La pluie, la pluie, je n’en peux plus d’en entendre parler. À force de crier au loup à chaque fois qu’elle s’approche et menace, nous finissons par craindre de fondre comme neige au soleil à son contact et qu’elle nous engloutisse sous cent millilitres d’eau en un claquement de nuages.
En ces jours assombris, j’ai par contre pris beaucoup de plaisir à regarder les gros grains tomber, sans jamais se casser.
Au contact du sol, ils se dissipent ou rebondissent dans un ballet d’eau sans chorégraphie. Ici absorbés dans la terre, là-bas, ils ruissellent le long d’un tracé boueux ou asphalté, plus loin ils stagnent là où ils se sont affalés.
Nous avons eu l’occasion de bien commenter le temps et ses fameux caprices qui ont fait perdre la tête (et la crédibilité ?) aux décideurs à la météo et au ministère de l’Éducation.
Le sombre drame de 2013 plane encore, semble-t-il, ce qui est tout à fait compréhensible. Mais ne sommes-nous pas plus avertis et mieux aguerris maintenant ? Un homme averti en vaut deux, c’est sûr, mais est-ce bien nécessaire de prendre autant de précautions, allant jusqu’à fermer toutes les écoles sous un ciel parfaitement et magnifiquement bleu ?
Cela dit, nous avons enfin eu un peu de répit et nos réservoirs ont meilleure mine. Mais la grisaille perdure par moment sous un brouillard pesant et humide. Ce brouillard couvre les paysages comme pour les cacher à la vue curieuse des passants, tout en leur donnant un côté tristounet, mais ô combien poétique. Un fait est indéniable : ces paysages ne seront jamais voilés pour l’éternité. Le soleil trouvera toujours son chemin pour illuminer à nouveau la nature et ses alentours. La moindre faille dans les nuages laisse un rayon passer, la moindre petite ouverture est comme une déchirure qui laisse passer les lueurs d’espoir qui cherchent à se frayer un chemin pour éclairer nos lassitudes et nos découragements.
De plus, de plus ! La beauté ne se laisse pas cacher longtemps. Insaisissable, elle se dérobe aux mauvais esprits et présages, et finit toujours par reprendre sa place humblement, tranquillement.
Par contre, ce qui nous fatigue et nous peine, et peine à se laisser découvrir, c’est comment et pourquoi il y a autant de drogue dans notre pays bien-aimé. Sommes-nous devenus une plaque tournante de ce trafic mortel et déshumanisant ? Du cliché Maurice, paradis sur terre, nous devenons un pays qui offre l’enfer ici sur terre, à toutes les couches sociales, toutes les communautés et, de surcroît, à de nombreux jeunes, encore pleins de vie et de promesses !
Ce qui nous peine, c’est aussi les négligences médicales, dont celle de Saivaani, 10 ans, décédée en fin d’année dernière, laissant ses parents dans une effroyable douleur et incompréhension.
Ce qui interpelle, c’est qu’une jeune de 19 ans, Stacy Ackbar, ait le courage ou l’audace, qu’en savons-nous, de contredire le ministre de la Santé, Kailesh Jagutpal, sur sa grossesse, alors que la Santé affirme, elle, le contraire, c’est-à-dire que cette jeune fille n’était pas enceinte.
Ce qui pèse, c’est que les prix continuent à augmenter, alors que le commun des mortels à Maurice peine à payer ses factures.
La litanie de ce qui va mal peut continuer encore, et encore.
La litanie des pourquoi les autorités n’arrivent pas à nous rassurer peut elle aussi être dressée.
Un cri : “Je n’en peux plus de tout cela !“ Le cri du peuple va retentir tôt ou tard en masse pour dire : “Assez !” Sauf si les gouvernants nous finissent à l’usure. Ne goûtons certainement pas à cet opium, bien réel celui-là, de la soumission et de la peur que peuvent inspirer les autorités.
Gardons le pied dehors, prêts à brandir tout haut nos mains menottées par la confusion, l’inquiétude et les menaces. Gardons notre esprit libre et critique !
L’inondation la plus visible pour le moment est celle que nous subissons déjà : la misère, la souffrance et les interdictions (les mises en garde ?) qui nous entourent.
Ne nous laissons pas embobiner ni anesthésier, au risque de devenir des citoyens sous l’effet de cet opium qu’on veut nous faire avaler. Rien ne doit embrumer nos esprits. Personne ne doit venir saccager et abîmer notre raison. Sinon, ce sera le temps des Raisins de la colère* où guettent l’ensevelissement dans la misère et la peur, la révolte et l’effondrement d’une société saine.
Au lieu de subir ce trop-plein les bras baissés, restons unis déjà dans nos familles, dans nos groupes et nos entreprises. Unis, nos voix et nos actes sont plus forts. Nous ne sommes pas obligés de brailler ou de déblatérer, mais nous nous devons de nous faire entendre.
Ensemble, nous pouvons dissiper ce brouillard de peur et d’insécurité, et nous pouvons espérer qu’au-delà de cette brume malsaine, il y a l’espoir que l’ombre qui cache les visages des marchands de la mort et de la destruction soit chassée au nom de la libération, de la vérité et de la VIE.
Que l’eau ne coule pas sous les ponts avant que la Vérité n’éclate !
Tombe, tombe la pluie, en attendant que tombent les têtes !
*Les Raisins de la colère est un roman de John Steinbeck publié en 1939