Commençons tout d’abord par rendre à l’Alliance du Changement le crédit qui lui revient. Si elle n’avait pas remporté les dernières élections, aucune de ces nombreuses affaires de corruption et de détournements de fonds publics allégués qui font la une de l’actualité depuis plusieurs jours n’aurait été rendue publique. Même si des enquêtes avaient été ouvertes, elles auraient été rapidement classées sans suite ou n’auraient jamais été complétées. Par exemple, comme celle dite Angus Road. Il faut mettre cette initiative démocratique au crédit du nouveau gouvernement en espérant qu’il fera de sorte que les enquêtes ouvertes suivent leurs cours, sans ingérence ou pression, comme cela a été trop souvent le cas dans un passé récent. Et que la FCC ne prendra pas autant de temps que feu l’ICAC pour les terminer, rendre publiques leurs conclusions et traîner les responsables devant les Cours de justice appropriées.
J’écrivais ceci dimanche dernier : « Ce que révèle le début de l’enquête de la FCC dans le rachat de l’hôtel Appavou par la Mauritius Investment Corporation sur les méthodes de bonne gouvernance pratiquées à Maurice est, pour dire le moins, effarant. » Ce n’était que la pointe de l’iceberg. Ce n’était qu’une réclame du long métrage que l’on est en train de découvrir, grâce aux multiples enquêtes ouvertes par la FCC. D’interpellations en interrogatoires de leurs protagonistes, petit à petit, les affaires en cours révèlent l’existence d’un circuit économique parallèle à Maurice. Pas celui des marchands ambulants et des revendeurs de produits achetés par lots dans certains pays d’Asie. Pas celui d’importateurs occasionnels qui font venir quelques caisses de vins ou des petits électro ménagers, plus pour s’amuser que pour faire de grands profits. Non, il s’agit d’un nouveau circuit économique discret, mais bien rôdé, dont la finalité semble être de faire ses promoteurs bénéficier des contrats de l’État. Pas en respectant les règles établies, mais en les contournant ou en bénéficiant de protections ou d’informations permettant d’y accéder sans problèmes. Il est question d’appels d’offres taillés sur mesure ou d’attribution de contrats sans appels d’offres pour des raisons diverses et variées évoquées, mais jamais rendues publiques. Sans doute pour respecter les fameuses clauses de confidentialité qui arrangent bien les affaires de certains businessmen, qui ne veulent pas laisser savoir les sommes qu’ils ont réussi à obtenir de l’État.
Ces nouvelles petites compagnies financières ne s’occupent pas de petits contrats comme celle de la compagnie de nettoyage de cette hôtesse de l’air amie d’enfance d’un ministre poussé à la démission après les conclusions de l’enquête judiciaire de l’affaire Kistnen. Les promoteurs de ce nouveau système – de cette nouvelle caste ou mafia, comme certains n’hésitent pas à le surnommer – sont des hommes et des femmes relativement jeunes, diplômés qui ont les contacts et les connexions voulues pour décrocher les gros contrats de l’État. Des observateurs économiques affirmaient, hier, sous le couvert de l’anonymat – obligatoire pendant le règne du MSM et de ses alliés pour éviter des représailles – que les propriétaires de ces nouvelles compagnies semblaient graviter dans le proche entourage de l’ex-ministre des Finances. Certains allaient même jusqu’à dire qu’il était en quelque sorte leur protecteur et qu’ils travaillaient pour lui à travers des « consultants agents » ou des « transaction advisers ». Sans protection d’en haut, comment expliquer que de petites sociétés inconnues au bataillon aient pu décrocher des gros contrats de l’État ? Comme celui de l’approvisionnement du pays en produits pétroliers qui dépasse le milliard de roupies !
Les interpellations/ interrogatoires de la FCC sont marquées par le silence des interpellés, malgré les efforts de certains journalistes, et les longues déclarations de certains de leurs avocats. C’est à travers leurs déclarations qu’on a appris que l’ex-gouverneur de la Banque de Maurice a affirmé avoir reçu des instructions de l’ex-ministre des Finances pour faire avancer le dossier de la vente de l’hotel Appavou où, il faut le rappeler, la MIC a payé Rs 300 millions de plus que le prix accepté. À cela, l’avocat de l’ex-ministre des Finances a répondu que ce ne sont que des allégations qu’il dément. Des allégations qui ont poussé la FCC à refuser la libération sous caution à l’ex-ministre des Finances? Qui cherche-t-on à enfumer avec ce genre de déclarations ?
En tout cas et selon la formule consacrée, les enquêtes ouvertes par la FCC sont à suivre de près. Surtout si elles parviennent à faire remonter tout l’iceberg à la surface, pas seulement sa pointe.