Il était midi ou peut-être était-ce minuit. Debout dehors, je regardais la beauté de la nature sublimée par une luminosité particulière. Je contemplais le ciel par ce jour de grand éclairage. Lumière intense et douce qui fortifie la nuit. Lumière éblouissante qui aveugle et qui réchauffe le jour.
Il était probablement minuit.
Je me sens comme un grain de sable posé au milieu de nulle part, écrasée par la splendeur et l’immensité de la Voie lactée. Des pensées sur la vie, l’humanité et l’éternité survolent mon esprit. Tous ces sujets-là intriguent, surtout les jeunes, le soir, lorsqu’ils sont seuls dans leur lit. Ils peuvent réjouir les esprits curieux ou tourmenter ceux pris par l’angoisse de l’infiniment grand. Qu’est-ce la vie ? Quelle est sa valeur ? Qu’est-ce l’Homme ? Que sont ces hommes qui se déchirent, s’accusent et se détruisent ? Qu’est l’éternité ? Comment est-elle possible dans ce monde fini ?
Il était sans doute minuit, heure de griserie et de rêverie. À cette heure perdue de la nuit, l’astre lumineux est suspendu au-dessus des têtes et ressemble à un gigantesque réverbère. Parfaitement rond, il illumine la terre et rien que le regarder déclenche une profusion de questions existentielles. C’est une heure où l’ivraie s’incruste et encombre les alentours. Les ténèbres de nos vies tentent de ressurgir et l’indésirable mélancolie s’invite au rythme du vent entre les feuilles. La pleine lune trouble et fascine.
Qu’il est bon et doux de vivre dans ce monde fantastique, même s’il regorge de conneries et de déchéances. Cette terre où nous sommes en exil a de bien belles choses à nous offrir malgré la haine, les guéguerres et les guerres débiles qui y règnent et les décisions irresponsables que nous pouvons prendre sans nous en rendre compte.
L’échéance de nos ressources, l’augmentation de nos besoins, les déchaînements de la nature et les tribulations dans nos vies retentissent sans cesse tels un rappel, une alarme, un appel à l’aide et à la vigilance. L’heure tourne et sonne. Il était minuit… ou peut-être était-ce midi ?
Le soleil brillait de mille feux. Le ciel, profond, était d’un parfait bleu clair et les nuages n’osaient même pas faire tache dans ce décor limpide. À cette heure de liberté, désinvolte à souhait, je laisse la providence me mener là où elle le veut bien. Rien ne peut jouer les trouble-fête à ce moment-là. Amusée, je me laisse faire sur cette terre qui s’affaiblit, se dessèche et brûle sur les terres devenues arides comme à Hawaii et inondée par les larmes des cieux, comme en Chine.
Ce jour encore inconnu qu’est demain me semble bien loin. Pour le moment, inutile de me prononcer sur ce qui n’est pas encore. Alors, je me tais pour mieux apprécier l’aujourd’hui. Je fais silence pour mieux discerner les contours et les formes qui m’entourent. Ce silence est assourdissant et je m’abstiens de tout mot pour mieux comprendre. Plus tard, les mots se délieront d’eux-mêmes, se libéreront et s’imprimeront sur du papier.
Il était sans doute midi, car la lumière éclairait nos vies. De subtiles lueurs éclatantes pointaient sur les coins sombres qui étaient du coup mis à jour. Démasquées, même les ténèbres se laissaient transfigurer en ce jour radieux. Devant tant de clarté, la nuit ne peut que s’effacer bien évidemment.
Mais qu’importe l’heure, midi ou minuit, la beauté exalte, remplit et émerveille toujours, même les plus septiques. Soudain, une question surgit dans ma tête ! Peut-on rester indifférents, insensibles, devant la Création ? Plus encore : se serait-elle donné autant de peine pour être aussi belle s’il n’y avait personne pour l’admirer et pour la qualifier ? Ou l’est-elle, pour elle-même et pour Celui qui l’a créée ?
Qu’il soit midi ou minuit, on ne peut qu’être inspiré de poésie devant tout ce qui a été créé juste pour nous. Le cœur battant, la tête pleine de questions, le corps en mouvement, une chorégraphie irréfléchie se met en marche, sur une musique remplie d’espérance qui a pour refrain : Au cœur même de la nuit, la lumière peut toujours jaillir. Il suffit d’y laisser une brèche ; il suffit juste de vouloir que la lumière passe, sans rien attendre en retour, à part que l’espérance nous accompagne toujours telle une amie fidèle sur qui on peut compter.
En fait, il était minuit sur l’horloge que je percevais au loin, mais dans mon coeur il était déjà midi.