Il pleure dans mon cœur
Comme il pleut sur ma ville ;
Quelle est donc cette tragédie
Qui bouleverse encore nos cœurs ?
Ô bruit claquant des averses
Sur les toits et les routes !
Pluie diluvienne qui en un instant
A piégé tant de gens
Il pleure sur ma ville comme tressaillent les victimes
Trahies par le manque de jugeote et par le béton
Mais qui est responsable de ce drame ?
Enragés, révoltés, nous le sommes avec raison
Le pire a sans doute été évité
Dans ma capitale, la pluie s’est faite danger ;
Soudain, panique ! Les torrents ont submergé
Avec, en filigrane, une impression de déjà-vu
Ô, eau qui dévale avec force
Ne sachant pas où se déverser !
Pluie douce devenue meurtrière
Rafraîchissante puis battante, elle a ravagé
Il pleure dans mon cœur
Autant que les cœurs sont secoués,
Traumatisés par cette catastrophe
Qui bouleverse aujourd’hui, comme hier
Trempés jusqu’aux os ou coincés dans l’auto
Des regards de détresse à l’affût de sourires et de mains.
Voitures, flottant, en dérive dans les rues
Dieu ! Merci pour les bons samaritains !
Ô ! Comme la peur a rempli les cœurs
La peur de se noyer dans les courants
Emportés ! Tétanisés ! Au secours,
Que mes lèvres soient envahies de saintes prières !
Il pleure dans mon cœur
Comme il pleut sur mon île
Les oiseaux se sont tus dans mes tristes villes
Salies d’immondice, de boue et de brindilles
Abasourdis, chacun a regagné son nid
À l’exception de deux qui ne sont plus
Pris par les dégâts d’eau, leur souffle s’est éteint!
Tristesse ! Révolte ! Douleur !
Il pleure dans mon cœur
Et mon île est en pleurs
Mon peuple a de plus en plus peur
Du temps, de l’eau et de la pluie qui abreuve
L’eau a saturé ma terre
La mer a vomi vos bouteilles jetées
Sols inondés d’ordures et de saleté
Mes amis, comme la honte m’habite !
Ô, ma capitale, mes villes, mon île
Jusqu’à quand serai-je grisée, cimentée ?
Enlaidie, bétonnée, au profit du modernisme
Jusqu’où serai-je défigurée ? Étouffée !
Désordre, ordures, boue, feuillages !
Sable blanc, nature luxuriante, mer turquoise !
Angoisse, mer déchaînée, traumatisme, inquiétude !
Bien-être, calme plat, solidarité, louanges !
Il pleure dans mon cœur
Comme il pleut sur mon île
Eaux et flots ont dévalé montagnes et ruelles
Mon cimetière, dévasté, traversé par une rivière
Mes Hommes se sont attelés à tout remettre debout
Redoutant les intempéries qui me mettraient à genoux
Debout citoyens et ne vous ébranlez pas
Votre île l’est déjà
Je me relève et ne pleure déjà plus
Car mes yeux ont vu
Mon cœur a palpé, ce peuple
Qui a le désir d’être uni et d’avoir les mains tendues
Petite île Maurice
15 janvier 2024
(Inspiré du poème Il pleure dans mon cœur de Paul Verlaine)