Jean-Alain Lebret : « Air Mauritius ? Never ever again ! »

Chantal, née Adam, et Jean-Alain Lebret vivent en Australie depuis des décennies. Ayant suivi leurs parents, ils se sont établis dans l’île continent, ont fondé une famille, élevé leurs deux enfants, ont eu une belle carrière professionnelle — Chantal dans les assurances et Jean-Alain dans les soins spécialisés aux enfants handicapés —, avant de prendre une retraite bien méritée. Depuis des années, ils reviennent régulièrement à Maurice pour revoir l’île natale et reprendre contact avec les parents et amis qui y sont restés. C’est dans ce cadre qu’ils ont organisé leur dernier séjour pour fêter Noël et commencer la nouvelle année à Maurice avec leurs proches. Ce séjour qui avait bien commencé s’est achevé dans un cauchemar, qu’ils ont partagé avec des dizaines de passages d’Air Mauritius. Jean-Alain raconte ce qu’il appelle son calvaire. Son récit ressemble à un scénario de film catastrophe, mais c’est malheureusement ce qu’ont vécu les dizaines de passagers du vol MK Maurice-Perth, qui était censé décoller le 12 janvier à 22h, mais qui n’a finalement quitté Maurice que… trois jours plus tard.

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Venez-vous souvent en vacances à Maurice ?

— Comme la majeure partie des Mauriciens étrangers en Australie, nous revenons régulièrement en vacances. Parce que même si nous avons fait notre vie en Australie, au niveau familial et professionnel, notre nombril est toujours attaché ici, comme on dit. Nous sommes venus de nombreuses fois, mais jamais n’avons-nous été traités, pardon maltraités, comme nous l’avons été lors de notre dernier voyage qui s’est terminé en véritable calvaire.

Vous préparez longtemps à l’avance ces vacances dans l’île natale ?

— Bien sûr. Les Mauriciens qui reviennent, régulièrement ou non, préparent longtemps à l’avance ces vacances attendues. On regarde la période, on calcule les prix et les offres de specials avant de faire de se décider, de faire les réservations et de payer le billet. Pour ma femme et moi, nous avons déboursé 6 000 dollars australiens (≈Rs 180 000) en termes de billets d’avion pour le dernier voyage. Ce n’est pas une petite somme.

Ce dernier voyage à Maurice avait-il bien débuté ?

— Oui, et un peu non. Déjà, à l’aller, on a eu un premier problème d’avion. À Perth, tous les passagers embarqués sur le vol Air Mauritius à destination de Maurice ont dû débarquer parce que l’avion avait un problème technique, mais on ne nous a pas dit lequel. On a dû reprendre tout le hand luggage pour retourner dans une salle d’attente de l’aéroport. On a attendu environ deux heures avant de pouvoir rembarquer. Donc, au départ on a eu un retard de deux heures, mais après la suite du séjour à Maurice s’est très bien passé. C’était des vacances organisées pour une période de trois mois à Maurice avec dix jours à Rodrigues. Cela nous permettait de nous détendre, de visiter le pays et de rendre visite à nos parents et amis et connaissances. Notre fille est venue nous rejoindre avec son mari et ses enfants pour passer ensemble les fêtes de Noël et de fin d’année. Quand ils sont repartis pour l’Australie, leur vol a été retardé, mais comme ils avaient été prévenus, ils ont pu s’organiser en conséquence.

Votre vol retour était programmé pour le 12 janvier…

— Nous avions organisé notre séjour de façon à pouvoir rentrer à Melbourne le dimanche 15 afin de garder nos petits-enfants, dont les parents travaillent à partir de lundi. Il faut savoir qu’en Australie, on ne trouve pas facilement des personnes pour garder les petits-enfants et quand on en trouve, c’est très cher. Alors, comme ma femme et moi sommes désormais à la retraite, nous nous occupons de nos petits-enfants pendant que leurs parents travaillent. C’est pour faire face à cet engagement, important pour nous, que nous avons organisé nos vacances et surtout la date du retour en Australie. Nous avions même prévu un jour de battement pour d’éventuels retards. Nous pensions que ces éventuels retards n’allaient pas dépasser quelques heures !

Que s’est-il passé quand vous êtres arrivés à l’aéroport le vendredi 12 janvier ?

— Nous étions contents de rentrer chez nous après nos vacances, nous sommes arrivés à l’heure et avons fait la queue pour l’enregistrement. Toutes les formalités étaient faites quand on nous appris que le vol pour Perth avait été renvoyé au lendemain, en raison de problème technique. On n’a pas dit lequel. Air Mauritius a alors envoyé tous les passagers de ce vol vers Perth dans des hôtels pour passer la nuit en attendant le vol du lendemain. Nous, on a été envoyés à l’hôtel Hennessy, à Ébène, pour passer la nuit.

Est-ce que le vol pour Perth n’avait pas été renvoyé à cause du cyclone Belal ?

— Mais pas du tout. Vendredi, il n’y avait pas encore d’alerte cyclonique et Belal était encore une dépression en train de se former. En discutant avec des passagers mieux informés que nous, plus tard, on a commencé à comprendre la raison du renvoi de notre vol sur Perth. Le problème c’est que Air Mauritius vend de places d’avion qu’il ne possède pas. Après, pour essayer de régler la situation, il tire un avion par ici pour le mettre là-bas en bouchant un trou. Mais en faisant ça, il crée un autre trou, d’où la pagaille ! On nous a dit que l’avion qui devait faire le vol Gatwick-Maurice avait un problème, et alors la compagnie a décidé d’envoyer à Londres l’appareil qui devait faire le vol sur Perth pour faire un dépannage. En débloquant les passagers de Londres, Air Mauritius a bloqué ceux qui devaient aller à Perth ! Comme l’a dit avec raison un passager qui était en colère : on a déshabillé St Paul pour habiller St Pierre ! Pourquoi est-ce qu’Air Mauritius vend des places pour quatre avions alors qu’il n’a que deux gros porteurs ?

Vous savez, il n’y a pas grand monde à Maurice qui comprend le fonctionnement et les « stratégies » de la direction d’Air Mauritius ! Reprenons le fil de votre récit…

— Samedi matin à l’hôtel, nous sommes informés que le vol pour Perth allait partir dans la soirée à 22h15 et que le transport nous attendrait pour nous conduire à Plaisance. Le transport c’était un autobus normal — un bus individuel comme on dit ici — pas un coach, mais enfin… Il y avait une foule à l’aéroport avec les passagers partants et les passagers arrivant. On a fait la queue pour l’enregistrement, une très longue queue avec des voyageurs déjà fatigués de charrier leurs bagages. J’étais arrivé pas très loin du comptoir d’enregistrement quand on a appris que le vol pour Perth était cancelled, sans aucune explication, comme d’habitude ! C’était la pagaille totale ! Les rares officiers d’Air Mauritius présents à l’aéroport étaient aussi perdus, aussi abrutis que les passagers qui étaient en colère. Plus tard, dans la cohue, on a appris qu’il fallait faire la queue pour avoir un voucher pour aller dans un hôtel.

Donc, Air Mauritius avait organisé l’hébergement des passagers du vol renvoyé/annulé…

— Mais pas du tout. Tout était improvisé ! Les gens qui étaient autour de nous, principalement des touristes, étaient complètement perdus. D’autant que certains employés de l’aéroport — ou d’Air Mauritius — leur avait dit de chercher un hôtel sur Google, de prendre un taxi et de garder les reçus pour se faire rembourser ! Il était onze heures du soir et on demandait aux passagers — dont beaucoup d’étrangers — de se débrouiller pour trouver eux-mêmes un hôtel et de prendre un taxi pour aller là-bas ! Comment une compagnie aérienne qui prétend avoir une réputation internationale peut abandonner à leur propre sort des passagers ? Je ne suis même pas sûr qu’il y a du wifi gratuit à l’aéroport, et je peux vous dire que les rares taxis étaient très demandés. On nous a même raconté qu’une touriste, qui voulait aller dans un hôtel, a été approchée par un chauffeur de taxi marron qui lui a demandé de passer d’abord à une station d’essence pour faire le plein de la voiture avec sa carte de crédit avant de l’amener dans un hôtel ! Face à cette proposition plus que bizarre, la touriste a préféré passer la nuit à l’aéroport, et on la comprend. D’ailleurs, pas mal de passagers, des touristes étrangers, avec des enfants, ne pouvant faire les démarches pour trouver un hôtel et un moyen de transport ont dû passer la nuit à l’aéroport, certains dormant à même le sol. Et c’est comme ça qu’on compte inciter les touristes à venir à Maurice ?

Les passagers bloqués à l’aéroport ont-ils eu droit à de la nourriture, de l’eau ?

— Je vous ai dit que c’était la désorganisation totale. Rien n’était prévu pour les passagers et il ne restait pas grand grand-chose dans les restaurants. Ce n’est qu’à une heure du matin qu’on a pensé à offrir aux passagers bloqués à l’aéroport par la faute d’Air Mauritius une bouteille d’eau !

Avez-vous pu avoir un voucher pour une place dans un hôtel ?

— Il aurait fallu se battre pour l’obtenir. Il y avait tellement de désorganisation que j’ai abandonné la queue pour essayer d’obtenir un voucher. Mais notre chance c’est que nous sommes Mauriciens et que nous avons de la famille ici. J’ai appelé une cousine qui est sortie de Tamarin pour venir nous chercher à Plaisance. Et comme nous avions déjà rendu les clefs du BnB, que nous avions loué pendant notre séjour, nous avons dû passer ce qui restait de la nuit chez elle. Comparativement aux autres passagers, nous avons eu beaucoup de chance. Le lendemain matin, après des heures au téléphone avec Air Mauritius, dont les employés ne semblaient pas plus informés que moi, j’ai réussi à obtenir un voucher pour une chambre dans un hôtel à Palmar, où nous nous sommes rendus en taxi et avons passé la nuit. Le lendemain, alors que cette fois le cyclone Belal était en train de s’approcher de Maurice, nous avons reçu, à dix heures et demie, un coup de télé phone d’Air Mauritius nous demandant d’arriver à l’aéroport à midi pour le vol de Perth prévu pour 3h30 ! On nous a demandé de prendre un taxi, de le payer et de garder un reçu pour nous faire rembourser.

Comment ça s’est passé à l’aéroport ?

— Il y avait moins de pagaille que samedi, mais on sentait que la désorganisation était toujours présente et que l’information était rare, pour ne pas dire inexistante. On a commencé à faire les formalités, mais tous les passagers étaient inquiets parce qu’on avait annoncé que Maurice allait passer en cyclone warning class III et que normalement, quand ça arrive, l’aéroport est fermé. On nous a dit de nous pas nous tracasser, que l’avion allait décoller avant la fermeture de l’aéroport pour la classe 3. Je n’étais pas trop rassuré, mais que faire ? Attendre le prochain avion alors qu’on ne savait même pas s’il y en avait un de disponible ? Par ailleurs, il a été impossible de me faire rembourser le taxi que j’avais pris parce que la pagaille continuait avec les ordres, les contre-ordres et les fausses informations, quand on en donnait. On nous a fait embarquer dans un avion qui sortait du garage, alors que le commandant de bord n’était pas encore arrivé à l’aéroport à cause des conditions cycloniques sur les routes du pays. Pendant ce temps, un passager m’a montré une information sur internet qui disait qu’Air Mauritius avait fait une demande de location d’avion avec équipage pour assurer ses vols ! Un autre passager, un Mauricien, m’a dit que l’Officer in Charge d’Air Mauritius avait fait une conférence de presse la semaine dernière pour affirmer que tout allait très bien Madame la Marquise à Air Mauritius. Ce passager, qui suit l’actualité mauricienne de près, nous a dit que la première chose qu’a faite cet Officer in Charge quand il a été nommé à ce poste a été de… prendre des congés !

Ce passager ne vous a pas dit que c’est pour avoir, entre autres, dénoncé les congés de l’Officer In Charge d’Air Mauritius en pleine peak period  que la présidente du syndicat des membres d’équipage de la compagnie aérienne a été licenciée !

— Je comprends maintenant pourquoi tout semblait désorganisé pendant ce week-end de calvaire en attendant le vol pour Perth et la pagaille à l’aéroport !

Reprenons le récit de votre calvaire : les passages sont finalement embarqués à bord de l’avion, lundi dernier, alors que Maurice est en avertissement de cyclone de classe III et que l’aéroport va fermer…

— Des passagers qui suivaient l’évolution du cyclone Belal ont préféré ne pas voyager. On a dû les faire descendre de l’avion et retrouver leurs bagages dans la soute avant de partir, ce qui a encore pris encore du temps. L’avion de MK a finalement décollé de Maurice après cinq heures, alors que l’aéroport était censé avoir été fermé à 4h30 pour suivre les consignes de sécurité cyclonique !

Je me demande si c’est normal. Finalement, vous êtes arrivés à Perth, trois jours après le départ prévu le 12 janvier…

— Le calvaire n’était pas terminé pour autant. Parce qu’Air Mauritius a oublié – ou n’a pas jugé important — de reprogrammer les conditions du vol sur les billets. C’est-à-dire que nous, passagers, avons dû refaire toutes les démarches sur place pour les vols de connexion vers d’autres destinations en Australie. C’est ainsi qu’il a fallu se battre pour que l’allocation de bagages ne change pas entre le vol international et les vols domestiques comme prévu dans le billet initial. Je peux vous dire que les passagers ne vont pas oublier ce vol et ses multiples inconvénients, et vont le faire savoir. Ils ne vont pas rester tranquilles et ont averti leurs proches et leurs agences de voyages de la manière dont ils ont été maltraités par Air Mauritius.

Toutes ces « mésaventures » vont-ils vous inciter à ne plus venir à Maurice ?

— Pas du tout. Nous allons certainement revenir à Maurice, mais je peux vous dire une chose : nous n’allons plus voyager par Air Mauritius. Nous allons prendre des vols qui vont durer plus longtemps par Dubaï, Singapour, Kuala Lumpur ou même l’Afrique du Sud, mais avec des compagnies aériennes qui respectent les horaires et, plus important encore, leurs passagers. Je vais conclure par un terme fort, mais qui dit bien ce qu’il veut dire et que beaucoup de Mauriciens qui vivent en Australie partagent avec moi : Air Mauritius ? Never ever again !

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