— Dis-moi un coup, c’est vrai que tu as recommencé à prendre le bus pour aller travailler ?
— C’est vrai. Mais comment tu sais ça, toi ?
— C’est X qui t’a vue plusieurs fois le matin, quand elle va à l’église, qui m’a dit.
— Même quand elle va à l’église, X trouve le moyen de veiller les affaires des autres !
— Ayo, elle t’a vue elle m’a dit, c’est tout. Pourquoi tu ne prends plus le métro, c’est pas plus rapide et plus confortable que le bus qui s’arrête à tous les robots et à tous les bus-stop ?
— C’est sans doute plus rapide, mais c’est loin d’être plus confortable, surtout depuis que l’été est rentré.
— Qu’est-ce que tu veux dire ?
— D’abord, on dirait que les pickpockets ont adopté le métro. Maintenant, on a des annonces qui te disent de faire attention, de bien fermer ton sac.
— Les pickpockets, ça, il y a partout maintenant, dans les gares, dans les centres commerciaux et même dans les églises, toi.
— Ça c’est vrai. Mais le principal problème du métro, c’est l’odeur.
— Qu’est-ce que tu veux dire, on ne nettoie pas les wagons depuis les élections ?
— C’est nettoyé régulièrement, mais on ne peut rien faire contre l’odeur, toi.
— Sorry bonne femme, je ne comprends vraiment pas ce que est en train de dire là.
— C’est un peu délicat à dire toi. Tu te rappelles de cette fille qui travaillait au bureau et a qui a eu 15 déodorants pour son anniversaire et qui n’a pas compris le message qu’on lui envoyait ?
— Tu veux dire Y, celle qui sentait tellement fort qu’on l’avait surnommée jacques mûr entre nous ?
— Limem, twa. Eh bien laisse-moi te dire…
— Attends… sorry de te couper la parole, mais tu sais que je viens de la revoir.
— Jacques mûr ? Où ça donc ?
— L’autre jour je vais acheter deux-trois affaires au supermarché, et en passant je sens une drôle d’odeur et je me dis en moi-même : on dirait que jacques mûr est dans les parages !
— Ne me dis pas que c’était elle-même !
— Oui, toi. Elle était au rayon légumes et elle est pareille que comme quand elle travaillait au bureau.
— Et au niveau de l’odeur de transpiration concentrée ?
— C’est la même chose toi. Peut-être même pire ! Elle m’a dit qu’elle était mariée. Je me demande comment son mari fait avec son odeur !
— Il doit aimer ça. Dis-toi qu’il y a des hommes qui aiment cette odeur !
— Elle me dit que son mari est fou d’elle.
— On dit bien que chaque fromage gâté finit par trouver son du pain rassis, non ?
— Comme tu dis. Quelle est l’odeur qui t’empêche de prendre le métro ?
— La même odeur que celle de jacques mûr, toi. Avec le retour de l’été et les grandes chaleurs, on dirait qu’il y a une épidémie d’odeur de transpiration.
— Tu es sûrement en train d’exagérer !
— Demande à ceux qui prennent le métro : il y a de plus en plus des odeurs comme ça maintenant.
— Mais il n’y a pas que dans le métro qu’il y a ces odeurs-là. Dans la rue, dans les centres comme les bus aussi il y a, non ?
— Je ne te dis pas, mais dans la rue ou dans un centre commercial, tu peux bouger. Dans un bus tu peux ouvrir les fenêtres pour faire entrer de l’air et faire partir les mauvaises odeurs. Dans le métro tu ne peux pas. Et en plus, aux heures de pointe, on est l’un sur l’autre comme des sardines en boîte.
— Tu ne vas tout de même pas me dire que tous ceux qui prennent le métro sont des gens qui ne se baignent pas.
— Je n’ai pas dit ça. En général les Mauriciens sont bien propres, mais tu as dans le lot un ou deux qui ne se baignent pas souvent. Les malangues ça existe ! Et comme tu le sais, il suffit d’un seul poisson pourri pour gâter tout un panier de poissons.
— C’est terrible comme ça ?
— Qu’est-ce que je vais te dire pour te faire comprendre : tu as parfois l’impression d’être dans l’usine qui fait des conserves de thon à la sortie nord de Port-Louis.
— Si c’est comme ça, ce n’est pas agréable du tout ! Et qu’est-ce que tu fais dans ces cas-là ?
— Tu ne peux rien faire. Tu essayes de retenir ta respiration autant que tu peux et tu fais une prière.
— Une prière ? Pourquoi ?
— Pour que la personne qui sent le jacques mûr s’arrête à la prochaine station au lieu de descendre au terminal. Et tu sais ce qui est le pire dans cette affaire ?
— Qu’est-ce que c’est ?
— C’est quand tu as affaire à un quelqu’un qui ne s’est pas baigné depuis quelques jours et qui a mis du parfum. Je ne te dis pas la bagarre entre l’odeur de jacques mûr de la transpiration fermentée et le parfum !
— Ayo ! C’est pas possible toi !
— Ça arrive souvent, je te dis. Tu comprends maintenant pourquoi que, même si ça prend plus de temps, je préfère prendre le bus pour aller travailler ?
J.-C.A.
- Publicité -
EN CONTINU ↻