La caisse noire de Lakwizinn

Pas mwa sa, li sa ! C’est toujours le recours à la même sempiternelle parade lorsqu’il s’agit d’essayer de se dédouaner et de tirer son épingle d’un jeu pourri auquel on a pleinement participé et dont on a allègrement profité. C’est ce à quoi l’on assiste avec la saga de la désormais tristement célèbre Mauritius Investment Corporation, une entité brassant Rs 82 milliards et qui a été transformée en caisse noire de Lakwizinn du MSM.
Le Covid a été une manne pour Pravind Jugnauth et ses acolytes. Ils siégeaient au sein d’un comité qui avait la particularité de ne tenir aucun procès-verbal. Cela arrangeait leurs petites affaires et leurs grandes magouilles. Un scandale qui a débouché sur des achats douteux à hauteur de Rs 1,2 milliard, dont les Rs 100 millions ou plus gaspillées ou détournées dans les fameux respirateurs artificiels dont personne n’a vu la moindre unité, si ce n’est un paquet de pièces détachées qu’aucun technicien n’était arrivé à assembler.
Ce n’était pas assez : il fallait profiter de la psychose ambiante et de la crainte d’une explosion des cas de Covid et de la grande détresse du secteur touristique pour se mettre plein les poches et garnir en épaisses liasses ceux des petits coquins et de petites copines placées par l’ancien ministre des Finances dans des organismes dont il avait la responsabilité. C’est ainsi que ce monstre de MIC a été créé.
Les informations qui transpiraient de ce mic-mac, de ce machin coûteux, d’abord piloté par Lord Desai puis par Mark Florman, avant que Jitendra Bissessur ne soit imposé comme directeur, étaient déjà assez troublantes avant même le coup de massue que l’électorat a, dans sa grande sagesse, choisi d’infliger à ceux qui avaient trouvé le filon pour s’enrichir, voilà que la boite de Pandore, à peine ouverte, livre encore plus de pratiques mafieuses.
Après Pulse Analytics de la fratrie Stéphane et Queenie Adam et les Rs 45 millions qui leur ont été généreusement offertes par la MIC, qui coïncidaient avec l’organisation de sondages bidon tentant de vendre à la population que le parti de Pravind Jugnauth était imbattable aux dernières élections générales, il y a eu d’autres acteurs improbables qui sont apparus sur le radar de la MIC.
Comme Verde Frontier Solutions, compagnie créée en 2015 par Dirish Noonaram et Veena Pavaday après l’arrivée du MSM au pouvoir qui, lui aussi, réalisait des sondages risibles sur les résultats de la partielle de 2017 de Belle Rose/Quatre Bornes et qui voyait le PMSD damer le pion au PTr et au MMM. Sauf que le malheureux candidat bleu Dhanesh Maraye n’a même pas pu sauver sa caution. C’est dire comment les apprentis sondeurs, pour ne pas dire manipulateurs, du Sun Trust étaient capables de travestir la réalité.
Cette petite compagnie va pourtant s’étendre assez rapidement, jusqu’à devenir un genre de Transaction Advisor pour le deal MIC/Hotel de Rs 2,4 millards Ambre avec les Rs 300 millions de commissions réalisées suivant un jeu comptable autour des devises, en l’occurrence l’euro, que la Banque de Maurice est censée gérer.
Il faut maintenant savoir si la décision de conclure la transaction en euros à ce moment précis n’a pas été prise lorsque la devise européenne était au plus fort et s’il n’y a pas là un délit d’initié également. Avec ces gens-là, c’est comme leur slogan : “Ensam tou posib”.
Au cœur de cette affaire, la galaxie Renganaden Padayachy, l’ancien ministre des Finances, qui fut pendant longtemps le champion de certains médias et notamment de ce magazine qui vendait ses couvertures dont le promoteur a, paradoxalement, été récompensé par la République. C’est à mettre sur le compte des mauvaises surprises du “changement”.
Cette digression faite, ce qui a déjà émergé du début des enquêtes, c’est que l’ancien Premier ministre a été impliqué par Harvesh Seegolam, qui a déclaré aux enquêteurs avoir averti celui qui occupait le Bâtiment du Trésor qu’il subissait des pressions de la part de son ministre des Finances pour conclure au plus vite le deal Hotel Ambre avec, à la clé, le faux qui consistait à rafler Rs 300 millions.
Quelques indiscrétions à ce stade de l’enquête indiquent que Renganaden Padayachy, déjà propriétaire de biens à Gris Gris et ailleurs, se baladait avec des millions en cash qu’il aurait voulu utiliser pour acheter un terrain à Moka, lieu où il a quand même pu dormir depuis mercredi. Mais dans un centre de détention.
On ne sait pas si c’est son entreprise fétiche de construction Kuros de Selven Warden qui devait construire une villa sur ce terrain de Moka, alors que, selon certaines informations, cette compagnie que l’on dit en faillite aurait déjà réalisé des travaux pour le compte de l’ex-Grand Argentier, mais elle est également dans le viseur de la Financial Crimes Commission pour ses connexions avec l’ancien ministre des Finances et les facilités dont il a pu bénéficier de la part de la MIC, décidément la boutique des copains de Renganaden Padayachy.
Celui qui enfonce le plus l’ancien ministre et qui oriente aussi les enquêteurs vers son grand patron Pravind Jugnauth n’est autre que l’ancien blue-eyed boy de Lakwizinn Harvesh Seegoolam, élevé au rang de Grand Commander of the Star and Key of the Indian Ocean (GCSK) le 12 mars 2024 “for valuable contribution in the banking sector”.
Il a, apparemment, attendu que son parrain Roshi Bhadain vienne à son secours pour qu’il retrouve subitement la parole. L’ancien gouverneur de la banque de Maurice est, en effet, un poulain du leader du Reform Party. Pour ceux qui l’auront oublié, une toute nouvelle agence avait été créée lorsque Roshi Bhadain était le ministre des Services Financiers en 2014-17, la Financial Services Promotion Authority, et ce n’est nul autre que Harvesh Seegoolam qui avait été placé à la tête de cet organisme.
Et la question essentielle que toutes les personnes honnêtes de ce pays se posent est la suivante : lorsqu’on est dépositaire de la bonne gestion des biens publics et que l’on constate que la loi est bafouée, contournée et ignorée, que fait-on ? On participe comme Harvesh Seegoolam et Jitendra Bissessur, et on se tait tout en jouissant de sa position et des privilèges qui vont avec ? Ici, il y a très longtemps que lafime ine fini tire dan lizie et c’est pour cela que nous disons tous responsables…

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Josie Lebrasse

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