De trois heures par semaine à trois heures par mois pour les plus mal lotis, 2,000 à 2,400 Rodriguais sont, depuis peu, passés à une alimentation quotidienne grâce à un projet d’envergure: le dessalement de l’eau de mer par énergie solaire. À l’initiative de la société française Mascara Mauritius – filiale de la société française MASCARA Renewable Water et grâce à un financement de 50% à hauteur de 220,000 euros par le programme ENERGIES – ce projet, mis en œuvre par la Commission de l’océan Indien (COI), financé par l’Union européenne et co-financé par l’Assemblée régionale de Rodrigues et le Fonds français pour l’environnement mondial (FFEM), place désormais l’île comme une référence en la matière dans l’océan Indien et en Afrique. L’unité de dessalement a été inaugurée mardi dernier, en présence du Chef commissaire de Rodrigues Serge Clair et de l’Ambassadeur de France à Maurice, Emmanuel Cohet.
Le dessalement solaire photovoltaïque, par osmose inverse, sans aucune émission de CO2. C’est ce que connaît Rodrigues, désormais capable d’alimenter quelque 2,400 personnes en eau potable quotidiennement. L’île, qui rencontre depuis toujours des situations extrêmes pour l’approvisionnement de sa population en eau, vient d’ouvrir une unité de désalinisation de l’eau de mer qui fonctionne entièrement à l’énergie solaire et de manière autonome. Une première non seulement à Rodrigues, mais aussi dans l’océan Indien et l’Afrique. L’installation du dispositif à Caverne Bouteille a pris un an avant d’aboutir et se greffe sur les dispositifs de dessalement déjà existants sur le site.
L’eau de mer est puisée d’un forage existant et est filtrée à travers des membranes d’osmose, qui poussent l’eau de la mer d’un côté et repoussent l’eau salée de l’autre produisant ainsi une eau parfaitement pure. Pour filtrer l’eau par osmose inverse, il faut exercer une pression forte et surtout continue sur les membranes. Cela nécessite un recours à d’importantes ressources énergétiques. D’où la particularité de cette unité de dessalement alimentée par un générateur photovoltaïque de 60 kWc installé par Quadran, la même firme qui opère les éoliennes à Rodrigues comme à Maurice. Le champ solaire de 400 m2 de panneaux solaires produisant 60 kWc nécessaires pour alimenter l’ensemble du processus d’osmose inverse, de distillation membranaire. Ainsi, lorsque le soleil brille sur les panneaux photovoltaïques, la machine de dessalement, baptisée Osmosun, se met automatiquement en marche. Lorsqu’un nuage apparaît, le rythme de la machine ralentit, celle-ci ne disposant pas de batterie.
Une modulation permet, en effet, à l’appareil d’avoir une consommation très faible en énergie, de l’ordre de 2,5 Kwh/m3 d’eau. “L’unité de dessalement est ainsi en mesure de piloter elle-même la pression et le débit des pompes, en fonction de l’électricité solaire produite”, explique l’ingénieur et concepteur Marc Vergnet. Par leur conception et leur télésuivi-maintenance, les unités de MASCARA, entièrement automatiques, permettent de garantir 20 ans de production avec de très faibles coûts récurrents. Autre atout de ce procédé innovant: son faible rejet en sel. “Le dessalement par énergie solaire est très respectueux de l’environnement, par l’absence d’émission de CO2 et la faible salinité des rejets en mer (45 à 50 g de sel par litre contre 60 à 80 g pour les processus conventionnels à fort taux de conversion”, dit fièrement Marc Vergnet.
Lors de l’inauguration de cette unité, le Chef commissaire de Rodrigues a souligné le caractère historique de l’événement: “Ce lancement marquera l’histoire de Rodrigues qui pourra devenir un exemple dans la République de Maurice, pour la région et, pourquoi pas, le monde. C’est le devoir des Rodriguais maintenant de coopérer avec d’autres pays et de montrer ce que l’on sait faire. Il faut partager ce projet avec d’autres peuples et d’autres pays.” Il a également exprimé le vœu de voir les autres unités de dessalement de l’île dotées de composantes solaires. Véronique Espitalier-Noël, la Chargée de mission de la COI, est d’avis que le choix de Rodrigues pour l’implantation de cette unité était une évidence. “Cette unité de dessalement répond à un besoin réel, à une urgence même, pour l’accès à l’eau. Et pour ce faire, elle mobilise l’innovation technologique avec le souci de s’inscrire dans le mouvement vertueux qui fait de Rodrigues un exemple d’île durable”, a-t-elle souligné.
Après ce premier pas, Rodrigues souhaite augmenter sa production d’eau dessalée en mettant au service de la technologie solaire, les trois autres unités de dessalement que possède l’île, l’objectif étant d’atteindre quelque 240 m3 d’eau par jour pour alimenter la population. Un projet “facilement réalisable”, estime Mascara Mauritius qui entreprend de former les Rodriguais à la maintenance des équipements de l’unité de dessalement à osmose inverse.
Au-delà de cette production d’eau potable, avec l’expertise de MASCARA Renewable Water, Mascara Mauritius caresse un autre projet d’envergure qui sera d’assurer, parallèlement à la production d’eau potable, une production électrique pour Rodrigues grâce au recours à l’énergie solaire. “C’est sur quoi nous travaillons avec les autorités en vue d’une production auto régulente d’électricité et d’eau”, confie Cyril Oudin, CEO de Mascara Mauritius. L’idée est d’installer des unités de dessalement aux quatre coins de l’île et que le surplus d’énergie solaire produite soit canalisé sur le réseau du CEB. Ce qui fera des économies de coûts pour les autorités qui accusent un gros déficit en fourniture électrique. “Nous pouvons réguler le réseau et offrir aux Rodriguais une autre qualité de vie. Ce sera notre projet pour l’avenir. Pour Maurice et pour Rodrigues”, dit Marc Vergnet.
EnVolt: opérationnelle fin juillet à Phœnix
Permettre aux gros consommateurs d’électricité d’alléger leurs charges mensuelles et surtout de réduire leur impact sur l’environnement, tel est l’objectif du groupe ENL qui se lance dans la production d’énergie verte. EnVolt, la filiale qui a vu le jour pour piloter l’incursion du groupe dans ce domaine, vient de compléter l’installation d’une première ferme photovoltaïque à Phœnix Mall. La centrale devrait produire ses premiers kilowatts d’électricité dès fin juillet.
Les quelque 2000 panneaux photovoltaïques installés sur le toit du centre commercial de Phœnix, avec une capacité de production de 730 kWh, devraient permettre au mall de réduire son empreinte carbone de quelque 440 tonnes par an, indique dans un communiqué le groupe ENL. Les travaux techniques de ce premier projet ayant nécessité un investissement d’environ Rs 55 M ont été confiés à la firme Sotratech. EnVolt démarre ses opérations en offrant ses services aux filiales d’ENL. 14 autres installations du même type sont programmées sur les bâtiments appartenant au groupe ENL au cours des prochains mois. Elles mobiliseront un investissement global de quelque Rs 220 M.
“Notre engagement est de produire et fournir de l’électricité verte au client durant les heures d’ensoleillement. La nuit, le CEB prend le relais. Ce partenariat avec le fournisseur national est incontournable dans la mesure où nous ne nous équipons pas de batteries pour stocker le courant que nous produisons. Du reste, nous ne pouvons distribuer et/ou vendre notre électricité sans le CEB, qui en détient le monopole”, explique Thierry Rey, directeur d’EnVolt. Faisant ressortir qu’ENL est soucieux de respecter l’équilibre entre le développement et la préservation de l’environnement, il explique que “le choix du solaire, c’est fait en toute logique parce qu’il est accessible à un coût raisonnable, esthétique et ne produit pas de pollution sonore comme les éoliennes. Notre engagement à limiter notre empreinte écologique nous amène aussi à chercher des moyens d’améliorer notre efficience énergétique.”
Marc Vergnet, CEO de Mascara : “Le dessalement du futur sera solaire”
Ingénieur agronome de formation, ancien responsable des énergies renouvelables à l’Agence française pour la maîtrise de l’énergie (AFME), Marc Vergnet, l’homme grâce à qui plus de 70 millions d’Africains ont accès à l’eau aujourd’hui, connaît Rodrigues depuis plus de 25 ans. Une île qu’il affectionne et pour laquelle il a des projets non seulement écologiques, mais aussi économiques. Dans l’entretien ci-dessous, le CEO de MASCARA Renewable Water confie son objectif de faire de l’île une référence pour le monde.
Vous venez d’inaugurer la première station de dessalement à osmose inverse à Rodrigues. En quoi ce procédé est révolutionnaire pour Rodrigues et l’océan Indien?
– Sur Rodrigues, nous avons fait la démonstration qu’il était possible de produire de l’eau douce à partir de l’eau de mer uniquement à partir de l’énergie solaire. Ce procédé est le seul qui existe dans l’océan Indien qui associe énergie solaire et dessalement. La vocation de cette installation et de l’île Rodrigues, qui se veut et sera une île verte, est de servir d’exemple. Rodrigues sera une référence pour le monde. Elle l’est d’ailleurs déjà puisque des représentants du Cap Vert et du Sénégal, deux pays qui ont de vrais problèmes de disponibilité d’eau, ont fait le déplacement cette semaine pour assister au lancement de cette technologie et comprendre ce qu’il en était. Outre d’assurer une meilleure distribution d’eau à Rodrigues, cette technologie première fait de l’île une référence non seulement dans l’océan Indien, mais aussi sur toute l’Afrique.
Des unités de dessalement existaient déjà sur l’île. Quel est le plus de votre système?
– Il y a énormément d’avantages avec le dessalement à osmose inverse, notamment en termes de coûts de production. Notre technique s’appuie sur l’utilisation de l’énergie solaire tout au long du procédé. Il n’y a pas lieu de compter sur l’énergie fossile. Et cette énergie solaire générée peut aussi servir sur le réseau du CEB à Rodrigues. Que ce soit en termes d’électricité ou d’eau, l’énergie renouvelable sera un atout.
l Les pays qui ont appliqué ce procédé et où ça marche, notamment ceux du Golfe, à l’instar de l’Arabie Saoudite, sont réputés pour avoir le financement. Rodrigues et Maurice peuvent-elles s’engager dans une méthode qui a priori coûte deux fois voire plus, que de traiter les eaux de pluie?
– Quand il y a des eaux de pluie ou des eaux usées pas trop contaminées, il vaut mieux commencer par traiter l’eau de pluie et l’eau contaminée. Le problème, c’est premièrement qu’il y en a peu et ça ne suffira pas. Deuxièmement, il n’y en a qu’à quelques moments de l’année. Qu’est-ce qu’on fait quand il n’y en a pas? Le dessalement n’est pas la panacée. La solution est toujours dans le mixte. Il faut utiliser l’eau de pluie, il faut utiliser l’eau stockée, il faut traiter les eaux usées, mais il faut aussi une sécurisation de l’alimentation en eau. Et c’est en cela que nous nous positionnons. Un système intelligent, c’est un système mixte.
Quand vous faites le bilan économique de dessalement solaire, vous vous apercevez que le coût de l’eau est deux fois moins élevé que par les méthodes conventionnelles. Vous n’avez pas cette récurrence d’approvisionnement en combustible. Il est donc plus économique pour Maurice et Rodrigues de faire cela que de faire autre chose. Nous, nous ne ferons pas de dessalement solaire uniquement pour l’environnement. Nous le ferons si c’est plus économique. Et c’est le cas!
Est-ce que ponctionner de l’eau de mer n’est pas nocif à l’environnement, car après tout il faut bien aspirer cette eau? Cela ne perturbe-t-il pas le milieu marin?
– Nous ne faisons qu’imiter ce que la nature fait depuis des milliards d’années. C’est-à-dire que l’eau que nous buvons, c’est une eau que le soleil a prélevé en mer, a évaporé, a transformé en nuages et ces nuages ont donné de la pluie et c’est cette eau-là que nous consommons. Ce que nous faisons, c’est prélever très peu d’eau de mer pour faire de l’eau douce renouvelable à l’image de ce que la nature fait depuis toujours. Devant l’immensité des ressources des mers, représentant 98% de l’eau sur la terre, nous prélevons 0,0001% pour la donner aux hommes, aux animaux et à l’agriculture. Le problème n’existe pas.
Par contre, il faut restituer une eau parfaitement potable et c’est notre objectif, notre obsession. C’est ce que nous faisons à Rodrigues. Mais il faut aussi savoir qu’à Rodrigues, nous ne pompons pas l’eau de la mer. Nous la puisons à travers un forage qui filtre cette eau et nous allons la rendre dans un forage qui va de nouveau la filtrer avant de la redonner à la mer. Il n’y a aucun impact sur l’environnement marin. Aucun choc, aucune perturbation.
Le dessalement est-il la solution viable pour résoudre la crise de l’eau à Rodrigues aussi bien que dans le monde?
– C’est une solution pour Rodrigues parce que l’île vit des périodes de sécheresse graves. Avec le projet d’agrandissement de l’aéroport, il va y avoir des touristes. Mais s’il n’y a pas d’eau, ils ne resteront pas. C’est aussi une solution pour Maurice qui a exploité ou exploite la quasi totalité de ses ressources. Avec le dessalement solaire, les hôtels mauriciens disposent là d’une solution économique à long terme pour satisfaire les exigences de leur clientèle et des politiques. Parallèlement, les consommateurs mauriciens ne sont pas lésés.
Quant à l’humanité, si on ne fait rien, 47%, soit environ 3 à 4 milliards de personnes seront en stress hydrique en 2030. Il est urgent de trouver des solutions. Nous ne pouvons pas imaginer que ça puisse continuer comme ça. Demain, on risque d’arriver à une situation de migrations climatiques. Les gens vont dire: “Sur mon île, je ne peux plus vivre. Donc, je prends un bateau et je pars.” D’abord, dans les villes; ensuite, dans les pays où il y a de l’eau. Il faut vraiment s’en occuper au plus vite. Sans eau, il n’y a pas de vie.
L’énergie solaire serait donc la solution de dessalement?
– L’énergie solaire et l’énergie éolienne sont devenues les énergies les moins chères au monde. 80% des investissements de production d’énergies électriques dans le monde sont des investissements d’énergies renouvelables. Cela signifie que le nucléaire, le charbon et le gaz représentent 20%. Les énergies renouvelables sont les énergies de demain. L’énergie solaire est à la disposition de tous, c’est facile, partout. L’énergie combustible est un long processus. Avec le solaire, il n’y a pas de préoccupation de prix qui est fixe pour 20 ans. Le pétrole, , par exemple, n’était pas cher il y a un mois, mais il y a quelques jours à peine, il est remonté et les frais sont coûteux.
Dans le cas du dessalement, l’énergie solaire est la moins chère. Oui, le dessalement du futur sera solaire. Dans 10-20 ans, tout le monde trouvera normal le dessalement solaire. Et on recréera la vie dans beaucoup de régions. Et Rodrigues sera une référence dans ce domaine.
Ivan Collendavelloo : “Passer de 22% à 35% d’ici 2025”
Un séminaire sur le cadre réglementaire de l’énergie renouvelable et la biodiversité a eu lieu, jeudi et vendredi derniers, à Hennessy Park à Ébène. Cet événement intervient dans le cadre de la convention de partenariat tripartite, signée en mars 2017 à La Réunion, entre le ministère de l’Énergie et des Services Publics, l’Agence française de développement (AFD) et l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME). Présent à cette occasion, le Premier ministre adjoint, Ivan Collendavelloo a souligné que l’objectif pour Maurice est que l’apport des énergies renouvelables, “de 22% à ce stade”, passe à 35% d’ici 2025.
Cette rencontre regroupant environ une cinquantaine de participants publics et privés des îles-sœurs prolonge les travaux du premier séminaire qui s’est tenu à La Réunion en novembre 2017. L’accent a été davantage mis sur les problématiques mauriciennes afin de proposer une feuille de route sur les actions à mettre en œuvre à court, moyen et long termes pour encourager une mobilisation supplémentaire de biomasse et des tarifs de rachats adaptés au contexte local. Le ministre de tutelle, Ivan Collendavelloo, a mis en relief divers projets concrétisés, en devenir, et ceux étant à l’étude.
La production de l’électricité à de l’énergie solaire au détriment du charbon
Le ministre de l’Énergie et des Utilités publiques est revenu sur la PNQ consacrée à la CT Power en 2015 de Paul Bérenger, alors leader de l’opposition, lequel voulait, selon lui, à tout prix qu’on utilise de l’électricité produit avec du charbon partout dans l’île. “J’ai recommandé au Conseil des ministres de ne pas aller de l’avant avec ce projet et qu’on passe à l’énergie solaire. Le résultat est que nous avons 11 fermes solaires prévues pour 2019 et il y a déjà des gens au bas de l’échelle qui profitent du dispositif de panneaux solaires qui atteindra 10 000 bénéficiaires très prochainement.”
La bagasse dans le mix-énergétique
Toujours dans le cadre de la mise en œuvre de sa politique énergétique, Ivan Collendavelloo a fait ressortir qu’une réflexion sur les potentialités énergétiques de la biomasse, notamment quant aux perspectives de développement de la bagasse dans le mix-énergétique, sera au cœur de ce séminaire.
La production de l’électricité à partir des déchets.
Le ministre de l’Énergie et des Utilités publiques a exprimé son intention de finir avec le problème de Mare-Chicose et de déchets municipaux à travers la mise en place du projet Waste-to-Energy (WTE), soit la production de l’électricité à partir de déchets. Quant aux personnes sceptiques au bien-fondé de ce projet, notamment celles évoquant d’entreprendre une étude de faisabilité avant de se lancer, le ministre leur dit ceci: “Nous sommes ouverts aux critiques et aux propositions ainsi qu’à un débat sur le sujet, mais que cela se fasse dans les limites acceptables afin de ne pas entraver ces développements.”
Le gaz naturel : “Une grande avancée pour le pays en cas de réussite”
Évoquant l’éventualité de la mise en place du projet de centrale à gaz à Fort-George, Ivan Collendavelloo est d’avis que “le pays fera une grande avancée technologique si nous arrivons à produire de l’électricité à partir du gaz naturel.” Le ministre souligne, toutefois, que le projet est toujours au stade d’étude.
Projet pilote sur la transformation des vagues en électricité
“Le ministre de l’Économie océanique, Prem Koonjoo pilote actuellement un projet sur la transformation des vagues en électricité”, dit le PM adjoint. Selon le Conseil mondial de l’énergie, environ 10% de la demande annuelle mondiale en électricité pourrait être couverte par la production de cette énergie à fort potentiel de développement.