À J-18 de la présentation du budget 2018-19, celui dont le poids sur l’échiquier politique n’est pas à dédaigner en raison de l’échéance des prochaines élections législatives, Lakwizinn du Prime Minister’s Office se préoccupe du dosage politique, économique et social.
Le projet de Metro Express reliant Port-Louis à Rose-Hill dans un premier temps, avec un financement minimal de Rs18,8 milliards, déjà en route, l’identification de la locomotive budgétaire pour le prochain exercice financier s’avère encore plus laborieuse. Certes, le secteur sucre nécessite un ballon d’oxygène chiffré déjà à Rs 1,3 milliard au bas mot pour juguler les effets catastrophiques de la tonne de sucre à Rs 10 000 pour la récolte sucrière, qui démarrera le 1er juin à Alteo.
Le déficit commercial devrait franchir pour la première fois le cap des Rs 100 milliards. Le Global Business Sector, déjà abasourdi par les retombées de l’Angola Connection du tandem Bastos-Sobrinho, est dans l’attente d’une injection sous forme de Blue Print en tenant compte des contraintes imposées par le cadre légal et fiscal de l’Organisation de la coopération et du développement économiques (OCDE). Avec ces éléments au tableau de l’économie à la veille du budget, l’un des rares secteurs susceptibles d’apporter une glossy touch au discours du Premier ministre et ministre des Finances, Pravind Jugnauth, n’est autre que le tourisme. Toutefois, à ce titre, les challenges qui se présentent méritent que les partenaires socio-économiques s’y attardent. Le strategic plan 2018-21 pour l’industrie du tourisme, intitulé Adapting to the Changing Global Environment, qui a constitué la base des échanges entre le ministre du Tourisme, Anil Gayan, et le Grand Argentier, établit une feuille de route avec pour ambition de passer à 1,5 million de touristes générant Rs 65 milliards en 2020 et subséquemment à deux millions de visiteurs étrangers avec la barre des Rs 100 milliards en vue d’ici à 2030. Mais pour réaliser ces objectifs, une strategic plan matrix détaillant pas mois de 75 projets ou programmes à court et moyen termes est proposée. Les Top Chefs du Prime Minister’s Office doivent nécessairement puiser des ingrédients de ce plan stratégique pour le grand oral du 14 juin.
À l’Hôtel du gouvernement et parmi ceux faisant partie de l’équipe de techniciens ayant travaillé sur le plan stratégique, l’on demeure plus que convaincus que « the tourism sector is and will remain a key plank in the transformation of Mauritius into a high nation income ; Sustained growth in tourist arrivals and tourism earnings will be achieved without eroding the carrying capacity of the destination and jeopardising the environment. » Actuellement, le tourisme représente une contribution de 8% au Produit intérieur brut, 10% des emplois productifs et 8% des investissements. Le grand bond touristique de 1975 à ce jour se confirme avec des arrivées passant d’un peu moins de 75 000 à 1,4 million l’année dernière, des recettes brutes de Rs 60,3 milliards en 2017 contre un maigre chiffre de Rs 35 millions en 1975, ou un parc hôtelier de 114 établissements disposant d’une capacité de 29 656 bed places.
Les dernières données publiées par Statistics Mauritius en fin de semaine laissent voir une progression de 4,9%, avec 356 415 touristes pour le premier trimestre de cette année. La croissance dans les nuitées est sensiblement dans la même fourchette, l’average length stay ne progressant que marginalement, de 10,8 à10,9 nuits. Le nombre d’emplois recensés dans le tourisme à la fin de mars est un peu plus de 30 000. Sur la base de cette tendance et des consultations avec les stakeholders du secteur, Statistics Mauritius projette une croissance de 5,1% dans les arrivées pour atteindre 1 341 860, avec des recettes de Rs 62,5 milliards d’ici à la fin de l’année, soit Rs 2,2 milliards de plus que pour l’année dernière, même si l’endettement du tourisme auprès des banques se monte à Rs 43,4 milliards, dont Rs 30 milliards pour les hôtels.
En dépit de cette robustesse retrouvée, le strategic plan met en garde contre des dangers potentiels qui guettent ce secteur économique et identifie cinq obstacles majeurs à franchir. « The tourism sector is currently at the crossroads of its development and as such the existing tourism model is no longer relevant and needs to be revisited to successfully overcome the new challenges both at domestic and international levels. At domestic level, the industry is faced with shortage of skilled labour to sustain excellence in service delivery and huge level of indebtedness hampering investment in hotel renovation and construction. On the external front, the sector is exposed to fierce competition from similar island destinations, particularly Maldives, Sri Lanka and Seychelles, declining demand from European source markets and high cost of travel due to the remoteness of Mauritius from its main markets », note le document du ministère du Tourisme, élaboré dans le sillage des Assises du Tourisme d’il y a un an.
« New heights of development »
Avant d’entrer de plain-pied dans le plan d’action pour asseoir le tourisme comme un des principaux piliers de l’avenir, le ministère du Tourisme met l’accent sur un facteur incontournable qui reste à la base du développement de ce secteur, à savoir le partenariat à toute épreuve entre le gouvernement et les opérateurs du privé. Dans le cadre de la mise à exécution du plan stratégique, la condition sine qua non impose la mise sur pied d’un « high level Public and Private Sector Steering Committee co-chaired by the Ministry of Tourism and AHRIM to oversee the implementation of the different measures and monitor achievement of key performance indicators. »
L’objectif visant à faire de Maurice « a leading and sustainable island destination », avec croissance annuelle d’au moins 5%, s’articule autour les points suivants :
— « to propel the tourism sector to new heights of development »
u— améliorer la visibilité de Maurice comme une top class tourist destination sur les marchés traditionnels, émergents et nouveaux
— élargir l’éventail de produits touristiques pour inclure l’écotourisme, le spa, le wellness tourism, le tourisme de croisière, la dimension culturelle de même que le business tourism et des événements sportifs d’envergure internationale
— promouvoir Maurice comme une « clean and safe tourist destination »
— le développement d’une « integrated, high-tech and innovative tourism industry » avec des « technology-driven enterprises » et ;
— « to mainstream sustainable practices » dans le développement touristique.
Les autorités se disent conscientes que l’engagement et le proactiveness de tous les partenaires de l’industrie du tourisme seront critiques car « the three-year strategic plan is a roadmap which provides a structured, systematic and comprehensive framework to reposition the Tourism sector in the new business environment. It is based on a shared vision of enhancing the competitiveness of the sector through achievement of a whole set of projects and programmes within a given time frame. »
Compte tenu de l’importance de la dimension humaine et que « without the right skills, knowledge and competencies, the tourism will lag behind and can hardly achieve excellence in service delivery and move up the technology ladder », le strategic plan plaide pour une ouverture de ce secteur. « The opening up of Mauritius to foreign talents and skilled labour would be critical for the long term viability of the sector. Attracting foreign investment will also be essential for transfer of knowledge and skills to move to the higher level of development », souligne le plan au centre des consultations budgétaires.
La strategic plan matrix identifie toute une gamme de mesures et d’initiatives pour propulser « the tourism sector on a new path to consolidate, modernise and innovate to achieve greater heights of comptitiveness in the regional and global arena. » Au chapitre de l’amélioration de la visibilité de la destination touristique de Maurice, la Mauritius Tourism Promotion Authority (MTPA) aura besoin d’un budget de Rs 620 millions réparti comme suit :
u Rs 300 millions au titre de la diversification des marchés pour une présence renforcée en Chine, en Inde, en Russie et dans d’autres régions, comme le Moyen-Orient, les pays scandinaves et d’Europe de l’Est, avec un potentiel de croissance de 8 à 15% de ces marchés ;
— Rs 100 millions pour des campagnes promotionnelles et des road shows, avec à la clé un apport supplémentaire de tourisme de 5% dans le nombre et de 7% dans les recettes ;
u Rs 100 millions pour maintenir la présence dans les médias internationaux ou encore pour l’organisation d’au moins cinq mega events comme les World Travel Awards, ZEE Cine Awards ou Miss World, pour croître le nombre de touristes de 5 à 7% en basse saison et ;
— Rs 120 millions dans un autre exercice de rebranding et d’e-marketing.
“Cruise hub”
À cela devraient venir se greffer des dotations budgétaires de Rs 50 millions pour attirer un plus grand nombre de croisières à Port-Louis et faire de Maurice « a leading cruise destination » et même le preferred fly cruise gateway dans cette partie de l’océan Indien. D’ici les prochaines années, la MTPA s’est donné pour objectif d’accroître le nombre de croisières de 30 à 40 annuellement, avec une moyenne de 50 000 touristes débarquant au Cruise Terminal, nécessitant des investissements de Rs 700 millions avec le « state of the art amenities to service cruise liners.» Ce projet est actuellement sur le budget drawing board vu que « Mauritius is well poised to be a leading cruise destination in the Indian Ocean region owing to its strategic location, flexible air connectivity, wide range of hotels and supporting facilities and services. The construction of a dedicated cruise Terminal Building with cutting edge technologies and modern facilities capable of handling up to 4,000 passengers will greatly contribute to position Port Louis harbour as a cruise hub in the region and as the preferred fly cruise gateway to the Indian Ocean. »
Pas moins d’une trentaine de projets sont énumérés au chapitre de l’enhancement of the attractiveness de Maurice en tant que destination touristique. Mais certains d’entre eux devraient déboucher sur des controverses comme ceux pour le « Development of Outlets around Mauritius into exclusive hideaways.» Ainsi, d’icI 2025, l’île aux Bénitiers, au large de la côte de Rivière Noire, pourrait être transformée en hideaway to cater for the taste and needs of high-end tourists. La mise à exécution de ce développement devrait se faire sous la tutelle des ministères des Terres et de l’Agro-Industrie et de l’Economic Development Board.
Le groupe Sun Resort et la Tourism Authority ont jusqu’à l’année prochaine pour compléter le transfert des BBQ operators de l’île-aux-Cerfs à l’îlot Mangénie en vue de faire de Maurice « a clean, safe and secure up-market destination. »Après avoir complété les nouvelles facilités appropriées sur l’îlot Mangénie, les promoteurs devront convaincre les opérateurs de la pertinence de ce déménagement, mais aussi des clients à s’y rendre au lieu de l’île aux Cerfs.
Sur le plan infrastructurel et en vue de mettre à la disposition des touristes un plus arge choix d’activités que ceux disponibles actuellement, le Strategic Plan annonce :
— pour l’année prochaine l’ouverture d’un world class aquarium, de deux bike trails additionnels, de trois outletssupplémentaires à La Citadelle, au Jardin Botanique SSR et à Casela, pour la vente de produits artisanaux avec d’autres subséquemment à Grand-Baie, Trou-d’Eau-Douce et Belle-Mare ;
— pour 2020 l’aménagement de nouvelles routes d’accès à Pont-Naturel, Rochester Falls, et La Laura Malenga Viewpoints ;
— pour 2021 l’exploitation d’un cable car, l’ouverture d’une Route du Textile et un musée sur le modèle de L’Aventure du Sucre « to show case the history of the textile industry » à Maurice et ;
u pour 2025 une « well organisd entertainment zone with all required facilities » ; la construction du premier village culturel, nécessitant des investissements de Rs 100 millions, pour mettre en valeur le savoir-faire des artisans locaux aussi bien que faire de Mahébourg « a major tourist attraction » avec 25% plus de visiteurs qu’actuellement.
« A more attractive package »
La formation professionnelle occupe également une place prépondérante dans le plan stratégique en voie de validation budgétaire. L’École hôtelière Sir Gaëtan Duval, l’Association des hôteliers et des restaurateurs de l’île Maurice, les ministères du Tourisme et de l’Éducation seront appelés à conjuguer leurs efforts pour l’ouverture d’une World Class Tourism Academy avec un budget de l’ordre deRs 50 millions. Ce projet devra être opérationnel au plus tard en 2025, alors qu’à partir de l’année prochaine des specialised courses for niche products and segment dans le tourisme sont envisagés, de même qu’une feuille de route pour le Human Resource Development.
De leur côté, les quelque 30000 employés à plein temps dans l’hôtellerie pourront bénéficier de nouvelles conditions de travail à partir de l’année prochaine. Le ministère du Travail et des Relations industrielles et le National Remuneration Board (NRB) devront procéder à une révision du Remuneration Order en vue de redéfinir les attributions professionnelles et de proposer « a more attractive package. »
Finalement, dans le cadre de cet exercice de revisiting de l’industrie touristique, les chauffeurs de taxi, qui sont une partie intégrante, n’ont pas été oubliés. Le ministère du Tourisme travaille en étroite collaboration avec la National Transport Authority pour que les taxis basés dans des hôtels aussi bien qu’au Sir Seewoosagur Ramgoolam International Airport soient équipés de taximètres dès l’année prochaine. L’argument avancé pour justifier cette mesure est « to ensure that taxi drivers don’t charge excessive rates to tourists and that there is enhanced confidence of tourists in services of taxis. » En contrepartie, comme mince consolation, les autorités proposent à partir de l’année prochaine « a training and grooming programme of taxi drivers », soit une cinquantaine annuellement.