Jérôme Pilot, nouveau General Manager du MTC : « 2022, l’année du miracle ou celle du crash »

Il vient d’été nommé General Manager du Mauritius Turf Club (MTC). Jérôme Pilot, 41 ans, directeur de compagnie et expert-comptable de formation, accueille avec beaucoup d’humilité cette nomination. Se disant prêt à relever ce challenge, l’homme a des idées plein la tête. Il veut bouger les lignes afin d’apporter des réponses concrètes aux défis qui se présentent à l’hippisme mauricien en cette ère nouvelle. Il s’est confié à Week-End.

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Jérôme Pilot, vous avez été nommé General Manager du Mauritius Turf Club. Comment accueillez-vous cette nomination et quelles seront vos priorités ?

Je souhaite tout d’abord remercier le board des administrateurs du Club d’avoir placé leur confiance en moi pour mener leur association à bon port. Cette nomination est un challenge qui me semble franchissable malgré la conjoncture difficile en général. Notre époque nous demande beaucoup d’humilité et d’abnégation. Elle nous invite à réinventer un système dans le respect des animaux, de l’environnement et de l’humain. Cela devra se traduire au travers de plusieurs axes prioritaires, notamment l’équilibrage des revenus immobiliers à la valeur du marché, revoir la stratégie de gestion des surplus que l’association (à but non-lucratif) dégagera et communiquer dans une logique de « Say what we do, and do what we say attitude ».

Il semblerait que vous soyez devenu l’homme de confiance du président Jean-Michel Giraud. À quoi attribuez-vous cette relation ?

Le jour où j’ai appris la démission de Mike Rishworth, j’ai décidé de prendre contact avec le Mauritius Turf Club pour apporter mon point de vue sur la gestion de l’industrie hippique et j’ai proposé mes services à Jean-Michel Giraud. Je lui ai démontré que j’avais le profil pour prendre les rênes du Club et de sa compagnie subsidiaire. Sa réponse avait été négative, car la décision avait été de promouvoir le Chief Financial Officer (CFO) comme CEO par intérim. Cependant, il y avait certaines analyses qui lui avaient plu dans ma démarche et mon approche. Je lui avais dit que « je suis un révolutionnaire ». Mon honnêteté et ma vision ont certainement construit cette relation de confiance.

Vous étiez consultant du MTC à la fin de 2021 et, donc, vous êtes déjà au courant des différends qui existent entre le MTC et sa compagnie subsidiaire le MTCSL. Il semblerait que les deux présidents ne s’entendent pas du tout. En tant que nouveau General Manager, n’êtes-vous pas pris entre deux feux ?

Le public en général est au courant que Jean-Michel Giraud et Denis Doger de Spéville ont agreed to disagree sur certains points et cela bien avant décembre 2021. Vous avez déjà répondu à votre question dans la question : il n’y a pas de différends entre les deux entités, cependant il a deux personnes qui ne partagent pas les mêmes avis sur certains sujets. Je ne suis pas pris entre deux feux, pour reprendre votre expression, car je donne mon point de vue factuel et professionnel d’après un discernement et une logique. Il n’y a pas de place pour les sentiments, mais uniquement aux faits… ça rend la vie professionnelle beaucoup plus simple.

Et si vous aviez quelque chose à dire à Jean-Michel Giraud et à Denis de Spéville…
Je le fais déjà sur une base régulière… et ces “choses” sont factuelles, professionnelles et logiques.

Mais il n’y a pas que le MTCSL qui ne veut pas travailler en étroite collaboration avec le MTC. Il y a aussi la GRA et maintenant la HRD. N’est-ce pas là un autre gros problème ?

La compagnie MTC Sports & Leisure Limited travaille en étroite collaboration avec le Mauritius Turf Club, car je suis quotidiennement en relation avec les employés de la compagnie, y compris le CEO, pour les transactions d’affaires entre le Club et la compagnie. Les intérêts de la GRA et de la HRD sont alignés avec l’organisateur des courses d’après la loi. Les trois concernés ont pour but de faire en sorte que les courses soient disputées dans un environnement sain, de façon intègre et dans les règles. Je pense que la GRA, la HRD et l’organisateur de courses travailleront en étroite collaboration après la période de rodage. La HRD est plus ou moins calquée sur le modèle britannique de la British Horse Association (BHA), et cette dernière opère dans un environnement où il y a plusieurs hippodromes qui appartiennent et sont opérés par plusieurs entités, notamment par le Jockey Club, des compagnies cotées en bourse et des privés. Ceux qui souhaitent organiser des journées de courses sur leurs hippodromes proposent leur calendrier et la BHA prépare un programme national qui convient au mieux aux propriétaires/opérateurs d’hippodromes pour éviter les événements hippiques en doublon ou que les événements soient trop espacés. La BHA a son équipe technique de commissaires de courses, de juge du pesage, du juge du départ, et certainement un chef de piste, et ces derniers sont envoyés sur les différents hippodromes où se dérouleront les journées de courses. Ça coûterait trop cher pour les opérateurs d’hippodromes de faire les frais de ces techniciens sur une base permanente, alors que leurs hippodromes accueillent une dizaine de journées par an ou parfois moins. Il faut donner à la HRD le temps et la chance de se mettre en place, et c’est indispensable qu’elle soit très proche des opérateurs d’hippodromes ainsi que des entraîneurs et organisateurs de paris. Travailler en étroite collaboration est sine qua non pour le bon fonctionnement de ce sport. À mon avis, le modèle de Hong Kong serait plus adapté pour l’île Maurice.
Jean-Michel Giraud a dit qu’en tant que General Manager, votre boulot sera aussi de trouver d’autres avenues qui pourraient remplir les caisses du MTC.

Y en a-t-il beaucoup ?

N’oubliez pas que les courses c’est de l’amusement et non un moyen de s’enrichir. Ceux qui oublient cela seront financièrement ruinés tôt ou tard. La majorité des gens vont aux courses pour se divertir…, manze, bwar, koze, riye, et non pour s’enrichir ! Le moment que ça n’amuse plus, les clients s’intéressent à d’autres centres de divertissements et ne retourneront probablement plus aux courses. Je pense que ceux qui font vivre les courses de façon directe ce sont les personnes qui parient de petites sommes de moins de Rs 1 000 par journée. Si nous restons dans la moyenne, quelqu’un qui aurait un budget annuel de Rs 1 000 pour la saison de courses devrait pouvoir jouer Rs 1 000 par journée et terminer la saison avec Rs 760 sans jamais avoir réinjecté plus que la somme initiale. Donc, finalement, il aura dépensé un net de Rs 240 pour son année, alors qu’il aura misé un total de Rs 38 000 pendant une saison de 38 journées. En chemin, il aura contribué Rs 5 320 à l’État et Rs 3 800 à l’organisateur de courses et aux organisateurs de paris. Il faudrait 500 000 personnes comme celui-là pour que tout le monde trouve son compte. Comment y arriver ? Simple, donnez confiance et raison aux 500 000 personnes qu’elles ne seront pas les dindons de la farce et que les dés ne sont pas pipés dans le jeu. Résultat final de ce petit cas d’école : les recettes annuelles se résumeraient comme suit :
. L’État Rs 2 660 000 000
. L’organisateur de courses et les organisateurs de paris se partageraient les autres Rs 1 900 000 000 (ce qui aura pour but que les stakes money couvrent en totalité le keep (pension du cheval) et même plus encore, et rendrait l’activité d’être propriétaire de chevaux à un budget équilibré).

Dans ce cas de figure, l’organisateur de courses n’aura aucun problème à payer le juste prix pour la location des immobilisations ou même améliorer les infrastructures pour le public qui assisterait aux courses sur l’hippodrome. Avec Rs 270 000 000, nous pourrions créer un trust fund financé par l’Etat, l’organisateur de courses et les organisateurs de paris pour les ±150 chevaux qui partent à la retraite tous les ans, en estimant que ces chevaux vivront pendant 10 années additionnels. Il y aurait à terme ±1 500 chevaux qui pourront avoir une retraite digne de ce nom et le pays bénéficierait de cette structure pour contribuer à ce que la nation mauricienne devienne un pays du cheval comme le football au Brésil. L’équitation serait démocratisée étant grandement subsidised et nous aurons alors une académie de jockeys de classe internationale. Les jockeys mauriciens seraient des top jockeys dans le monde entier et placeraient Maurice sur la carte du monde. Dans un environnement comme celui-là, le Mauritius Turf Club aura des caisses pleines et pourrait alors payer à leur juste valeur les palefreniers, trackriders, jockeys et entraîneurs. Ki ou dir ? Posib, pa posib ? Yes we can !

Consultant, General Manager et peut-être bientôt Chief Executive Officer (CEO) du MTCSL. Votre ascension est pour le moins impressionnante. Parlez-nous du pourquoi de votre candidature ?

Ma candidature au poste de CEO de la compagnie MTC Sport and Leisure Limited est un concours de circonstances extraordinaire. Je suis un horseman et c’est un moment culminant que je me retrouve à ce point dans ma carrière professionnelle. Le simple fait d’avoir été sur le terrain quasiment tous les matins pour monter les coursiers à l’entraînement pour pratiquement tous les entraîneurs depuis février 2019 a fait que j’ai commencé à comprendre le fonctionnement de l’écosystème de l’industrie sous plusieurs angles : celui d’un trackrider, d’un palefrenier, de jockey, d’assistant-entraîneur, d’entraîneur, de propriétaire, d’un organisateur de courses, d’un opérateur de paris, etc. J’aime comprendre comment fonctionnent les systèmes en général, et en posant les bonnes questions, les bonnes réponses sont naturellement arrivées, jusqu’à ce que les pièces du puzzle qui n’avait aucun sens à elles seules me montrent une image qui représente plus de 1 000 mots. J’ai fait un cours universitaire de trois ans sur le terrain et je pense être prêt à passer à l’action maintenant. Il y a eu plusieurs anecdotes pendant ce cheminement, et celle qui me reviens en tête à l’instant présent c’est la phrase de Ravi Rawa, qui a été mon personal coach tous les jours pendant neuf mois en 2019 alors que je montais pour l’écurie Allet et qu’il était assistant-entraîneur de cette écurie. Il m’avait dit : « Jérôme, c’est toi qui vas mener à bon port l’industrie des courses à Maurice dans un futur pas trop lointain ! » Je lui avais dit qu’il rêvait ! Cela dit, Ravi a un ticket potentiellement gagnant en main, car son raisonnement tient la route pour l’heure ! Rien n’est gagné tant que le cheval ne passe pas le but en premier, que le juge de la pesée ait enregistré et validé les poids après la course, et que les résultats officiels soient annoncés. Time will tell !

Une question toute bête, mais qui hante les esprits. Est-ce que la saison 2022 va-t-elle oui ou non débuter le 9 avril comme l’a prévu la HRD ?
La saison 2022 devrait commencer le 9 avril 2022 à condition que :
•• L’équipe de la HRD soit prête ;
•• Les entraîneurs soient prêts dans leur planning ; et
•• L’organisateur des courses soit satisfait qu’il est en mesure d’après un budget à moyen et long termes que c’est financièrement possible de confortablement couvrir tous les frais réels, incluant les stakes money. Si ces trois conditions ne sont pas réunies, la saison 2022 commencera certainement avec du retard.

Comment voyez-vous cette saison 2022 ?

2022 sera une année de challenge. Nous pourrions avoir une analyse binaire de ce qu’elle pourrait être, soit l’année du miracle des courses ou du crash de l’industrie hippique locale. Alors que je suis convaincu que c’est une année de transformation qui nous amènera à nous réinventer.

Le mot de la fin, Jérôme Pilot ?

Je vous remercie de m’avoir donné l’opportunité de communiquer ma vision et celle du Mauritius Turf Club. Je remercie tous ceux qui contribuent à travers la pensée positive à créer notre réalité. God bless Mauritius !

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