui se fait encore sentir dans certaines décisions, et surtout les nominations des petits copains, copines, époux et parents, à des postes qui sont souvent éloignés de leurs compétences.
Comme tous ses prédécesseurs, Lalians Lepep a décidé de défaire tout ce qui avait été fait par le gouvernement d’avant. Même ses bonnes mesures. C’est ainsi que le permis à points, qui commençait à entrer dans les moeurs des automobilistes et dans leur conduite, fut révoqué. D’autres décisions hâtives furent prises dont les conséquences se font encore sentir comme l’annulation du contrat de l’approvisionnement en pétrole.
Sans oublier la ruine ou la perte des économies de milliers de Mauriciens provoquée par la fermeture non préparée de la BAI. Pour montrer sa différence, le nouveau gouvernement décida de changer plusieurs titres de ministères en choisissant des noms ronflants et dont la signification n’est pas toujours évidente, comme le ministère de l’Egalité des genres pour remplacer le ministère de la Femme. Comme si l’habit faisait le moine et que le changement d’appellation était automatiquement synonyme d’efficacité. On vient de comprendre que dans ces « change of name », il est possible que des ministres ayant gardé le même titre aient été dotés de nouvelles responsabilités dans la plus grande des discrétions. Il semblerait que ce soit le cas du ministre de la Justice, après ce qui s’est passé dans l’affaire de l’ex-CP Raj Dayal, et ce qui semble en train de se passer avec le dossier des poursuites engagées par Pravind Jugnauth contre l’Etat mauricien.
Dans le premier cas, le Parquet avait contesté la demande de dédommagements pour renvoi injustifié – par le Premier ministre d’alors sir Anerood Jugnauth – intenté par l’ex-CP. Et puis, subitement, l’année dernière, on apprend qu’un arrangement à l’amiable est survenu entre les parties concernées et qu’une somme de Rs 15 millions a été payée à l’ex-CP, lequel était devenu entre-temps, grâce aux revirements ahurissants de la politique mauricienne, membre élu de Lalians Lepep. Cet arrangement « outside court » aurait été négocié par le bureau du ministre de la Justice sur des instructions venant d’en haut. En puis, on a appris cette semaine que le ministre de la Justice continue dans la voie des arrangements « secrets » avec des personnalités politiques ayant traîné l’Etat en Cour. C’est le cas de Pravind Jugnauth, lui-même, qui avait été interpellé par la police à son domicile et interrogé aux Casernes centrales en décembre 2012.
Cette interpellation avait été provoquée par une déclaration du leader du MSM qui, dans le cadre de l’affaire MITD, avait poussé un ministre à consigner une déclaration à la police, laquelle, comme c’est toujours le cas, est d’une célérité extraordinaire quand un ministre fait une déclaration contre quelqu’un, fût-il le Directeur des poursuites publiques. Cette arrestation avait provoqué une levée de boucliers de la presse contre la manière de faire de la police. Après sa libération, Pravind Jugnauth avait décidé de réclamer Rs 100 millions à l’Etat pour « arrestation et détention arbitraire ». L’Etat avait décidé de se défendre et durant les quatre dernières années, les officiers du Parquet ont réaffirmé cette position en suivant les procédures nécessaires lors des quinze audiences au cours desquelles cette affaire a été mentionnée en Cour suprême.
Et puis, le 31 octobre, Le Mauricien révèle que l’Etat a changé de position et que le bureau du ministère de la Justice, qui le représente, est en train de travailler sur une proposition pour un arrangement à l’amiable avec Pravind Jugnauth. Par conséquent, il est maintenant évident que le ministère de la Justice est aussi celui des arrangements à l’amiable avec les personnalités politiques qui poursuivent l’Etat. En dehors de l’aspect moral de cette pratique – c’est le Conseil des ministres conseillé par le ministre de la Justice et présidé par Pravind Jugnauth qui va approuver l’arrangement avec Pravind Jugnauth – il faut le souligner, ce sont les contribuables qui auront à payer les arrangements à l’amiable du ministre de la Justice.