Oui, il y a des questions à se poser sur cet emballement intempestif du calendrier et cette soudaine hyperactivité législative! Et sur ce qui ressemble à une course contre la montre. Ce qui n’est pas sans provoquer des couacs. La semaine dernière, absente des délibérations du Conseil des ministres, le renvoi des villageoises avait été inscrit à l’agenda parlementaire au milieu de la nuit de vendredi à samedi. Une loi type “touni-minuit” à laquelle personne ne s’intéressait jusqu’à ce que certains journaux ne révèlent le pot aux roses.
Le travail avait été tellement bâclé que la ministre Fazila Jeewa-Daureeawoo s’était octroyé des pouvoirs considérables de nomination jusqu’à lundi après-midi lorsque des voix se sont fait entendre pour dire que le renvoi était déjà bien discutable et que si l’on ajoute la mainmise ministérielle, ce sera la catastrophe assurée. C’est donc un renvoi à 2020 qui a été voté mais en maintenant les provisions existantes pour le remplacement des conseillers de village et de district.
Ce week-end aussi, on a eu droit à une drôle de séquence. La presse a été conviée vendredi par le Premier ministre. Soit. Mais au lieu d’élaborer sur les deux textes The Constitution (Amendment) Bill portant sur la réforme électorale en version exclusive MSM et le Declaration of Assets Bill qui venaient tout juste d’être approuvés pour être présentés en première lecture ce mardi à l’Assemblée nationale, Pravind Jugnauth a concentré son intervention sur l’introduction d’une loi pour réglementer le financement des partis politiques.
La démarche du Premier ministre pose un vrai problème de compréhension et de logique. Pourquoi s’attarder sur un texte qui ne sera à l’agenda qu’à la rentrée parlementaire de 2019 et pourquoi ne pas avoir discuté avec les médias de la réforme électorale et de la déclaration de patrimoine?
Et lorsqu’on sait avec quel flou artistique et avec quel talent pour l’approximation délibérée il avait il y a à peine quelques semaines, le 23 octobre, répondu à une question d’Aadil Ameer Meea sur le Declaration of Assets Bill, il aurait été judicieux et approprié qu’il vienne expliquer la suite des événements et ce qui lui a fait changer d’avis, par exemple, sur la déclaration publique des avoirs des élus, au sujet de laquelle Navin Ramgoolam était, dans son temps, très réticent. Une bonne chose en tout cas parce que déclarer ses avoirs pour ensuite les garder dans un tiroir de l’ICAC n’a aucun sens. Et que le doute était tenace quant aux réelles intentions du gouvernement.
Quant à la réforme électorale, Pravind Jugnauth a, à notre sens, choisi expressément de ne pas s’attarder sur le texte proposé parce que c’est le copié-collé de ce qu’il avait proposé le 22 septembre et qui fut unanimement rejeté. Et lorsqu’on sait qu’il avait affirmé être ouvert aux propositions mais qu’il a en même temps complètement ignoré celles passées et présentes des autres partis et qu’il a finalement décidé de venir avec sa réforme, du plus pur cru MSM, on ne peut que conclure que sa démarche n’est que mise en scène et que cette réforme n’a été proposée que pour la forme.
Une réforme à laquelle personne n’adhère sauf sur le volet de la représentation des femmes. Un projet de réforme présenté parce que c’était une promesse de campagne, parce qu’il y a le procès de Resistanz ek Alternativ et qu’il a été forcé de concocter un document. Il sait parfaitement, qu’en l’état, il n’obtiendra jamais les trois quarts requis pour la faire adopter par l’Assemblée nationale. Par obtenir des votes, il aurait fallu un projet plus consensuel, faire des concessions et, même, soumettre le texte à un Select Committee pour travailler sur quelque chose de plus acceptable.
A moins que l’activisme parlementaire mené tambour battant par le Pm n’ait pour objectif que faire oublier les dossiers litigieux du moment. Comme la licence octroyée à deux nouvelles radios émettant en direct du Sun Trust. Ou mieux encore, détourner l’attention du fameux Lalangate de l’obscur élu du MSM Kalyan Tarolah, cette patate chaude, sans jeu de mots, que le bureau du directeur des poursuites publiques a renvoyé entre les mains de Maya Hanoomanjee.
Pour une action qu’on espère immédiate et concrète même si, à l’évidence, il est plus facile pour la Speaker d’interdire l’accès des journalistes à l’hémicycle, de suspendre des élus ou de renvoyer des députés parce qu’ils utilisent le mot “Pinocchio”, apparemment super outrageant, parce que ce serait éminemment plus grave qu’un PPS qui se filme sous toutes les coutures dans les toilettes du Parlement. On est impatient de connaître les suites de cette sombre affaire.
Et si le Pm était en pleine crise existentielle, à un besoin de legs parce qu’il ne sait pas ce qui l’attend au tournant. D’entré par “l’imposte”, Pravind Jugnauth essaye de sortir par la grande porte. En laissant comme trace pour la prospérité, cette image d’un Pm qui, bien qu’en fin de mandat et à la veille d’un procès, fixé au 15 janvier 2019 devant le comité du conseil privé qui doit décider de sa carrière politique, a réussi à présenter trois des textes les plus fondamentaux qui étaient attendus depuis des lustres, une réforme électorale, la déclaration publique des avoirs des parlementaires et le financement des partis politiques.
Qu’il soient votés au pas, qu’il soient présentés ce mardi pour être débattus à la rentrée de mars 2019, quel que soit le sort réservé à sa trilogie, l’objectif du Pm et leader du MSM semble être de laisser une sorte d’empreinte de son passage à ce poste de Premier ministre qu’il a hérité par filiation dynastique, sans combat et, surtout, sans gloire. Tenter d’être autre chose qu’un accident de l’histoire. Les clarifications sont pour très bientôt.
Josie Lebrasse