Et si on commençait à s’habituer à tout ? C’est la question que l’on doit se poser en ce début d’année, lorsque l’on voit le niveau du débat entre ceux qui gouvernent, ceux qui ont régné pendant de nombreuses années et ceux qui aspirent à revenir aux affaires.
Vous connaissez beaucoup de pays où le Premier ministre doit ajuster son calendrier politique en fonction d’un cas de conflit d’intérêts qui se déroulera devant le conseil privé ? Et qui reste confortablement à son poste sans avoir la décence de se retirer en attendant la conclusion de cette sombre affaire ? Et où son supposé principal challenger est, lui, un abonné des tribunaux. Une telle situation aurait été le comble de la honte, une calamité nationale dans un autre pays à tradition vraiment démocratique. Ici, plus c’est grave, plus cela tombe dans le registre de l’anecdotique.
Pour le Premier ministre en exercice, ce n’est déjà pas très reluisant. Mais plus bas encore le spectacle qu’offre en ce moment deux anciens Premiers ministres, dont l’un fut même le président de la République. Il y a Navin Ramgoolam qui est confronté à deux affaires, l’une portant sur un complot autour d’un vol perpétré lors d’une soirée à Roches Noires en juillet 2011 et, l’autre, sur une vingtaine de charges s’articulant autour du blanchiment de Rs 220 millions découvertes dans un coffre à son domicile, et SAJ, qui se fait appeler abusivement mentor et qui, à 88 ans bientôt, se livre à une guerre d’affidavits avec le leader du PTr dans le cadre d’un procès en réclamation de Rs 50 millions pour diffamation alléguée.
On dirait qu’une guerre des poupées s’est déclarée. L’un parle de la maîtresse qui avait été la femme d’un receveur d’autobus, l’autre évoque les poupées taïwanaises qui auraient sévi sous le gouvernement MSM-PTr-PMSD après 1983. Ça vole en tout cas de plus en plus bas cette affaire de réclamation de dommages. Le déshabillage est intégral et l’étalage des dessous croustillants interminable. Voilà pour nos trois Premiers ministres. Shame ! Pas sur eux mais sur nous-mêmes, qui sommes en train de perdre graduellement notre faculté de nous indigner.
Tout aussi déplorables, les séquelles de quelques jours de pluie dans un pays qui se dit moderne. La route Terre Rouge-Verdun est, à elle seule, un cas d’école avec la toute dernière, la découverte d’un rivière sous l’asphalte. Il va falloir bientôt en faire un parcours récréatif du musée de l’échec et du gaspillage des fonds publics. Il n’y a pas que le surcoût qui est inexplicable. Un budget déjà faramineux de Rs 2 milliards qui est, en fin de compte, passé à Rs 4,3 milliards et des travaux interminables pour une route qui n’est pas partout praticable. Quel jour prendre la M3 est devenu comme un tirage de loterie.
Bien entendu, personne n’est responsable de cette triste situation. Pas Anil Baichoo qui a piloté ce projet et non plus Nando Bodha qui, après trois ans, s’essaye un peu à tout, jusqu’à finir par là où, en fait, il aurait dû avoir commencé.
Confier à de vrais experts internationaux une étude des sols aux endroits à risque d’éboulement et d’affaissement. Ce qui semble ne pas avoir été fait lors de la conception du projet. Ce qui est, en lui-même, une faute impardonnable et une négligence coupable.
Et il n’y a pas que les gros chantiers qui posent problème. Il y a les drains dans les villes et les villages. Qu’il faut d’urgence en construire dans des régions inondables, c’est un fait. Cela ne devrait pas nous éloigner d’une des causes principales de nos malheurs du jour qui est l’incurie et la petite corruption des administrations régionales lorsque ce n’est pas un inspectorat inexistant qui fait que tout le monde se croit autorisé de construire n’importe quoi n’importe où. Avec les résultats dramatiques que l’on vit aujourd’hui.
Il paraît que le lord-maire a mis la main à la pâte et qu’il a aidé à enlever des ordures des drains pour que l’eau ne déborde pas sur la route, dans les maisons ou les commerces du côté de la rue St-Georges. C’est bien de se donner de temps en temps en spectacle. Mais s’il avait poussé sa déambulation médiatisée plus loin, il aurait pu se rendre aussi à la rue Mère Barthélemy, non pas pour admirer le spectacle de la vieille Mercedes rouge abandonnée avec sa plaque d’immatriculation depuis des mois sur la chaussée au vu et au su de tous, mais pour constater de visu qu’il y a, par exemple, un petit malin qui a jeté des gravas dans un drain pour pouvoir faire entrer plus facilement son véhicule.
Est-ce que ce maire a vérifié auprès de ses inspecteurs le nombre de contrevenants verbalisés pour obstruction illégale de drains et empiétement illégal sur la voie publique ? Parce que c’est par là qu’il faut commencer. Dans la capitale et ailleurs, chacun fait son trottoir devant son magasin comme il le veut, alors qu’il s’agit du domaine public et que toute altération est interdite et sujette à l’aval de la mairie. Cela fait que, dans certaines artères comme à la rue Rémy Ollier, marcher équivaut souvent à escalader des monticules. Et tout cela se fait au nez et à la barbe des autorités.
À Vacoas-Phœnix, le snack à côté des toilettes vis-à -vis du Centre Culturel Indira Gandhi est de retour, tandis que, du côté du Gymkhana, on a taillé dans le beau gazon pour construire un terrain décoratif — puisqu’il n’est toujours pas opérationnel — aux teintes rédhibitoires, et on a installé des équipements sportifs en pleine nature qui commencent déjà à prendre de la rouille, tandis qu’à Curepipe, les marcheurs ont pu, mardi dernier, constater qu’à cinquante mètres de la mairie, la passerelle avec escalier qui sépare la rue Chasteauneuf des Arcades Salaffa avait été transformée par un 4×4 d’un côté et par un réservoir d’eau posé carrément sur le passage piétonnier. C’est ça l’administration régionale aujourd’hui. Et on s’étonne que ça déborde de partout à la première averse !