Ex-députée et PPS du MSM – Sandra Mayotte : « Les blessures sont cicatrisées, je passe à une autre étape… »

L’ancienne députée du MSM Sandra Mayotte reprend bientôt sa carrière artistique. Comme la durée de son mandat, elle a décidé, dit-elle, d’accorder cinq ans à la scène. Elle fait une parenthèse et non un trait sur la politique. Dans cet entretien, Sandra Mayotte parle de ses blessures émotionnelles et du temps qu’elle a pris pour une introspection après la défaite de son parti aux élections générales de novembre dernier. La politique a été un choix sans regret, confie-t-elle. Ce choix, dit-elle, incompris par la communauté des artistes, lui a valu des critiques, voire des insultes. Pour avancer, elle a fait un autre choix : pardonner. « C’est en pardonnant qu’on guérit », affirme-t-elle. Et commentant l’arrestation du leader du MSM et ancien Premier ministre, Pravind Jugnauth, l’ex-parlementaire et PPS est convaincue que celui-ci « a la capacité d’affronter les moments difficiles. »

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Vous êtes remontée sur la scène récemment. Est-ce un retour vers la chanson ?
Ce premier retour sur scène était un hasard, une surprise même pour moi. Cela s’est passé dans un cadre privé, lors d’un dîner dansant auquel assistaient quelques centaines de personnes. Je suis montée sur scène avec des appréhensions. J’avais peur de la réaction du public, je me demandais si ce dernier serait aussi enthousiaste qu’autrefois. Rentrer dans les rouages de la musique de manière inopinée demande beaucoup de concentration pour éviter les erreurs. À ma grande surprise, j’ai été bien accueillie par l’audience… Je me suis rendu compte à quel point ces moments-là m’avaient manquée pendant ces cinq dernières années. C’étaient des retrouvailles entre la musique, la scène et le public, ce qui me donne maintenant très envie de revenir dans le milieu artistique.

C’est donc définitif, vous avez pris vos distances de la politique ?
Je m’accorde une parenthèse. Je ne dirai pas que j’ai pris mes distances de la politique… Je ne fais pas un trait sur elle. Tout comme je n’avis pas fait un trait sur la chanson quand j’ai intégré le MSM. Je m’accorde tout simplement cinq ans pour passer à autre chose. Quand on a fait de la politique, on continue à suivre ce qui s’y passe. Je suis, par exemple, très attentive aux travaux parlementaires.

Cinq ans ? Comme un mandat ?
(Rires) C’est symbolique ! Je me donne du temps, en fait. J’ai vécu cinq années intenses en faisant quelque chose d’unique et d’inédit dans ma vie. Il me faut envisager l’avenir. Je suis positive et croyante, donc, je suis certaine qu’il y a de belles choses qui se préparent à l’horizon. Je suis en face de quelques propositions artistiques très intéressantes. Est-ce que je devrais faire l’impasse sur elles ? Je ne crois pas. Pendant les cinq ans passés au Parlement, comme députée et PPS, j’ai consacré tout mon temps à la politique, quitte à consacrer très peu de temps, voire pas du tout dans certains cas, à ma famille. J’ai été opérée du cœur, et en cinq ans, j’ai fait seulement deux visites médicales. Faire une croix, même temporaire, sur ma carrière de chanteuse a été un sacrifice que j’ai fait en toute connaissance de cause. Mon métier m’avait énormément manqué. J’ai la fibre artistique. Aujourd’hui, j’ai l’occasion de renouer avec la scène, et je ne veux pas passer à côté des opportunités qui m’attendent.

Que pensez-vous de l’enquête pour blanchiment d’argent présumé dont le leader du MSM et l’ancien Premier ministre fait l’objet ?
Si les autorités pensent qu’il y a matière à faire une enquête dans l’affaire que vous mentionnez, les instances doivent procéder selon les cadres légaux. Notre pays a toujours été une démocratie et je fais confiance à sa justice. Pour beaucoup, les insultes et le dénigrement font partie de la politique, une notion à laquelle je n’adhère pas. Je ne vais pas faire de commentaires dans cette optique. Néanmoins, j’ai compris que la vengeance fait aussi partie de la politique. L’actuel Premier ministre (Navin Ramgoolam) dit être passé par là. Aujourd’hui c’est au tour du Premier ministre sortant (Pravind Jugnauth) de connaître ces épreuves. Nous avions compris qu’après les élections, il fallait s’attendre à tout ce que nous voyons en ce moment. Le leader du MSM a la capacité d’affronter les moments difficiles. D’ailleurs, quelque temps auparavant, il nous avait rassurés, car il savait que tout cela allait arriver. Laissons l’enquête de la Financial Crimes Commission suivre son cours. Attendons le dénouement.

Comment aviez-vous personnellement vécu votre défaite ?
J’ai éprouvé un mélange de sentiments. Comme tous les candidats de l’Alliance Lepep, j’ai été choquée, consternée, triste, abattue… d’autant que quelques jours avant les élections, nous pensions que nous allions vers une grande victoire. Le peuple a choisi, c’est lui qui décide, on ne peut que respecter ce choix. Ce qui est arrivé est aussi la volonté de Dieu. Ce qui m’a le plus attristée pendant cette période électorale, c’était le fait de ne pas avoir été candidate dans la circonscription N°14, à laquelle je suis encore très attachée, et où j’ai tissé des liens avec les habitants. Déjà, au départ, je n’avais même pas eu de ticket. C’était un moment relativement dur pour moi. Mais c’est la politique, et nous étions dans une configuration stratégique. Finalement, j’ai atterri dans la circonscription N°17 (Ndlr : Curepipe/Midlands), j’en garde néanmoins de bons souvenirs.

Il y a eu une coupure de cinq ans avec la scène. Comment vous préparez-vous pour faire votre retour ?
Mon retour se fera naturellement. J’avais déjà commencé à faire un travail sur moi-même après les élections générales. Je me suis recentrée et j’ai pansé mes blessures. J’ai fait le vide au sens figuré et propre pour me préparer à rebondir. Cet exercice de remise en question comporte plusieurs étapes, je le fais depuis trois mois, car il est important que je me réconcilie avec moi-même et que j’arrive à pardonner.

De quelles blessures parlez-vous et qui devez-vous pardonner ?
C’est toujours avec humilité que je reviens sur mon parcours. Mais j’en suis fière ! Mon parcours politique n’a pas toujours été facile. Il y a eu des hauts et des bas. J’ai toujours été sincère et intègre. Personne n’est parfait, et j’ai sans doute fait des erreurs. Pour reprendre une vie normale après ces cinq dernières années, il faut faire le point. Les blessures, il y en a eu beaucoup. Il n’y avait pas que moi qu’on blessait. Mais mon entourage, ma mère, mon époux, mes enfants… Il y a eu des paroles blessantes, surtout dites sur les réseaux sociaux. Quand celles-ci viennent de personnes que vous ne connaissez pas, ce n’est pas un problème. Mais quand ce sont des personnes que vous avez côtoyées, qui se sont dit proches de vous et qui se permettent de vous insulter, ce sont des choses qui font mal pendant longtemps. C’est en pardonnant qu’on guérit de ce genre de blessures. Je me suis sentie bien quand j’ai pardonné à ceux qui m’ont profondément fait du mal. Une fois cette étape passée, je me suis retirée des réseaux sociaux, de tout environnement toxique. Mes vrais amis me connaissent et savent où me trouver. Ceux qui ont mélangé l’amitié et la politique sont partis, d’autres sont revenus quand ils ont eu besoin de moi. Maintenant que les blessures se sont cicatrisées, je passe à une autre étape…

Comment est-ce que la vie de chanteuse vous a manqué pendant ces cinq dernières années ?
Chanter est mon métier. Il est vrai que ma vie artistique m’a manqué et qu’on reste toujours un artiste dans l’âme, mais j’avais fait un choix que j’assume pleinement. Lorsque Pravind Jugnauth m’a proposé de poser ma candidature dans la circonscription N°14 (ndlr : Savanne/Rivière-Noire), c’est sans aucune condition que j’ai accepté. Pour moi, c’était un honneur et une grande fierté de servir mon pays. Je lui suis reconnaissante pour cette opportunité. C’est un choix que j’ai fait sans regret. Se lancer en politique, c’est faire des concessions et des sacrifices. J’ai sacrifié ma carrière d’artiste. Désormais, j’ai plus de temps à consacrer à d’autres choses que j’aime. Quand j’ai décidé de me lancer en politique, une campagne de dénigrement à mon encontre a immédiatement eu lieu, mais aussi à l’encontre des néophytes de l’époque. On aurait dit que je dérangeais. Je suis peut-être gênante ! Il y a eu beaucoup d’incompréhension dans la communauté des artistes. Ils ont mal interprété ma décision. Il en a été de même lorsque, animatrice à la radio, j’ai fait mes débuts dans la chanson. On disait qu’il y aurait conflit d’intérêts. Idem quand j’ai été sélectionnée — car je suis passée par une sélection — pour présenter Qui veut gagner des millions ? J’ai souvent entendu des remarques du style : « Tou letan limem. » Je suis profondément croyante. Tout ce qui m’est arrivé n’est pas mon plan, mais celui de Dieu. Les artistes ont pensé qu’une fois au gouvernement « Sandra Mayotte pou fer kiksoz pou artis. » J’ai été élue par un électorat que je devais impérativement représenter au Parlement. Je n’étais pas à l’Assemblée pour représenter des artistes. J’ai néanmoins beaucoup aidé ces derniers, y compris dans l’ombre. Beaucoup se reconnaîtront. Je n’ai pas besoin de reconnaissance, si j’aurais pu, j’aurais fait davantage. C’est pour cela que certains se sont permis de dire des choses méchantes contre moi et me traiter comme un paillasson.

Le mot de la fin…
Je voudrais remercier ceux qui m’ont soutenue dans les moments les plus difficiles et m’adresser aux femmes. Il ne faut pas laisser les blessures et les autres vous définir, que votre détermination soit votre force ! Si une femme veut faire de la politique, on ne devrait plus lui dire : « Politik sa, to bizin aksepte », quand elle subi des critiques gratuites et dénigrantes. Ce n’est pas parce qu’une femme se lance en politique qu’elle doit devenir un marchepied et qu’on pense qu’il est légitime de la critiquer à tout vent. On cultive ce syndrome depuis trop longtemps, ce qui n’encouragera pas les femmes à se lancer en politique. Ou alors, il faut être dure avec soi-même pour encaisser ces critiques. On ne peut pas non plus être sélectif lorsqu’il s’agit d’attaquer une femme politique.

Même certains groupes féministes, porte-parole des causes des femmes, sont très sélectifs lorsqu’il s’agit de s’opposer aux attaques dont une femme politique peut être victime. Et ce sont ces mêmes groupes qui vont lancer des débats pour vous dire ce qu’il faut faire pour avoir plus de femmes en politique. Je n’ai jamais vu de militantes pour les droits des femmes poster un communiqué sur les réseaux sociaux quand je me faisais insulter ! Ce qui me fait dire qu’elles ont toutes un agenda politique caché. Quand on défend une cause, on ne défend pas la couleur politique de la personne.

Sabrina Quirin

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