Ce que révèle le début de l’enquête de la FCC dans le rachat de l’hôtel Appavou par la Mauritius Investment Corporation (MIC) sur les méthodes de bonne gouvernance pratiquées à Maurice est, pour dire le moins, effarant. Surtout dans un pays où les acteurs économiques n’arrêtent pas de parler de bonne gouvernance en sous-entendant qu’ils la pratiquent matin, midi et soir ! Il faut rappeler que la MIC est un fonds créé par le précédent gouvernement sous l’égide de la Banque de Maurice pour venir en aide aux entreprises locales mises en difficultés par le Covid. À l’époque de sa création, on avait dit que les membres de son conseil d’administration et son personnel étaient les meilleurs professionnels locaux et étrangers spécialisés dans la gestion financière. Il y eut parfois des interrogations sur la logique de certains prêts accordés par la MIC – on fit allusion à des sommes qui ont servi à aller investir ailleurs –, mais dans la mesure où à chaque fois on évoquait la nécessité de la confidentialité des opérations, aucune suite ne fut donnée à ces rumeurs. Jusqu’à l’éclatement de l’affaire Pulse Analytics démontrant que le fonctionnement de la MIC dans l’attribution des prêts et leur décaissement était susceptible d’étonner. Mais le pire dans la découverte du fonctionnement de la MIC était à venir et nous sommes en plein dedans avec le rachat de l’hôtel Appavou. À l’époque de sa conclusion, des rumeurs s’étaient fait entendre mais n’étaient pas allées plus loin puisque se heurtant au mur de la confidentialité des opérations du MIC.
Les négociations autour du rachat de l’hôtel Appavou ont débuté en 2022, se sont poursuivies en 2023, avant de se conclure en février 2024, pour un montant décaissé de Rs 2,4 milliards. Ce n’est que plus d’un an plus tard que, dans le cadre d’une enquête ouverte par la FCC, on découvre que le montant décaissé était de Rs 300 millions supérieur à celui accepté par le conseil d’administration du MIC. Celui qui fait cette affirmation lors de son audition à la FCC et qui la répétera face à la presse n’est autre que Louis Rivalland, ex-membre du Conseil d’administration (CA) de la MIC. Il affirme que le CA a accepté le rachat pour une somme de Rs 2,1 milliards et que le procès-verbal de la réunion, qui affirme le contraire, aurait été tout simplement… manipulé, falsifié ! Dans le cadre de l’enquête, la company secretary de la MIC est interrogée puis arrêtée, avant de faire servir une mise en demeure à Louis Rivalland et tous les membres du board de la MIC en faisant la chronologie de l’affaire. Elle affirme que contrairement à ce que Louis Rivalland avait déclaré, le board avait, lors de deux réunions différentes tenues en février 2024, ratifié à l’unanimité l’achat des actions de l’hôtel Appavou pour la somme de Rs 2,4 milliards. Elle décrit le fonctionnement de la rédaction et de l’approbation des procès-verbaux à la MIC et affirme que toutes les procédures ont été suivies.
N’essayons pas d’entrer dans cet affrontement entre l’ex-membre du board et l’ex-company secretary de la MIC. Leurs avocats respectifs s’en chargeront certainement dans le cadre du procès sur lequel devrait – logiquement – déboucher cette affaire. Ce qui sidère c’est qu’un membre d’un CA affirme qu’un procès-verbal a été falsifié, alors que l’ex-compagny secretary affirme le contraire et rappelle que les membres du CA ont l’obligation et la responsabilité de lire les procès-verbaux des séances auxquelles ils ont pris part, avant de les approuver. Ce qui ressort de cette affaire, c’est que dans l’une des plus importantes institutions financières du pays, un ex-membre du CA affirme qu’une somme de Rs 300 millions a été ajoutée – au profit de qui ? – dans une transaction, alors que l’ex-company secretary affirme le contraire. Il appartiendra aux enquêteurs puis à la justice de déterminer qui dit la vérité et qui ment dans cette affaire. Mais en attendant, on peut se poser la question suivante : dans combien d’autres dossiers de prêts accordés par la MIC il y a eu des montants augmentés, des procès-verbaux manipulés ou pas lus par ceux qui sont payés pour en vérifier l’authenticité ? Mais la plus importante question, celle que l’on doit poser dans toutes affaires de malversations ou de mauvaise gouvernance qui sont révélées ces jours-ci est la suivante : est-ce qu’après les conclusions des enquêtes ouvertes et des procès à venir, les responsables des institutions seront appelés à rembourser les millions de roupies qu’ils auront contribué à faire perdre au pays ?
Jean-Claude Antoine
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