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Joanna Bérenger : « Je sens qu’il y a surtout une grande envie pour une alternance »

Week-End a approché Joanna Bérenger, jeune députée du MMM et de l’opposition, pour en savoir plus sur son appréciation du budget, ses vues sur les hauts faits de l’actualité politique et sociale, sa position sur le Law and Order et ses combats très personnels pour l’Environnement, pour les jeunes et ses mandants… Le moins que l’on puisse dire de notre invitée est qu’elle a pris de la bouteille, et qu’elle est en train de relativiser entre sa vision idéaliste des choses et la réalité du terrain.

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Parlons budget pour commencer. Vous avez estimé, lors des débats sur le 4e budget Padayachy, que “non seulement aucune solution n’est apportée pour régler les problèmes de fonds, mais certaines mesures budgétaires viennent aggraver les problèmes sociétaux”. Pouvez-vous nous en dire plus…?

On ne règle pas les problèmes de fond avec ce budget. Le problème de l’inflation n’est pas réglé puisque le gouvernement anticipe une inflation de 9%. Les Rs 1000 données ici et là, que ce soit pour l’augmentation de la pension, ou même les Rs 20,000 promis aux jeunes, vont fondre comme neige au soleil. Le ministre dit qu’il va arrêter la dépréciation de la roupie, mais il ne dit pas comment. Il ne vient pas régler le problème du chômage car il n’a pas créé de nouveaux piliers de l’économie ni de nouveaux pôles d’emplois. Au contraire et c’est là où je dis que cela aggrave les problèmes sociaux pour les Mauriciens parce qu’il libéralise encore plus l’accès au marché de l’emploi aux étrangers à travers une série de mesures qui facilitent cela, alors que ce sont des emplois qui devraient revenir aux Mauriciens et pour cela, il est nécessaire d’attirer les Mauriciens vers les métiers col bleu.

Ce budget tient pourtant compte d’autres dossiers qui vous sont chers comme celui des enfants ou des femmes. Il est prévu l’introduction de crèches dans les entreprises ou encore l’allocation de Rs 3,000 pour les bébés jusqu’à 3 ans…

Ce sont des mesures qui sont toujours les bienvenues parce que ces aides visent des gens qui ont besoin et qui les méritent parce qu’ils payent comme tout le monde la TVA. Je reste vigilante, toutefois, en attendant plus de précision. Et quand je dis que ce budget ne vient pas régler les problèmes de fond, je fais référence également à la qualité de soins pour ces enfants dans les crèches ou les shelters. Surtout quand on voit les scandales comme ceux des enfants qui subissent des violences dans les shelters. En tout cas, c’est de l’investissement qualitatif qui est nécessaire pour leur bien-être.

Plusieurs observateurs ont justement fait la remarque qu’un des manquements de ce budget est le dossier Education dans son ensemble. Vous partagez cet avis ?

Définitivement. On ne voit pas le “dare” dans le budget. Tout ce qu’on voit, c’est un gouvernement qui n’agit qu’en mettant des petits Elastoplast, des petits pansements, par-ci, par-là… Ça ne vient pas régler le taux d’échec dans l’Éducation et le problème du nombre alarmant d’enfants qui quittent le circuit scolaire sans diplôme. Notre système éducatif est à revoir. C’est inacceptable que plus de 95% d’élèves échouent le NCE Extended Stream. On est assis sur une bombe sociale avec ces résultats. Dans le budget, le ministre des Finances ne s’est occupé que de la forme, mais pas du fond.

Comme les Rs 20,000 aux jeunes de 18 ans…

Encore une fois, c’est un signe de leur incohérence. Nous avions proposé Rs 5,000 d’allocation de chômage en 2019 dans notre programme électoral. Bobby Hurreeram avait dit qu’il était contre parce que les jeunes allaient prendre ça pour aller fumer du mass. Aujourd’hui, ce gouvernement propose Rs 20,000. Pourquoi faire ? En plus, il limite cette allocation à la période pré-électorale alors que les jeunes méritent beaucoup plus. Il aurait pu le faire à travers une allocation pour une formation, pour le matériel scolaire… Ça aurait dû être fait différemment et mieux.

Puisque nous parlons des jeunes, vous évoquiez plus tôt les problèmes sociétaux. On constate aujourd’hui un mal être, et même une descente aux enfers, notamment par rapport à la drogue, le bullying, etc.

Il y a un vrai mal-être chez nos jeunes et il faut urgemment identifier d’où cela vient et quelle est la situation à la maison. Ils ont besoin d’être aidés et guidés. Les parents aussi ont besoin d’être encadrés et formés à l’éducation positive, à l’éducation bienveillante. Et j’insiste par rapport à l’importance de la formation, d’un suivi, d’un encadrement avec des personnes formées pour ça. Et les enseignants aussi ont besoin d’être formés et d’avoir les outils pédagogiques contemporains pour adresser les problèmes des générations Z et Alpha.

Pourquoi ?

J’ai en tête le cas de ce lecturer à l’université, qui a fait une remarque très blessante et déplacée à une étudiante, comme révélé dans les journaux. Cette jeune fille a, quelque part, eu de “la chance” que son cas ait vite fait l’actualité, étant donné le métier qu’elle exerce. Et c’est tant mieux puisque son problème a pu être traité rapidement. Mais il y a trop d’exemples de racisme et de discrimination qui sont banalisés. Comme celui de ce jeune homme aux dreads qui ne peut pas aller à l’école. Je pense qu’à la source, il y a problème d’éducation, de bienveillance, de tolérance… résultant en des actes de racisme transcrits sous forme aussi de bullying… Nous avons aussi vu ces vidéos montrant des actes de violence entre des élèves du secondaire. Voilà pourquoi je dis que les investissements ne sont pas faits là où il faut. Ils investissent des milliards dans le béton, mais pas dans l’éducation, pas dans la qualité.

Et puis, il y a plus dommageable pour l’avenir du pays : ce désir d’ailleurs des jeunes qui s’en vont…

Les jeunes partent parce qu’ils estiment qu’il n’y a pas d’avenir à Maurice, les adultes aussi partent estimant qu’il n’y a pas d’avenir pour leurs enfants. On est face à un problème d’une ampleur telle que beaucoup d’entreprises doivent recourir à la main-d’oeuvre étrangère. Mais que fait-on pour retenir les talents mauriciens ? Et cela pénalise notre pays. On peut imaginer ce que cela donnera à la longue, si toutes les personnes qui sont dégoûtées du système s’en vont et qu’il ne reste que ceux qui sont satisfaits de la manière de faire du régime. Que sera le pays ? C’est très dangereux !

Comment retenir ces jeunes. Que faire pour que l’hémorragie s’arrête ?

C’est en ramenant une certaine confiance dans le pays. En amenant plus de transparence, plus de méritocratie, de justice sociale pour montrer à ces jeunes qu’il y a de la place pour eux, qu’ils ont leurs chances eux aussi. Il faut montrer aux jeunes qu’on n’a pas besoin d’être rattaché à une personnalité, au parti politique qui est en place pour avoir une place dans la société. Et puis, évidemment, il faut former nos jeunes à ces métiers qui font appel à la main-d’œuvre étrangère et valoriser ces métiers. Une étude faite aux Etats-Unis avance que beaucoup de métiers qui existeront en 2030 n’existent pas encore aujourd’hui. Formons donc nos jeunes à ces métiers. Nous sommes aujourd’hui en pleine crise climatique et des métiers dits « métiers verts », doivent, par exemple, être créés pour permettre de préserver l’Environnement.

Vous vous êtes aussi prononcée contre la démolition projetée du bâtiment Emmanuel Anquetil pour en faire un espace vert, alors que le déboisement pour divers projets se poursuit.

Pour moi, c’est une grande preuve de l’incohérence et de l’incompétence de ce gouvernement. C’est l’hypocrisie aussi parce qu’on vient brandir l’annonce de la plantation de quelques arbres, qui fera quoi ? …même pas un demi-arpent ! Alors que, de l’autre côté, à Roches Noires, ils veulent déboiser 650 arpents. À Chamarel, ils ont déboisé pour agrandir la route et, apparemment, ils vont le refaire à Plaine Champagne, alors que c’est une région riche en biodiversité et qui a besoin d’être protégée. C’est là toute l’ironie ! Le projet de détruire le bâtiment Emmanuel Anquetil est aussi risible parce que, dans le même budget, ils ont alloué une somme pour sa rénovation ! À la suite de la PNQ du leader de l’opposition, on a vu qu’eux-mêmes ne savent pas où ils vont. Nous savons très bien que ce gouvernement ne fait rien sans raison, et on a vu dans l’examen en comité que pour plusieurs ministères, il y a une somme qui est déjà allouée aux loyers pour la relocalisation. On ne devrait pas être surpris par les noms des propriétaires de ces bâtiments qui seront choisis.

l On vous a vu très virulente sur plusieurs dossiers concernant l’Environnement, l’un de vos chevaux de bataille, et notamment sur le dossier de Smart City à Roches Noires que vous évoquez plus haut.

L’Environnement est effectivement un sujet qui me tient à cœur et cela a aussi contribué à mon engagement en politique. Parce qu’il y a urgence d’agir. Ma génération est, apparemment, la dernière à pouvoir faire quelque chose avant qu’il ne soit trop tard. Il n’y a toujours pas suffisamment qui est fait à Maurice, même si on est un très petit émetteur de carbone. Et cela ne doit pas être un prétexte pour faire des projets comme celui de Roches Noires où tout un écosystème qui nous rend des services écosystémiques inégalables est menacé.

l Estimez-vous toujours que le gouvernement ne respecte pas le Strategic Environnement Statement ?

Il fait des petites actions à droite à gauche, annonce des petites mesures dans les budgets, mais c’est pour la galerie et pour pouvoir justifier après la demande de fonds et dire qu’on a fait quelque chose ! Mais quand on plante 15 mangroves ici et que de l’autre côté, on enlève 1000, ça n’a aucun sens. Aussi, en permettant la destruction des wetlands – et déjà l’ESA Study de 2009 nous dit qu’il ne nous reste que 10% de nos wetlands –, c’est de l’inconscience ! C’est de la folie !

Qu’en est-il du climate Change Act et du mix-énergétique?

Le Climate Change Act n’est pas appliqué du fait que le comité supposé faire la coordination entre tous les ministères ne s’est rencontré qu’une seule fois. Il n’est même pas actif. Quelle est la sincérité du GM ? Quant à l’objectif de 60% d’énergies renouvelables dans le mix d’électricité, elle devient de plus en plus une utopie, malheureusement ! Le ministre de tutelle ne parle même pas du LNG dans son discours, ni dans le budget, d’ailleurs. Par contre, il annonçe maintenant qu’on atteindra 37,7% d’énergies renouvelables, excluant la biomasse, dans le mix d’électricité pour 2025. Donc, dans 2 ans ! Il est dans l’illusion parce les résultats obtenus jusqu’à l’heure ne sont pas à la hauteur des engagements. Par ailleurs, il ne nous dit pas où on trouvera les 20.3% supplémentaires en 2 ans, puisque nous ne sommes qu’à 17,4% d’énergies renouvelables dans le mix d’électricité en 2022 selon les chiffres du CEB. D’autant que dans la réalité, nous avons reculé, vu que nous étions à 21% en 2021 et 23,4% en 2020.

Quelle est votre position sur l’Environment Protection Act ?

Aucun changement n’a été apporté à l’Environment Protection Act de 2002 qui date déjà de 20 ans. Du coup, avec l’évolution du changement climatique, l’environnement n’est plus efficacement protégé. Au contraire, le gouvernement a apporté des changements, par rapport au Local Government Act, par exemple, qui aggravent la situation. Il est nécessaire que cette loi soit amendée. À l’époque du gouvernement MMM, il y avait le Strategic Environment Assessment (SEA) qui prend en considération les autres développements qu’il y a dans la région. Le EIA ne le fait pas, n’évalue pas vraiment la pression qu’un développement aura sur une zone et sur tout un écosystème. Le SEA devrait être remis dans la loi.

Faut-il imposer l’Environmental Economic Accounting, pour intégrer la nature dans toutes les décisions du gouvernement ?

Tout à fait. D’ailleurs, j’ai aussi posé une question parlementaire au ministre des Finances à ce sujet. Sa réponse écrite, qui faisait quelque trois phrases, est quand même… énorme ! En gros, il n’a pas vraiment répondu, si ce n’est pour dire qu’à Maurice, le calcul du PIB se fait toujours traditionnellement, mais qu’on a à cœur l’Environnement, etc. En tout cas, je pense qu’il y a le modèle proposé par les Nations Unies, mais il y en a d’autres aussi qui ont l’avantage de venir évaluer en terme économique les services écosystémiques que nous rend la nature.

Que pensez-vous du rôle de l’EDB qui est finalement responsable de l’octroi des permis sur ces projets de développement ? Est-ce une façon pour le GM de se dédouaner ?

Le GM a, effectivement, cette fâcheuse habitude de se dédouaner de ses responsabilités. Il se repose sur les ONG ou d’autres types d’organismes comme l’EDB. Sous prétexte qu’il faut de l’investissement et qu’il faut du développement. Ils appellent ça du développement ! Qu’appelle-t-on développement aujourd’hui en 2023, avec l’urgence climatique que l’on connaît, les cataclysmes qui nous pendent au nez… Est-ce que développement veut dire bétonner partout ou sécuriser l’environnement des Mauriciens ? Pour moi, le gouvernement est à côté de la plaque.

Et par rapport au rôle même de l’EDB ?

L’EDB est un gouvernement parallèle qui est en train de piétiner les stratégies des ministères. Il n’y a aucune transparence sur sa manière de fonctionner. C’est dangereux parce qu’on a été élu par le peuple pour obliger le GM à être accountable, mais beaucoup de choses se passent au niveau de l’EDB dont on ne sait rien. Dans le cadre de Roches Noires, lorsque j’ai posé la question, le ministre des Finances m’a répondu que s’il faut protéger l’endroit, l’EDB le fera. C’est quand même incroyable. À quoi, alors, cela sert d’avoir un ministère de l’Environnement si l’EDB décidera au final ?

Vous avez aussi exprimé votre soutien aux organisations socioculturelles à qui le GM a repris leurs terres pour un Blue-Eyed Boy du jour et faire du big business. Le dossier a, semble-t-il, atterri à l’EDB…

On leur avait alloué le terrain là pour faire un cultural hub pour des raisons spécifiques lorsque le MSM-MMM était au pouvoir. Tout leur convenait là-bas. Alors que ce qui est en train de leur être proposé ne leur convient pas. Pour diverses raisons, elles sont en train d’être affectées par cette décision. Et quand on regarde le bigger picture, on constate que le big business et le copinage sont privilégiés. Ces passe-droits et ce copinage à outrance n’aident pas à renforcer la confiance de nos jeunes dans le pays. Au contraire.

Au Parlement, mardi, vous avez posé une question concernant les baleines. Pouvez-vous nous en dire davantage puisque vous n’avez pas eu droit à une question supplémentaire sur le sujet.

Les baleines sont en train d’être harcelées par des activités touristiques camouflées dans nos eaux. Elles sont mises en danger Il y a beaucoup d’argent en jeu dans cette histoire et même des personnalités y sont mêlées. Le ministre a parlé d’une complainte officielle faite en octobre 2022 contre un détenteur de permis, en particulier, délivré par son ministère. De nouvelles infractions aux conditions de ce permis ont été portées à son attention, mardi dernier, au Parlement et, malgré tout, il a choisi de fermer les yeux. Est-ce parce que l’épouse du Premier ministre est la marraine de la nouvelle fondation créée par ce même “producteur” ? Quelle coordination a été faite avec les autres ministères impliqués pour assurer le respect des conditions des permis délivrés, mais aussi pour entrer en adéquation avec la Tourism Authority Dolphins and Whales Act 2012 ? Qu’est-ce qui est fait réellement pour contrôler cette activité touristique “illégale” qui met une pression constante sur nos mammifères marins? Les experts locaux/ONG assurant leur protection ont-ils été consultés? Le speaker ne m’a pas permis de poser une question supplémentaire. J’y reviendrai.

Vous abordez la dernière année de votre première fois comme parlementaire. Qu’est-ce que cela vous a apporté : des regrets, des satisfactions…?

Ce premier mandat m’a surtout fait prendre conscience de l’ampleur du clientélisme politique et du travail à faire. Je pense avoir réussi à trouver un équilibre entre le travail de terrain, le travail de parlementaire et la vie de famille, grâce au soutien de mon compagnon, évidemment. Je pense que j’ai réussi à rester proche de mes mandants et à les représenter au mieux au Parlement. La proximité avec les mandants est quelque chose qui me grandit, qui me nourrit. Ça n’a pas été facile parce qu’on attend toujours plus des députés. Les attentes sont très grandes en ce sens… Ils viennent voir le député un peu pour tout, que ce soit pour un problème de lampadaire, un problème personnel et des problèmes financiers aussi. Aujourd’hui, cela est plus vrai avec la montée des prix et la cherté de la vie, au point qu’il y a des gens qui n’arrivent plus à finir le mois et, pire, à se nourrir correctement. Je suis toujours en train de rouler avec des food packs dans ma voiture. Je trouve aussi dur de voir la peine des gens et de me sentir impuissante quelque part, parce que, quand on est dans l’opposition, on n’a pas beaucoup de marge de manœuvre. Mais c’est une réalité et cela m’a permis de prendre encore plus conscience du travail qui nous attend quand on sera au gouvernement demain.

Vous êtes même devenue aujourd’hui une habituée des suspensions, car vous n’avez pas votre langue dans la poche. Et puis, il y a les sautes d’humeur du Speaker… Vous sentez-vous toujours victime ou plus respectée qu’à vos débuts ?

J’ai effectué un travail sur moi-même, parce que je ne peux le faire sur les autres. J’essaye de mieux vivre les attaques, tout en restant fidèle à mes principes. Mais quand il y a des situations d’injustice, quand le Speaker fait son dominer, je ne peux pas rester tranquille, sinon ce serait devenir complice de la situation ! C’est dans le sang des militants. Aujourd’hui, j’ai plus confiance en moi parce que je sais que tant que je suis alignée avec mes principes, avec mes valeurs, et que je reste fidèle avec la raison pour laquelle je me suis engagée en politique, ce n’est pas à moi de me sentir mal. C’est à ceux qui dérapent, qui insultent et qui dénigrent de se sentir mal.

Comme la ministre Shah dont vous étiez en rivalité directe au début et qui aujourd’hui paraît être plus en opposition avec Stephanie Anquetil. Quel regard avez-vous sur tout cela ?

Je trouve cela dégoûtant et très grave qu’une ministre de la Femme fasse du body shaming à l’encontre d’une autre femme. J’étais suspendue ce jour-là, donc absente du Parlement. Sinon, on aurait entendu mon opposition ferme à cette manière de traiter la femme. Je suis allée revoir le Hansard… c’est juste inacceptable de la part d’un ministre qui est censé promouvoir l’image de la femme et la protéger ! J’ai honte et j’ai partagé ma solidarité avec Stéphanie Anquetil, d’ailleurs – qui, il est vrai, a posé, ces derniers temps, plus de questions que moi sur les shelters. C’est peut-être pour ça que vous avez eu cette impression. Malheureusement, la ministre a un ton très arrogant quand elle est en difficulté. Je ne sais pas dans quel monde elle vit, mais elle est clairement déconnectée de la réalité.

Que pensez-vous, en tant que jeune parlementaire, de la façon de faire et de certaines déclarations du PM au Parlement ? Vous avez notamment été offusquée de son récent exposé sur le détail des comprimés saisis au domicile de Navin Ramgoolam…

Avec ce genre d’attitude, d’humilier les gens, d’insulter les adversaires, de fuir les questions embarrassantes, en donnant des réponses kilométriques avec le support du Speaker, il dégoûte et désintéresse les jeunes de la politique. De ce fait, si tous ceux qui sont dégoûtés “vir ledo ale”, il ne restera que ceux qui lui sont fidèles ! C’est là le danger de sa stratégie. Ainsi, il lui sera plus facile pour lui de « régner ». Je dis régner car c’est un terme que l’on a retrouvé dans des discours des backbenchers du gouvernement. Je trouve cela hallucinant parce qu’on n’a pas de roi à Maurice. Clairement, le PM provoque le désintérêt. Cela ne l’intéresse pas de dire à la population ce qu’il en est de l’assassinat de Kistnen, mais il est exhaustif sur la vie sexuelle d’un opposant politique. C’est d’une bassesse indigne d’un Premier ministre qui se respecte.

Et ces jeunes parlementaires de la majorité qui le glorifient à tour de bras…

On ne devrait même pas perdre du temps à parler d’eux, vraiment ! Je crois qu’il y a des sujets plus importants.

Que répondez-vous à ceux qui disent que le pays est en pleine dérive sur le plan du Law & Order, mais surtout que la police discrimine dans ses actions entre les protégés du régime et ceux qui s’y opposent ?

Tout le monde fait le même constat qu’il n’y a que les opposants politiques qui sont vraiment inquiétés par la police. On a bien vu comment finissent les autres enquêtes qui concernent les proches du GM, ou même ceux au gouvernement. Je pense que ceux qui croient qu’il y aura quelque chose sur l’enquête de la police sur la police, concernant les bande-sons qui ont été diffusées en public, sont très naïfs. Le plus grave est l’attitude passive du PM qui est responsable de la sécurité intérieure. Il vient au Parlement pour décrédibiliser la thèse du planting dans les récentes affaires de drogue. Et lui qui aime bien rappeler au public qu’il est avocat, n’a-t-il pas lu le jugement qui a rayé la charge provisoire contre Ah Tok suite aux vidéos qui ont circulé et dans lesquelles la drogue a été plantée ? N’a-t-il pas lu le jugement qui a rayé la charge provisoire contre Akil Bissessur, le jugement de John Brown ? Comment est-ce que le PM peut ignorer tout cela ? Il a même tenté de justifier l’existence de policiers pourris à Maurice du fait qu’il y en a aussi à l’étranger. C’est complètement irresponsable ! Comment est-ce qu’on gagnera le combat contre la drogue avec un raisonnement pareil ? On a de sérieuses questions à se poser sur la sincérité du GM dans son combat contre la drogue.

Aujourd’hui, même ceux qui interpellent des ministres dans des réunions publiques sont arrêtés et poursuivis. Qu’est-ce que cela vous inspire ?

Je pense que le vase déborde… Quelque part, je trouve sain que ces personnes s’expriment, plutôt que de cumuler leur frustration. Selon leur version, elles n’ont pas insulté ces ministres, elles ont voulu exprimer leur façon de penser. Mais même cela est réprimé. Et quand les autorités arrêtent ces gens, avec une charge de Rogue and Vagabond, c’est pour, encore une fois, instaurer un climat de terreur et faire peur pour que les gens se taisent. Et c’est dangereux parce qu’ils risquent d’exprimer leur frustration autrement. La violence, par exemple. Personne ne veut que la situation dégénère dans le pays, mais pour ça, il faut laisser les gens s’exprimer et il faut être à l’écoute. Le GM fait tout le contraire.

Les élections sont à l’horizon, peut-être même plus près qu’on ne le pense, malgré l’impopularité grandissante du régime, l’opposition a pourtant du mal à combler cette frustration ?

Sur le terrain, ce n’est pas le sentiment que j’ai. Je sens qu’il a y une grande attente du public de la part de l’opposition. Je sens qu’il y a surtout une grande envie pour une alternance. C’est pour ça que les gens sont impatients que cette alliance de l’opposition se concrétise. Parce que malheureusement, avec le système actuel, si on est divisé, ce sera le MSM qui gagnera à nouveau les élections. On a fait beaucoup de sensibilisation, de pédagogie, beaucoup d’explications à ce propos et les gens, je crois, ont compris qu ‘il faut une alliance de raison pour bloquer le passage au MSM.

Pourquoi est-ce que cela prend du temps ?

Les discussions au sein de l’opposition sont toujours en cours, mais c’est en bonne voie. Ça prend un petit peu de temps parce qu’on souhaite quelque chose qui soit durable, quelque chose où personne ou aucun parti ne sera frustré ou humilié.

L’un des sentiments de ceux qui veulent tourner la page de Pravind Jugnauth, c’est que les dinosaures de l’opposition passent la main à de nouvelles têtes, que les leaders historiques cèdent leur place à des plus jeunes.

Je n’aime pas du tout ce terme “dinosaure” parce que je trouve que c’est vraiment un manque de respect envers nos aînés. On vieillit tous. On deviendra tous un jour âgé. On a parlé un peu plus tôt de bienveillance et de l’importance d’une culture de la bienveillance chez et pour tous. Je trouve qu’utiliser ce mot de dinosaure va à l’encontre de ça. Qu’est-ce que ça veut dire au final ? Le rejet des politiciens âgés ? Mais quand on regarde les jeunes politiciens de l’opposition* (NDLR : l’opposition à l’interviewée c’est à dire les jeunes du gouvernement) sur lesquels pèsent des allégations de meurtre et de corruption, finalement, on doit se dire que l’âge ne devrait pas être un critère pour définir un bon ou un mauvais politicien. Je reprends une phrase de Paul Bérenger qui disait “wi kitfwa li enn dinosaure, meli enn dinosaure lapatprop.” Et je suis très fière d’avoir un leader aujourd’hui, qui est âgé, oui, mais qui a fait ses preuves, qui est honnête et qui nous partage encore son expérience. Il a encore beaucoup à apporter. Au MMM, nous avons un système démocratique et ce sont les militants qui choisissent leur leader avant tout. Je pense qu’on ne peut pas avoir que des jeunes dans un groupe politique, mais au MMM, les jeunes sont beaucoup écoutés et entendus. La parole des plus jeunes a la même valeur que celles des aînés. Il nous faut une base, un équilibre aussi avec l’expérience, d’un côté, et la jeunesse et la fougue, de l’autre.

Votre mot de la fin…

La richesse de notre pays, ce sont les gens. Et de voir toutes ces familles qui émigrent devrait susciter de l’inquiétude. Non seulement parce que nous perdons nos talents, mais aussi parce que si toutes les personnes décentes se désintéressent de la vie politique et/ou quittent le pays, les indécents auront tout l’espace pour continuer à mettre notre pays en danger à travers leurs sales besognes. J’aimerais leur dire qu’au MMM, nous continuerons à travailler dur pour être un rempart contre les dérives de ce gouvernement et aussi pour rétablir la confiance et proposer des solutions pour des changements profonds. Il est grand temps de remettre l’État au service de l’intérêt général, et pas seulement pour les dirigeants du jour et leurs amis !!

 

 

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