— Cette fois-ci, qu’est-ce que tu vas me dire ?
— Qu’est-ce que je vais te dire à propos de quoi ?
— De l’affaire piti mon père.
— Quelle affaire ?
— Ne fais pas ton hypocrite avec moi, s’il te plaît.
— Hé toi-là : tu entends comment tu es en train de me parler, là !
— Ça que je n’aime pas avec toi, ça : Tu es en train de faire comme si tu ne savais pas.
— Ecoute, arrête de parler en parabole, et viens avec moi carré, carré.
— Tu vas me faire croire que tu es dans tous ces comités-là et tu ne savais pas.
— Mais savoir quoi, foutour va !
— Donc, tu ne savais pas. Tu veux me faire avaler ça ? !
— Guette ça bonne femme, arrête de faire ton mickey avec moi là, hein ! De quelle affaire tu es en train de me parler ?
— Mais enfin toi, tout le monde en parle, c’est sur les réseaux, c’est dans les journaux.
— Mais tout le monde ne passe pas sa vie sur les réseaux sociaux et à lire la presse. Il y a des gens qui ont d’autres occupations dans la vie, tu sais ?
— Moi, je fais comme tout le monde : je m’informe c’est tout !
— Il y a un autre nom pour ça : veiller les affaires des gens ! Qu’est-ce que c’est que cette affaire qui t’excite comme une puce ?
— L’affaire piti mon père, toi ! Je ne peux pas croire que tu ne sois pas au courant.
— Tu sais entre mon travail, mon ménage et mes enfants qu’est-ce que c’est que cette affaire ?
— Puisque tu dis que tu n’es pas au courant
— Aiooooo, arrête de faire ta cuscutte et raconte donc !
— En 1960, un petit garçon est né de père inconnu dans un faubourg de Port-Louis
— C’est ça même ton scoop ? Tu sais combien d’enfants sont dans la même cas
— Laisse-moi finir avant de faire tes commentaires, s’il te plaît. Donc, ce garçon est élevé par sa mère, qui, quand il a quatre, cinq ans quitte le pays et le laisse avec sa tante
— Ça aussi c’est pas nouveau d’ailleurs si tu regardes bien dans notre famille…
— Tu peux me laisser parler ? A l’école on surnommait le garçon « piti mon père » et il ne comprenait pas pourquoi. C’est quand il a fait sa première communion que sa tante lui a dit.
— Qu’est-ce qu’elle lui a dit comme ça ?
— Elle lui a dit qu’en fait, il était le fils d’un prêtre, que tout le monde savait que c’était à cause de ça même qu’on le surnommait « piti mon père ».
— Tu es sûre que la tante ne racontait pas une histoire à son neveu ? Tu sais, dans ces affaires, on accuse souvent un quelqu’un pour couvrir un autre. Par exemple, un membre proche de la famille.
— Non, la tante disait la vérité.
— Mais alors c’est le mon père qui avait, si je crois ce que tu es en train de dire, doublement fauté. D’abord, il cède à la tentation de la chair et ensuite il abandonne la femme et le fruit du péché.
— Tu te trompes de A à Z. Le prêtre n’a pas abandonné l’enfant. Il voulait demander pardon pour son péché et reconnaître son enfant, lui.
— Pourquoi il ne l’a pas fait alors ? Ça aurait fait un scandale, surtout à l’époque, mais au moins il a assumé ses responsabilités.
— Je viens de te dire que lui il voulait…
— Qui n’a pas voulu alors ? Ne me dis pas que c’est la famille de la fille !
— Non, toi. Ce sont ses chefs qui n’ont pas voulu.
— Tu as trop lu le roman « Les oiseaux se cachent pour mourir », toi !
— Je te dis que c’est sa hiérarchie qui n’a pas voulu. On a envoyé le prêtre à l’étranger pour lui interdire de reconnaître son enfant et on à donné à la jeune femme une pension de Rs 200 par mois pour rester tranquille et élever l’enfant.
— N’importe quoi ! Des religieux ne font pas ce genre de chose !
— Tu crois ? C’est pas fini. Quand l’adolescent a eu 14 ans, on a coupé la pension.
— Attends un coup toi, maintenant. Ce que tu racontes c’est la version que la tante a racontée au garçon. Qui te prouve que c’est vrai ?
— Il a fait des recherches. Plus tard, sa mère a fini par lui dire qui était son papa. Et puis un jour ils se sont retrouvés tous les trois et le prêtre a demandé pardon à son fils. Et puis l’année dernière le papa est mort, mais avant son fils lui avait pardonné, toi.
— On n’est plus dans le roman là, on est carrément dans un feuilleton brésilien cari brulé !
— Mais tout ça c’est vrai, je te dis.
— Comment tu peux savoir ça, toi. Tu étais sur le lieu de l’action au moment du crime ou tu ne fais que colporter des rumeurs ?
— Si tu arrêtais de me couper tout le temps ! Le garçon est en train de poursuivre l’institution suprême qui aurait obligé son papa à l’abandonner.
— Et puis quoi encore ? Comment il va prouver que l’histoire qu’il raconte est vraie.
— Il a mis la lettre dans son affidavit.
— Quelle lettre ?
— Oui, la lettre qui reconnaît les faits et on lui présente des excuses. Qu’est-ce que tu vas dire maintenant ?
— Là, je vais faire comme St Thomas : il me faut voir pour croire.