- La commission d’enquête mort-née sur l’Investment Banking Licence de Sobrino confiée à sir Hamid Moollan, QC
- Dans la lettre de la présidente de la République, Ameenah Gurib-Fakim, à la Speaker de l’Assemblée nationale, Maya Hanoomanjee, sa démission prendra effet le vendredi 23 mars à midi
- Depuis hier matin, avec un potentiel risque d’accusation de violation de la section 64 (1) de la Constitution, l’entourage légal d’Ameenah GuribFakim avait engagé le «de-escalation mode» à la State House
- L’Hôtel du GM déjà armé du dossier pour soutenir l’Impeachment Motion du Premier ministre, Pravind Jugnauth, même si aucune date n’avait été retenue pour le rappel de l’Assemblée nationale
Le dénouement de la nouvelle publiée dans les colonnes de Week-End en date du 26 février 2017 au sujet de l’Investment Banking Licence allouée par la Financial Services Commission (FSC) au groupe Alvaro Sobrinho est intervenu, hier matin, brisant le gridlock constitutionnel en gestation. Avec le constat d’un potentiel faux pas politique grave découlant de la violation de la section 64 (1) de la Constitution sous la forme de l’institution unilatérale d’une commission d’enquête sur les procédures de cette Investment Banking Licence, l’entourage légal de la présidente de la République, Ameenah Gurib-Fakim, avait engagé le de-escalation mode, expression utilisée par les principaux concernés, avec une démission de la State House avant la fin de la journée. Après avoir passé en revue la situation de nouveau à la mi-journée avec ses proches collaborateurs, Ameenah Gurib-Fakim jetait les gants avec sa lettre de démission à la Speaker de l’Assemblée nationale, Maya Hanoomanjee, annoncée pour l’après-midi. Le départ de la Présidente, la sixième de la série républicaine depuis 1992, sera effectif le vendredi 23 mars à midi. C’est ce qu’indiquaient en cours d’après-midi des sources bien renseignées en attendant l’annonce formelle de la State House, du Prime Minister’s Office ou du Speaker’s Office.
Du côté de l’hôtel du gouvernement, l’on s’interroge sur cette démission en différé. « Elle aurait dû démissionner sur le tas compte tenu de la violation des dispositions de la Constitution, dont elle était censée uphold en toutes circonstances. Pourquoi a-t-elle choisi de partir le vendredi 23 ? Le gouvernement a tout intérêt à être sur ses gardes jusqu’à la date effective », ont fait comprendre à Week-End des sources autorisées à l’Hôtel du gouvernement, hier après-midi, en guise de première réaction. Cette décision d’Ameenah Gurib-Fakim d’évacuer le Château de son propre gré constitue un soulagement politique pour le chef du gouvernement, Pravind Jugnauth, la pression s’étant accentuée en fin de semaine pour enclencher les procédures d’impeachment sous la section 30 de la Constitution contre « the incumbent president of the republic ».
« Au gouvernement, nous avions déjà mis au point la stratégie au cas où la présidente de la République aurait persisté dans la voie de la résistance. Le libellé de l’impeachment motion avait été formulé avec la mise sur pied de la commission d’enquête Moollan mort-née en flagrante violation de la clause 64 (1) de la Constitution s’ajoutant en tant qu’arme fatale politiquement dans les arguments prévus initialement », poursuivent ces sources, même si aucun détail n’avait encore transpiré quant au calendrier de l’Assemblée nationale pour débattre de la question.
Aux yeux des observateurs politiques, Ameenah Gurib-Fakim a commis un faux pas constitutionnel impardonnable avec l’annonce de la commission d’enquête, dont la présidence avait été confiée à sir Hamid Moollan, QC, sur principalement les procédures d’allocation de l’Investment Banking Licence au groupe Sobrinho le 25 novembre 2016. Dès la confirmation de cette décision proprio motu de la State House, il était plus qu’évident que la présidente de la République s’était engagée dans un cul-de-sac constitutionnel sans issue aucune. Indépendamment des interprétations savantes des dispositions de la Commission of Inquiry Act et de la section 64 (1) de la Constitution, des questions d’ordre pratique étaient restées sans réponses, soit
l pour que cette annonce de la présidente de la République soit traduite dans la réalité et que la commission d’enquête Moollan puisse démarrer, la première étape reste la publication des attributions dans La Gazette du Gouvernement, qui allait donner le feu vert pour cette publication
- sous quelle autorité les dépenses encourues pour le déroulement de la commission d’enquête allaient être déboursées ou encore
- que la présidente de la République s’est placée volontairement en position de conflit of interest car, pour compléter l’assignment, la commission Mollan se devait de consigner la version des faits d’Ameenah Gurib-Fakim et
- l’oubli de la question fondamentale d’immunité contre toute enquête conférée à tout locataire de la State House.
Le succinct communiqué du Prime Minister’s Office de vendredi soir est venu remettre les pendules constitutionnelles à l’heure pour celle qui voulait utiliser la carte Alvaro Sobrinho pour se dépêtrer des ennuis avec la Platinum Card du même clan. « Cet acte de la Présidente constitue une violation grave de l’article 64 de la Constitution de la République de Maurice. Cet acte est juridiquement nul et non avenu. Toute suite donnée par quiconque à cet acte illégal de la Présidente sera également nulle et non avenue », soutient le Prime Minister’s Office.
Bombe constitutionnelle à retardement
La réaction du gouvernement équivaut à une fin de non-revecoir à l’enclenchement des procédures initiales de la commission d’enquête. « Sans la publication des terms of reference dans La Gazette du Gouvernement, même si sir Hamid Moollan était prêt à présider la commission pro bono, la démarche présidentielle était déjà caduque », fait-on comprendre. Tenant en ligne de compte ces détails et face aux accusations de quasi-trahison de la mission de garant de la Constitution, des membres de l’inner circle d’Ameenah Gurib-Fakim, dont ses conseils légaux, réunis à la State House hier matin, changeaient leur fusil d’épaule pour privilégier une stratégie en vue de désamorcer « cette bombe constitutionnelle à retardement. »
Des recoupements d’informations effectués par Week-End indiquent que l’unanimité s’est dégagée pour une stratégie de désescalade. « La seule façon de tout désamorcer est que la Présidente s’en aille. Avec la publication des attributions de la commission d’enquête, she had made her point in public », se contentait-on de confier en privé à la mi-journée d’hier. Presque à ce même moment, le dernier carré des résistants à la State House, avec un homme de loi en tête, avait tenté un ultime baroud d’honneur pour faire revenir Ameenah Gurib-Fakim sur sa décision de départ et de la nécessité de se battre pour laver son honneur devant un tribunal constitutionnel. Mais les dés étaient, semble-t-il, jetés à la State House, sachant pertinemment que le faux pas de la commission d’enquête en violation des dispositions de la Constitution était irrémissible devant les instances compétentes.
Quelques instants après, alors que les membres du cercle intime se dispersaient, Week-End apprenait que la présidente de la République allait démissionner, sans aucun autre détail précis. Puis, dans l’après-midi, les premiers éléments, avec la démission effective le vendredi 23 mars à midi, étaient confirmés. Des sources qui ont suivi les différentes étapes depuis la sortie du communiqué de 11h30 du 14 mars, à l’effet que « n’ayant rien à se reprocher et pouvant apporter des preuves corroborantes, son Excellence Ameenah Gurib-Fakim rejette toute perspective de démission », mettent l’accent sur le fait qu’à tout moment des consultations en fin de semaine et surtout depuis vendredi matin, quand le nom de sir Hamid Moollan, QC, avait été proposé par un de ses pairs du barreau, Ameenah Gurib-Fakim était consciente des « diverging views on the issue of the commission of inquiry et aussi des interprétations contradictoires de la loi. »
« Her Excellence the President of the Republic has her own mind. She was fully aware of all the legal issues. She made her decision », font comprendre ceux qui l’ont côtoyée dans ces moments d’intenses pressions. La question qui reste en suspens est: que se passera-il d’ici à vendredi. D’aucuns affirment qu’Ameenah Gurib-Fakim pourrait s’en remettre au Central CID pour une enquête, alors que les faucons politiques proposent un affidavit en bonne et due forme, étalant des détails, dont elle avait été privy dans l’affaire Sobrinho.
Réactions
Le PM : « Dan mo plan, mo ti pou devwal tou bann repros »
À hier après-midi, alors qu’il procédait à l’inauguration du Village Hall de Bois-Chéri, le Premier ministre, Pravind Jugnauth, n’avait pas encore été officiellement avisé de la démission de la présidente de la République, Ameenah Gurib-Fakim. « Okenn komanter tan ki mo pa kone. Mo’nn gagn enn afron enn fwa. Mo pa le gagn enn dezyem afron. Si pou demisyone, ki bizin pass par avoka ? Tir enn kominike. Mo ti’nn fini pare pou fer saki ena pou fer. Dayer, dan mo plan, mo ti pou devwal tou bann repros ki nou ena pou fer prezidant. Nou atann. Nou ava gete », devait faire comprendre le Premier minisre à la presse. « Prezidant ti sipozeman nom enn komisyon danket. Li pa gagn drwa. Li’nn viol la Konstitisyon », a-t-il ajouté. De son côté, la Speaker de l’Assemblée nationale, Maya Hanoomanjee, participait durant la journée à une cérémonie religieuse dans le Nord de l’île et n’était pas en mesure de confirmer réception de la lettre de démission. C’est à son retour à son domicile à 19h15 que Maya Hanoomanjee a réceptionné la lettre de démission d’Ameenah Gurib Fakim l’informant de son départ le vendredri 23 mars à midi, le temps pour elle de faire ses cartons. Techniquement, le Speaker’s Office doit informer individuellement tous les membres de l’Assemblée nationale de la démission de la présidente de la république dès ce dimanche matin.
Me Yousouf Mohamed, SC : « Elle est soulagée »
« Ameenah Gurib-Fakim est soulagée et elle a pris cette décision dans l’intérêt du pays et pour sa famille. Elle ne veut pas que le pays ainsi que l’économie souffrent de cette crise au sommet. » C’est en ces termes que Me Yousouf Mohamed, le Senior Counsel d’Ameenah Gurib-Fakim, a commenté la décision de cette dernière de finalement quitter son fauteuil présidentiel à la State House. « Nous, c’est-à-dire le panel d’avocats, l’avons rencontrée en deux temps, soit le matin et en début d’après-midi. Nous lui avons prodigué nos conseils légaux face à cette crise au sommet de l’État qui prenait de l’ampleur et, finalement, avec sagesse, elle a pris la décision de se retirer de la Présidence du pays le 23 mars à midi », a déclaré Me Mohamed. Pourquoi attendre jusqu’à vendredi prochain pour partir ? L’homme de loi laisse entendre que « la Présidente devra récupérer ses affaires et mettre de l’ordre dans ses documents avant de quitter le Château de Réduit. She is a human being. »
XLD : « Fodé pas rekin sap dan filé »
Le leader de l’opposition, Xavier Luc Duval, est d’avis qu’Ameenah Gurib-Fakim a « subi des pressions » pour, au final, quitter son poste de présidente de la République de cette manière. Selon lui, « il ne faut pas que son départ permette aux rekins sap dan filé », a-t-il déclaré hier après-midi. « Madame Fakim emboîte le pas à Jacob Zuma et Robert Mugabe, qui sont partis pour ne faire face à une motion de destitution. C’est un jour très triste pour Maurice. C’est clair qu’elle a cédé aux menaces de l’Hotel du gouvernement », a laissé entendre le leader du PMSD. Il a avancé que selon ses informations, « on lui a retiré son staff du Réduit ». « Madame Fakim doit se racheter devant la population sur ce qu’elle sait des connexions de Sobrinho et de je l’invite à jurer un affidavit en Cour à ce sujet », a affirmé le leader de l’opposition.
La relation Fakim-Planet Earth tolérée par le PMO
L’association avec Planet Earth Institute lui a été fatale. Mais il est clair que les relations entre Ameenah Gurib-Fakim et son confident, Alvaro Sobrinho, ont quand même eu, dès le commencement, soit en 2016, la bénédiction de l’Hôtel du gouvernement. Le projet de Planet Earth Institute Scholarship avait été lancé le 6 mai de cette année à la State House avec l’annonce que 10 bourses d’études seront octroyées aux Mauriciens voulant faire des études menant à au PhD. Ces bourses allaient être financées par celui qui avait été présenté comme un « philanthrope et businessman », Alvaro Sobrinho.
Cette initiative allait bénéficier du soutien de la Government House. À cet effet, un protocole d’accord allait être signé le 26 août 2016. Les signataires étaient le président du conseil d’administration de Planet Earth Institute, le Dr Alvaro Sobrinho, et le directeur général et propriétaire du groupe SAMHAN, Saleem Hanif.
Depuis, le Prime Minisiter’s Office, sous l’ère de sir Anerood Jugnauth, avait été mis au courant et avait approuvé les multiples voyages à l’étranger effectués par Ameenah Gurib-Fakim. Comme ceux entre le 10 et le 16 octobre 2016 avec un calendrier chargé de Dubaï à Des Moines Iowa, dont le voyage aux États-Unis payé par Planet Earth Institute/Bill and Melinda Gates Foundation. Le Prime Minister’s Office avait été mis au courant que la Présidente se faisait sponsoriser pour ces déplacements. Un autre voyage est intervenu deux jours après, soit du 18 au 20 octobre, cette fois pour l’Afrique du Sud, précisément au Regional Universities Forum for Capacity Building, où Ameenah Gurib-Fakim s’était adressée à l’assistance.
Les dépenses de la présidente de la République par voie de carte de crédit de Planet Earth Institute ont été effectuées entre la période de septembre à décembre 2016. Dans son entourage, du moins dans le camp assurant sa défense, on s’accorde à dire que le PMO de SAJ était au courant que la Présidente voyageait aux frais de Planet Earth Institute. Jusqu’à ce qu’intervienne le deal Papa-Piti, qu’Ameenah Gurib-Fakim a cautionné en janvier 2017, avec en toile de fond la polémique qui avait ébranlé le gouvernement et la Financial Services Commission en ce qui concerne les permis d’Investment Banking qu’Alvaro Sobrinho recherchait.
“Hidden agenda”
Par ailleurs, des détails d’un e-mail qui circule depuis ces derniers jours épinglent le dénommé Dass Appadu, secrétaire à la State House, qui avait également servi sous le précédent président Kailash Purryag. Les auteurs de cette missive, pour ne pas dire de ce missile, rappellent que ce haut fonctionnaire avait bénéficié d’une Jaguar F-Type, immatriculée D 1955, soit la première lettre de son prénom et son année de naissance, d’Alvaro Sobrinho, que sa fille avait été employée par le groupe Sobrinho et que lui-même, avec des salaires de Rs 300 000 par mois, avait fait un passage au sein de Vango Properties Ltd, l’une des entités du groupe s’occupant des placements dans l’immobilier, démarche facilitée par le feu vert du Board of Investment pour des investissements de Rs 1milliard au sein de Royal Park à Balaclava.
Au sujet de Planet Earth Institute, ceux qui veulent assurer la défense d’Ameenah Gurib-Fakim soutiennent que « the Secretary to the President should have advised the President that instead of becoming the vice-president of Planet Earth Institute, she could have opted as a patron instead to avoid constitutional conflict. Given that Ameenah Gurib-Fakim has no political or public service background, she was not aware of all this as well as accepting a corporate card. » Ils ne ratent pas l’occasion d’accuser le dénommé Dass Appadu d’avoir un « hidden agenda behind all this. »
Comme pour encore dédouaner Ameenah Gurib-Fakim dans l’imbroglio Sobrinho, cet e-mail ajoute que « Dass Appadou signed all the VIP access for M. Sobrinho and company, unbeknownst to the president. She was also herself shocked to learn the number of times VIP access was granted as she was not aware of this. »
Le second volet de ces dénonciations concerne la vie privée du dénommé Dass Appadu ou encore ses déplacements officiels et ses allocations de voyage.