Comment voulez-vous qu’il ne s’en trouve pas quelques-uns, parmi les plus sarcastiques, à parler de la « famille Jackpot » et du clan des millions ? Le dernier bénéficiaire, non pas du Loto ni de la loterie verte, étant Raj Dayal. Ce que Week-End révélait déjà en septembre 2017 s’est matérialisé à la roupie près, puisque l’ancien commissaire de police destitué pour inconduite suivant les observations implacables du tribunal présidé par Rajsoomer Lallah, l’ex-ministre de l’Environnement du MSM, adepte des balades en hélicoptère et des réunions de commandement aux Casernes centrales, forcé à la démission après l’affaire “Bal Kouler”, a bien remporté le jackpot prévu, soit la bagatelle de Rs 15 millions.
Celui qui essaie par tous les moyens de se dépêtrer de son “bal kouler” a obtenu des millions de roupies des contribuables au titre d’un arrangement qu’il a passé avec l’État. Parce qu’il avait réclamé la somme fantaisiste d’un milliard de roupies, l’État a bien voulu lui faire cadeau de Rs 15 millions. C’est peut-être une coïncidence. Pourquoi lorsque le MSM est au gouvernement faut-il que le contribuable doit toujours casquer, et ce, au bénéficie des intérêts familiaux et de leurs laquais ?
La question mérite effectivement d’être posée, parce que les faits sont éloquents. En 2004, après des années de bataille juridique sur la résiliation du contrat entre les trustees du Sun Trust, la famille Jugnauth, et le ministère de l’Éducation, la Cour suprême, alors présidée par le juge Ashraf Caunhye — celui qui vient d’être choisi pour présider la commission d’enquête sur Ameenah Gurib-Fakim — avait octroyé Rs 47 millions au plaignant. Et le joli chèque avait été avalisé par le ministre des Finances d’alors, Pravind Jugnauth. Les bénéficiaires : lui même, son père et d’autres propriétaires de l’immeuble de la rue Edith Cavell.
C’est sous le mandat de James Burty David en 1996 que décision avait été prise de déménager le ministère de l’Éducation du bâtiment du Sun Trust. C’est vrai qu’en bon spécialiste des coups de tête, l’ancien ministre travailliste était allé un peu vite en besogne, comme dans l’affaire Betamax, et avait ordonné à ses services d’évacuer rapidement le « bâtiment de la honte. » Rompant ainsi le contrat qui liait l’État au trust familial. Cet épisode que l’on aurait voulu unique dans l’histoire devait, hélas, se répéter quelques années plus tard.
Nous sommes en 2010. En alliance avec le PTr et le PMSD, le MSM est au gouvernement avec Maya Hanoomanjee à la Santé et Pravind Jugnauth aux Finances. Il était alors question d’un projet d’aménagement de deux hôpitaux spéciaux, l’un pour les personnes âgées et l’autre pour les enfants. Quoi de mieux qu’un appel d’offres un peu taillé sur mesure, disons la recherche d’un bâtiment pas trop loin de l’hôpital Victoria et de telle superficie ? La clinique MedPoint appartenant à la soeur et au beau-frère de Pravind Jugnauth a tous les atouts pour faire l’affaire.
Sauf que le dossier est parsemé d’embrouilles. Lorsque la clinique est vendue pour la somme de Rs 141 millions, de troublantes informations sortent quant à la manipulation du dossier pour gonfler la note. Week-End, au premier plan des révélations, décrit dès janvier 2011 la saga de l’évaluation qui est, par magie, passée de Rs 75 millions à Rs 125 millions.
Et le reste de l’histoire, on la connaît, même si la fi n n’est pas encore écrite, dans la mesure où Pravind Jugnauth doit toujours faire face à un appel devant le conseil privé pour avoir, en qualité de ministre des Finances, signé le chèque en faveur de son beau-frère et de sa soeur, et que Yodhun Bissessur, le Chief Government Valuer est toujours devant les tribunaux pour des délits sous la POCA. Mais le fait demeure que le chèque, lui, a bien atterri dans les poches de proches installés en Grande-Bretagne.
Jackpot pour les uns, coup de massue pour les autres. Avec la hausse des prix du carburant qui est déjà tombée sur la tête des consommateurs et que les taxis ont déjà répercuté la hausse sur les courses dites locales et même sur les petits trajets. Les boulangers sont en embuscade, ils attendent leur heure pour pousser leur dossier de demande d’augmentation. Et lorsqu’on sait que le DPM et ministre des Services publics, Ivan Collendavelloo, et le ministre Mentor ont fait des déclarations publiques assurant qu’une augmentation des prix de l’eau est imminente et que le leader du MMM a fait circuler un document indiquant que la hausse des tarifs d’électricité a été évoquée lors d’une réunion d’un comité technique, on a toutes les raisons de craindre le pire pour notre porte-monnaie.
Le Premier ministre, qui a le temps pour inaugurer des demi-gares routières, des jardins d’enfants et des terrains de foot synthétique miniature d’un vert de mauvais goût sur la route du Gymkhana, n’a pas cru utile d’éclairer la population sur la décision de la State Trading Corporation, du gouvernement donc, sur ce choc pétrolier. Il faut dire que l’exercice n’aurait pas été facile. Ni pour lui ni pour ceux qui l’ont précédé.
L’histoire des prix du carburant mérite tout un manuel d’analyse économique. Rama Sithanen a inventé une foule de levies pour corser le prix à la pompe pour les consommateurs et pour éponger la folie du hedging qui s’était emparée du gouvernement travailliste et consorts. Xavier Duval est venu avec son Build Mauritius Fund à Re 1 en 2013 et Vishnu Lutchmeenaraidoo l’a porté à Rs 4 en janvier 2015 pour « remplacer les tuyaux » de la CWA. Ce qui fait que le consommateur paie le prix de l’essence et du diesel deux fois plus que ce qu’il aurait dû coûter.
Le système est pourri et la farce n’a que trop duré. Il faudrait avoir une loi qui interdise le prélèvement administratif de nouvelles taxes. Pour donner un petit abattement annuel de Rs 5 000 au contribuable, il faut passer par l’Assemble nationale mais, pour ponctionner Rs 1,2 milliard sur le litre d’essence, il suffit que quelques ministres décident. Ça suffit !