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Interviews de 2022 : questions et réponses choisies

Nous respectons la tradition qui consiste à vous proposer une sélection de questions et réponses extraites des interviews réalisées durant l’année qui vient de se terminer. Elles sont un reflet des sujets qui ont occupé la une de l’actualité et préoccupé les Mauriciens en 2022.

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2 janvier

Vassen Kauppaymuthoo, ingénieur en environnement


Cela fait quelques années de suite que vous nous brossez, au début de janvier, un bilan de la protection de l’environnement de l’année écoulée à Maurice. Est-ce que vous avez le sentiment que la prise de conscience de la gravité de la situation augmente ou régresse chez les Mauriciens ?

— La protection de l’environnement est un concept, une valeur universelle que ne partagent pas encore pleinement tous les Mauriciens. Les jeunes la ressentent mieux, se posent des questions sur le monde dans lequel ils sont appelés à vivre, se demandent si ça vaut la peine de faire des enfants. Ils ressentent une angoisse qu’il faut transformer en action. Je pense que la prise de conscience des Mauriciens par rapport à l’environnement augmente. On a vu, avec le Wakashio, que quand on touche à l’environnement, les gens font entendre leur voix à travers les médias et les réseaux sociaux, et descendent dans la rue. Mais dans la réalité, on fait face à un problème. La loi environnementale a été amendée pour réduire les possibilités d’appels par rapport aux études environnementales. Certains gros projets — le métro léger, la construction d’un port à Agalega — sont exemptés d’études environnementales. Le ministre peut, d’après la loi amendée, donner des exemptions, alors que ces grands projets auraient gagné en termes d’acceptation publique si la transparence avait été observée.

16 janvier

Jane Ragoo, syndicaliste


De manière générale, les Mauriciens sont-ils plus intéressés par le syndicalisme, se rendent-ils plus compte de son importance et de sa nécessité dans les relations industrielles ?

— Je suis obligée de répondre que les Mauriciens s’intéressent au syndicalisme quand ils ont des problèmes dans leur travail, avec leur employeur. Fodre ki pwalon-la so pou ki travayer konn sindika. Ils ne s’intéressent pas à la loi du travail, à leurs droits tant qu’ils ne sont pas directement concernés, menacés. Et en plus, ils ont des interprétations fantaisistes de la loi du travail, malgré les émissions radio, notre page Facebook et nos campagnes d’information. Il faut changer de méthode, utiliser les nouvelles technologies. Les gens lisent moins, mais regardent plus les réseaux sociaux sur leurs portables. Donc, nous avons créé une plateforme que nous alimentons avec des clips pour informer sur les lois du travail, le droit des travailleurs et ses obligations. La confiance dans le syndicalisme, la conscience de la nécessité de se regrouper pour défendre ses droits et de la solidarité dans le travail sont en train de disparaître, remplacées par l’individualisme et le matérialisme, le chacun pour soi.

6 février

Me Yatin Varma, président du Bar Council

En général, êtes-vous satisfait de l’attitude du comportement de la police vis-à-vis des avocats ?

— Non. Pas du tout. Très franchement et très honnêtement, au cours de cette année de présidence du Bar Council, nous avons été témoins d’agression d’avocats, dans un cas particulier par l’ADSU de Rose-Belle. À maintes reprises, nous avons discuté du sujet avec le commissaire de police et alerté les autorités concernées, et rien n’a changé. On a le sentiment que pour la police, quand un avocat fait son travail, qui consiste à défendre son client, c’est perçu comme étant une entrave à l’enquête policière. Je ne veux pas généraliser, il y a des officiers de police qui font leur travail correctement. Mais dans beaucoup de cas, on a l’impression que certains policiers considèrent l’avocat comme un ennemi, un obstacle à son travail. C’est une mentalité qu’il faut absolument et rapidement changer.

6 février

Me Reza Uteem, président du MMM :


Rajesh Bhagwan a parlé de
Judas à l’affût de membres du MSM qui pourraient devenir des transfuges politiques. C’est une réalité ou une rumeur ?

—  C’est une vérité. Et quand Rajesh parle de Judas, nous savons tous qu’il parle de cet ex-PTr et homme de confiance qui a trahi et vendu son parti et son leader au MSM et qui, aujourd’hui, « achète » pour le compte de son nouveau maître, Pravind Jugnauth. Le problème, c’est qu’aujourd’hui chacun a sa faiblesse…

… vous voulez dire que chacun, que chaque politicien, a son prix ?

—  À vous de tirer vos conclusions. Quand j’ai rejoint le MMM, je voulais faire quelque chose pour le pays, et je pensais que le MMM était le seul parti qui me permettrait de le faire aves les valeurs qu’il défendait. Il y a aujourd’hui beaucoup de gens qui sont capables, sont compétents et patriotes, qui veulent aider leur pays, mais sont repoussés par la politique et ne sont pas prêts à faire le sacrifice nécessaire. Il y a un prix à payer pour être au MMM, c’est un sacrifice personnel, financier et familial aussi. Les membres de nos familles sont blacklistés, ne sont pas recrutés et n’ont pas de promotion dans le service public. J’ai des amis qui ne peuvent me donner du travail parce que je suis du MMM, ce qui est mal vu, parfois même dans le secteur privé. Quand on a voulu faire passer un nominé politique sur la tête de ma sœur qui travaille dans le service public, nous avons dû aller devant les tribunaux pour faire casser la décision. Mon entourage souffre de mon engagement politique, mais c’est un choix que j’ai fait et que j’assume. Être au MMM est un sacrifice. Ses députés ne sont pas sur un payroll, ce sont eux qui subventionnent le parti. Aujourd’hui, la politique est devenue un business kot bizin met for pou gagn for. Vous investissez en achetant les votes et une fois que vous êtes au pouvoir, vous placez vos parents et amis à des postes de responsabilité où, par leurs décisions et les contrats qui leur seront attribués, vous allez récupérer votre investissement avec profit. À la place du PM et leader du MSM, je serais bien inquiet, parce que les nouveaux adhérents du MSM sont les rejets des autres partis politiques, ceux qui ont trahi leur électorat et leur parti.

6 mars

Marie-Michele Étienne, animatrice de radio


Êtes-vous déçue de ce que sont devenues les radios privées dont on attendait tant ?

— Oui et non. Oui parce que je pense qu’on peut être beaucoup plus créatif, plus imaginatif, plus intelligent, plus original et faire des choses différentes, mais il y a le facteur commercial qui entre en jeu. Les radios privées ne fonctionnent que sur un budget publicitaire. Non, parce qu’il faut reconnaître que ces radios osent — parfois trop, parfois mal, pensent certains — dire les choses, et c’est important. Le meilleur apport des radios privées réside dans la libération de la parole. Beaucoup disent qu’on koz ninport sur ces radios, mais au moins les gens parlent, osent formuler des critiques — ce qui était, on l’a oublié, inimaginable avant. Je pense qu’au niveau de la société mauricienne, la radio privée a fait un travail extraordinaire en permettant à ses auditeurs, aux Mauriciens, de s’exprimer.

Un mot sur la MBC qui, grâce à une déclaration malvenue de son directeur général, a été ironiquement rebaptisée « Marie-Madeleine Broadcasting Corporation »

— (Rires) J’ai passé plus de trente-cinq ans à la MBC, qui a été ma deuxième maison. Je ris du ton de votre question, mais je suis triste du fait de voir quelquefois comment on peut faire des faux pas, dire des choses qu’il ne faut pas. La MBC a tout ce qu’il faut pour être performante et faire de la bonne radio et de la bonne télévision. Il suffirait de repenser certaines choses, de corriger ce qu’il faut et surtout, excusez ma vulgarité, de mettre à sa tête quelqu’un qui a les capacités et surtout les couilles pour faire ce qu’il faut ! Cela étant, il y a eu de tout temps à la MBC une minorité de personnes dont la mission première semble être de glorifier les gouvernants en étant souvent plus royalistes que le roi, avec les résultats que l’on connaît, et desservent plutôt qu’ils ne servent…

13 mars

Olivier Bancoult, leader du Groupe Réfugiés Chagos


Le fait que les Chagossiens ont un passeport britannique est un sujet sensible. Certains se sont même demandé si votre patriotisme était plus britannique que mauricien, si vous étiez plus Union Jack que quadricolore

— Je sais que cette question est parfois posée et j’aimerais y répondre par une autre : est-ce qu’on pose la question du patriotisme pour les Mauriciens, dont des politiques et des hommes d’affaires, qui ont la double nationalité ? C’est seulement le Chagossien qui serait antipatriotique et pas les autres binationaux mauriciens ? Si j’étais, comme certains osent le dire, enn vander lalit, est-ce que j’aurais traîné le gouvernement britannique devant les instances nationales et internationales ? Mais si jamais, dans le cadre de notre combat, il faut poursuivre le gouvernement mauricien en justice, je n’hésiterai pas une seconde.

Il y a eu entre les Mauriciens et les Chagossiens beaucoup d’incompréhension et de méfiance réciproques sur le dossier Chagos. Est-ce qu’aujourd’hui la situation s’est améliorée ?

— Beaucoup de Mauriciens ont compris le sens du combat des Chagossiens, d’autres, une minorité, en ont encore une vision négative. Ce qu’il faut comprendre en premier lieu, c’est que nous n’avons pas choisi de venir à Maurice. On nous a déracinés sans nous demander notre avis pour nous envoyer ici ou aux Seychelles. Jusqu’à 1965, nous étions une dépendance de Maurice, ce qui est écrit sur nos actes de naissance. On nous a déracinés de nos îles selon un dealpolitique entre les gouvernements britannique et mauricien, deal dont les conditions n’avaient pas été rendues publiques. Les politiciens mauriciens qui sont allés négocier l’indépendance ont pris une décision sur les Chagos sans même informer ses habitants. Je le répète : les Chagossiens ont été les sacrifiés de l’indépendance de Maurice. Il y a certes des choses qui ont changé dans la manière dont les Mauriciens perçoivent les Chagossiens, mais beaucoup reste encore à faire. Quand nous sommes arrivés, et longtemps après, nous n’avons pas été traités avec considération.

20 mars

Vincent Degert, ambassadeur de l’Union européenne

Donc, la stratégie de l’Union européenne, c’est de ne pas entrer dans cette guerre, de ne pas en devenir un cobelligérant…

— Le président de l’Union européenne, Emmanuel Macron, l’a dit et répété, ainsi que tous les dirigeants européens, et même le président américain. Nous ne sommes pas en guerre contre la Russie, mais de l’autre côté, nous sommes en soutien total et complet avec l’Ukraine.

L’Europe et les États-Unis ne veulent pas s’engager militairement dans cette guerre, mais ils fournissent du matériel militaire à l’Ukraine. Est-ce que ce n’est pas, pour dire le moins, contradictoire ?

— Personne au monde ne souhaite le déclenchement de la Troisième Guerre mondiale avec des armes nucléaires ! Nous ne rentrons pas dans le conflit armé, mais nous donnons à l’Ukraine la capacité de se défendre face à une agression. L’Europe soutient l’agressé en respectant le droit international, nous sommes donc légitimes dans notre démarche. Face à la situation terrible que vivent les populations civiles, face à la poursuite de cette guerre et, si je puis dire, la surdité des dirigeants russes aux appels à la fin des hostilités et au retrait de leur armée, nous n’avons pas d’autre choix que d’aider les Ukrainiens à se défendre du mieux qu’ils le peuvent. Et il faut reconnaître qu’ils le font de manière remarquable.

26 mars

Cardinal Maurice Piat

Le principal message de votre lettre (de carême) réside dans la nécessité, l’obligation, pour la société mauricienne de construire des ponts entre ses différentes composantes pour pouvoir avancer. Mais dans cette île Maurice morcelée à tous les niveaux, où la ghettoïsation est quotidienne, où on se qualifie en termes de « bann-la » opposés à « nou bann », est-ce que cet appel à ériger des ponts peut être entendu ?

— C’est difficile pour moi d’être prophète, mais je crois que cet appel doit être fait. Je crois profondément qu’il faut en parler, parce que c’est une nécessité objective. Comme vous le dites : c’est vrai que nous sommes un peu morcelés de différentes manières, mais quand on pense au peuple de Maurice, c’est quelque chose de vivant, de profond. Depuis plus de 300 ans, et malgré toutes les injustices qui ont pu avoir été subies ou causées, nous avons vécu ensemble sur ce petit territoire avec les apports venus des différents continents. Ce n’est pas ce qui a été écrit, décidé ou organisé qui importe, mais ce qui a été vécu ensemble. Je crois que nous n’aurions pas vécu ensemble tout ce temps-là si nous n’avions pas été attachés à certaines valeurs essentielles. Si nous voulons avancer, nous devons construire des ponts et travailler ensemble pour que notre destin s’accomplisse.

Est-il encore possible de faire changer de cap à notre société qui est, comme l’avez souligné dans votre lettre, trop « aveuglée par le mirage d’un bien-être en surface pour voir les carias qui rongent notre poteau et qui risquent en le faisant pourrir de mettre à mal l’édifice démocratique » ?

— C’est en grande partie pourquoi j’ai écrit la lettre : il existe à Maurice des carias à droite et à gauche, qui sont recouverts d’un vernis extérieur, qui rongent notre société de l’intérieur. Il faut appeler les choses par leur nom et dire ce qui ne va pas. Souvent, les autorités — qu’elles soient de ce gouvernement ou des précédents —, ont tendance à vouloir rassurer le peuple, ce qui est bien. Mais il faut rassurer en parlant le langage de vérité, en disant quels sont les problèmes, où sont les carias et faire appel à notre sens de responsabilité pour avancer.

3 avril

Rita Venkatasawmy, Ombudsperson for Children

Les enfants dont nous parlons viennent majoritairement de milieux défavorisés, à problèmes et ont, dès leur départ dans la vie, une série de handicaps sociaux. Je ne comprends pas qu’au lieu de les protéger, pour les faire sortir de leur détresse, on a l’impression que le système les traite comme des marginaux irrécupérables socialement

— Les enfants placés dans les shelters sont cassés, très difficiles à gérer, en souffrance, violents et souvent en butte à des problèmes psychologiques. Malheureusement, notre système ne dispose pas de suffisamment de personnel qualifié pour leur donner l’encadrement dont ils ont besoin. Nous avons besoin d’un personnel hautement qualifié qui travaille en synergie avec la cour, la CDU et les ONG pour réussir la vraie réhabilitation de ces enfants. Le travail de réhabilitation d’un enfant, qui est extrêmement difficile, est fait par des carers non formés qui ont un petit salaire. Tous ceux qui travaillent dans ce secteur sensible ont besoin d’une formation, d’un encadrement poussé pour apprendre à gérer les conflits, à faire face à la violence, au rejet et à la contestation de l’autorité. C’est à travers un personnel formé que nous allons pouvoir réussir la réhabilitation.

10 avril

Franceau Grandcourt, adjoint au chef commissaire de Rodrigues

L’opposition à l’OPR a fait une coalition de cinq partis politiques pour remporter les dernières élections de Rodrigues. L’expérience politique mauricienne nous apprend qu’il est très difficile de maintenir une coalition entre deux ou trois partis. Comment allez-vous faire tenir une coalition de cinq partis ?

— Ce sont les Rodriguais qui nous ont demandé de faire une alliance des partis d’opposition. Cette alliance des cinq partis a été plébiscitée par les Rodriguais à qui nous avons promis d’aller jusqu’à la fin de notre mandat. Selon l’accord, Johnson Roussety sera le chef commissaire pendant les deux premières années, et après je vais prendre la relève pour les trois suivantes. On peut se poser la question de savoir si ça va marcher, je peux vous donner la garantie que nous allons tout faire que ça marche, pour faire avancer Rodrigues.

10 avril

Guillaume Hugnin, président sortant de la Chambre de Commerce et d’Industrie

En février 2020, Jean-Claude Montocchio, ex-secrétaire général de la Chambre de Commerce et d’Industrie, qui vit à l’étranger, publie sur son blog une série de critiques sur le fonctionnement de l’institution. Ces critiques, reprises par la presse à l’occasion de la célébration des 170 ans de la CCI, ne suscitent aucune réaction, aucune réponse de la direction dont vous étiez alors le vice-président. M. Motocchio se demandait comment la CCI avait maintenu au poste de SG une personne qui avait été interrogée par l’ICAC dans le cadre d’une allégation de corruption, du temps où il était le GM de la CWA

— Rappelons les faits. M. Ismaël, la personne en question, est recruté en décembre 2019 et en janvier de l’année suivante, il est convoqué par l’ICAC, et le conseil de la CCI émet un communiqué pour expliquer sa position. Le Conseil n’a pas traité ce sujet à la légère et s’est réuni pour en discuter. Il en a conclu que M. Ismaël ayant été convoqué devant l’ICAC suite à une accusation anonyme, c’était à cette institution de faire son travail. La Chambre décide donc que M. Ismaël restera en fonction en attendant que l’ICAC arrive à une conclusion dans cette affaire. Peut-être que là – et je souligne que c’est mon opinion personnelle, pas celle de la Chambre –, peut-être qu’à ce niveau il existe un certain dysfonctionnement à Maurice: si quelqu’un est suspect dans une affaire, on doit le juger le plus vite possible.

24 avril

Monique et Pierre Dinan

J’aimerais revenir à notre sujet de départ pour terminer cette passionnante conversation. Que souhaitez-vous dire sur Jacques Rivet ?

Pierre : Jacques Rivet est à mon sens un exemple de ce qu’un Mauricien motivé peut accomplir. Comme le rappelait un journal, il a quitté le collège à la mort de son père pour reprendre Le Mauricien. C’était un jeune garçon qui a commencé comme photographe et a appris tous les métiers de l’impression et du journalisme pour faire un journal. Non seulement il a fait tourner Le Mauricien, mais il a lancé Week-End, et c’était magistral. Week-End a été non seulement le premier grand journal du dimanche, mais une belle réussite mauricienne.
Monique : Il faut aussi souligner que quand il reprend Le Mauricien, Jacques a su se faire aider par les aînés pour continuer le travail et il a eu de belles relations humaines avec ceux de qui il pouvait apprendre. Mais en même temps, il a su s’entourer de jeunes et leur faire confiance, ce qui a donné à Week-End ce ton qui le différencie des autres publications.

8 mai

Gérard Sanspeur, ex-principal conseiller du PM

Vous m’avez dit dans une interview, il y a un an, que Pravind Jugnauth était entouré de conseillers médiocres et incompétents… Est-ce que la situation s’est améliorée depuis ?

— La situation s’est détériorée et ni Pravind Jugnauth ni son gouvernement n’ont tiré les enseignements nécessaires pour la redresser. Prenons le dernier exemple en date : le projet d’un hippodrome à Côte d’Or. Un projet de cette envergure ne se décide pas comme ça. Il y a tout d’abord une étude de l’opportunité de la décision — oui, non, pourquoi et avec quel argent ? — avant même d’aller choisir un site. Après cette étape préliminaire se déclenche un ensemble de processus qui vient valider le projet au niveau technique, commercial, etc. Le plus grave dans ce projet d’hippodrome, c’est le conflit d’intérêts qui en fait partie et le gouvernement ne semble pas le comprendre. Pravind Jugnauth n’a rien appris de l’affaire MedPoint : il n’y a qu’à voir le conflit d’intérêts entre la politique monétaire et la politique budgétaire de la Banque de Maurice.

Quel est le conflit d’intérêts dont vous parlez dans le cas du projet d’hippodrome ?

— Landscope, qui possède des terres, se retrouve partenaire dans le projet d’hippodrome, ce qui fait qu’il n’y a plus de distinction entre le propriétaire du terrain et le projet. Du coup, le principe selon lequel Landscope va rester un master developper, qui gère les terrains et le schéma directeur, mais n’est pas partenaire de projets gouvernementaux et privés, est violé. L’incompétence continue à se développer au sein de l’actuel gouvernement.

15 mai

Jean-Michel Giraud, ex-président du MTC

Est-ce que tout ce qui vous est arrivé (la démission forcée de la présidence du MTC) et le manque de soutien dans le combat signifient que le nombre de ceux qui osent se mettre debout et se battre pour des causes justes est en train de diminuer à Maurice ?

— Ce que vous venez de dire correspond, hélas, à une certaine réalité. Ceux qui sont prêts à se battre sont de moins en moins nombreux. J’ai reçu beaucoup de messages depuis ma démission, surtout de gens simples, mais également de gens qui ont un poids dans la société. Ces derniers m’écrivent : Bravo ! J’admire ton courage. J’ai envie de leur répondre : Et vous, qu’est-ce que vous faites pour changer la situation à part de poster discrètement des messages de félicitations sur internet ? C’est une autre manière de répondre à votre question.

Avec ce franc-parler, de plus en plus rare à Maurice, on comprend que vous n’avez pas un grand nombre de supporters ! Que souhaitez-vous dire pour terminer ?

— Il faut continuer à informer les Mauriciens sur ce qui se passe au Mauritius Turf Club. Il faut expliquer comment la mafia a mis la main sur l’industrie des courses à tous les niveaux. Il faut souligner que, non seulement elle n’est pas combattue, mais il semblerait qu’elle soit protégée.

22 mai

Dr Satish Boolell

Pendant les débats sur la motion de censure la semaine dernière, le ministre de la Santé s’est dit satisfait des mesures qu’il a prises pour faire face à la situation sanitaire. Il a dit avoir pris les mesures d’urgence nécessaires et s’est félicité de son action…

— Je vous ai déjà dit qu’il ne rate pas les occasions de se taire. Il a pratiqué une désinformation sur la situation des malades pendant la pandémie. Que l’on se rappelle les malades enfermés et isolés à l’hôpital, et les enterrements en catimini, sans les rites religieux ! Si le ministre est satisfait de son action pendant l’épidémie, si le travail a été bien fait, pourquoi est-ce qu’il ne rend pas publiques les conclusions du rapport sur les malades dialysés morts pendant le Covid, à l’hôpital de Souillac ? Le refus de rendre publiques les conclusions de cette enquête indique que des erreurs et des fautes ont été commises. Le manque de transparence dans les achats effectués pendant l’épidémie était évident. C’est trop facile de dire qu’en cas d’urgence on ne respecte plus les règlements qui prévoient des exceptions dans certains cas spécifiques, mais pas des achats sur une grande échelle comme cela a été le cas pendant le confinement. Les mesures pour passer outre les règlements demandent une enquête approfondie et surtout des sanctions contre ceux qui les ont autorisées ou couvertes. Mais les quelques enquêtes ouvertes, sous la pression de l’opinion publique, ne progressent pas et finiront par être oubliées, ce qui semble l’objectif du gouvernement. Il espère que les Mauriciens, anesthésiés par les coups de massue économiques, auront d’autres préoccupations que les résultats de ces enquêtes.

19 juin

Ram Seegobin, porte-parole de Lalit

Que pensez-vous de la contribution de l’opposition et des syndicats au débat économique à part de dire que le budget et ses mesures sont les pires depuis l’indépendance ?

— Le manque de réflexion logique sur les enjeux économiques de demain que nous reprochons au gouvernement existe au même niveau chez l’opposition et les syndicats. L’opposition, faite de quatre partis qui n’arrivent pas toujours à s’entendre entre eux, même si elle se qualifie d’entente, fonctionne à la petite semaine. Elle ne fait que réagir à ce que fait le gouvernement, et son principal travail de réflexion, c’est de trouver ce qu’elle va dire lors de la prochaine conférence de presse. L’opposition ne réfléchit pas sur une alternative au gouvernement, d’autant qu’il y a une partie de l’opposition au Parlement, une autre dehors. En ce sens, nous n’avons pas une véritable opposition soudée avec un programme cohérent, juste des leaders de partis qui ne font que chercher les défauts du gouvernement, sans une proposition alternative globale. Comme le gouvernement, l’opposition ne vise que le très court terme. C’est d’ailleurs de plus en plus le mindset des Mauriciens. Quand à Lalit, nous parlons des problèmes à long terme, on nous répond invariablement « on verra ça plus tard. » Et petit à petit, le mouvement syndical en est réduit à analyser dans quelle mesure le budget ou l’action gouvernementale est en faveur de ses membres ou pas. Il faut aussi dire que les médias, qui ont besoin de faire de l’audience et de vendre leurs produits, participent également à cette vision du très court terme. Il n’y a plus de plateforme de réflexion pour dégager un projet économique et social à long terme pour le pays.

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