A deux semaines de l’échéance pour la soumission des Budget Memoranda au ministère des Finances en vue des consultations prébudgétaires, trois incontournables émergent. Le fait inéluctable demeure que la performance du secteur des exportations représente un véritable casse-tête, auquel des solutions d’urgence s’imposent en vue de redresser la barre.
A cet effet, la National Export Strategy, qui a été lancée par le gouvernement il y a à peine deux semaines, définit les esquisses d’un plan d’action s’attaquant à sept secteurs prioritaires de l’économie et comprend un volet Economic Diplomacy avec le récent Posting de Counsellors (Economic Matters) dans six missions diplomatiques mauriciennes dans des capitales à portée stratégique en vue de promouvoir Maurice en tant que business and service platform.
La première réunion du National Economic and Economlic Council, revu et corrigé, a remis en perspective la bombe à retardement qu’est le problème du vieillissement de la population avec une approche plus élargie, dépassant la seule préoccupation de l’âge de la retraite, comme l’a souligné Rashid Imrith, président de la Fédération des syndicats du secteur public, lors des délibérations de jeudi dernier au Prime Minister’s Office. Puis, il y a l’épée de Damoclès des secousses dans le Global Business Sector, sous forme d’une succession de scandales financiers, gagnant à chaque fois en intensité, générant des ripple effects dans le secteur bancaire.
La dernière affaire en date de l’Angola Connection, soit la Bastos Saga, laisse voir qu’au moins une banque commerciale, l’AfrAsia Bank, se retrouve avec au moins Rs 10 milliards des Rs 17,8 milliards, faisant l’objet de freezing orders de la Cour suprême depuis le week-end dernier. Les tangages dans le Global Business Sector sont perçus comme étant un couteau à double tranchant. Certes, l’Hôtel du gouvernement avance que ces dossiers montrent la détermination des autorités de garder Maurice comme une clean jurisdiction. D’autre part, le chapelet d’affaires, d’Alvaro Sobrinho à Jean-Claude Bastos de Morais et l’Angola Sovereign Fund en passant par le tableau de Picasso avec l’arrestation d’un responsable mauricien de Beaufort Management Company à New York, pourrait être perçu comme étant de trop pour un si court laps de temps.
Au chapitre des échanges commerciaux, les données confirment une dérive majeure du déficit au cours de la période couvrant 2000 à 2018. Avec une Value of Trade (importations et exportations confondues) sous la barre des Rs 100 milliards, soit Rs 95,8 milliards en 2000, le déficit commercial enregistré était de Rs 14 milliards. Jusqu’en 2003, cet indicateur économique évoluait en dessous des Rs 15 milliards. Mais à partir de 2004 avec la conjugaison de facteurs exogènes et hors de tout contrôle de Maurice, le déficit commercial allait exploser pour passer de Rs 21,5 milliards en 2004 atteignant les 65,3 milliards en 2010, avec la facture des importations passant pour la première fois les Rs 100 milliards en 2006, soit exactement Rs 115,5 milliards.
Puis, au cours de ces huit dernières années, la situation a connu un net déraillement, avec le trou dans la balance commerciale évoluant comme suit : Rs 74,2 milliards en 2011, Rs 81,3 milliards en 2012, et un tassement sous la barre des Rs 80 milliards pour les trois années suivantes avant de repartir en flèche avec Rs 80,9 milliards en 2016 et des prévisions de Rs 106 milliards pour la présente année. D’autres analystes se voulant moins alarmistes préfèrent s’appuyer sur le ratio du déficit des échanges par rapport au produit intérieur brut (PIB). Ainsi, au cours de ces dix-huit dernières années depuis le début du siècle, la Balance of Visible Trade par rapport au PIB est passée de 11,5 % en 2000 à 21,5 % pour les prévisions de 2018. Force est de constater que 2012 a constitué une pointe avec 23,2% du PIB et que le plus bas niveau enregistré était de 7,4 % en 2002.
La détérioration du déficit commercial en 2017, passant de Rs 80,9 milliards à Rs 100 milliards d’une année à l’autre a déclenché la sonnette d’alarme. “The increase in the trade deficit, particularly in 2017, is explained by lower exports of textile and clothing products, and lower re-exports of telecommunication equipment. On the other hand, there was an increase in imports of petroleum products, seafood, road vehicles, and electrical and power generating machinery and equipment”, souligne-t-on officiellement en ajoutant que ce déséquilbre dans les exportations des biens a été en partie absorbé par un surplus “in trade in services”. En effet, le surplus au niveau des services, qui était de Rs 21,1 milliards en 2015, avait atteint Rs 28,5 milliards en 2016 pour se retrouver à 26,7 milliards l’année dernière.
Dans un premier temps, les autorités sont d’avis que la gamme de mesures entérinées, comprenant entre autres l’Exchange Rate Support Scheme devant la dépréciation du dollar américain par rapport à la roupie, ou encore une Corporate Tax de 3 % au lieu de 15 % sur les profits des exportations en combinaison avec les Eight-Year Income Tax Holiday pour les nouveaux venus dans des secteurs spécifiques, devront déboucher sur des résultats concrets à ce tableau. Avec les effets combinés, la croissance des exportations devrait être de l’ordre de 3,3 % en 2018 contre une contraction de 3,7 % l’année dernière alors que par rapport au PIB, les importations devraient être de 38.6 % contre 39,3 % l’année dernière.
Force est de constater qu’à ce jour, une enveloppe de Rs 143,9 millions a été consacrée à différents Support Schemes à l’exportation, dont Rs 45,2 millions pour le Speed-to-Market Scheme, Rs 42,4 millions pour le Freight Rebate Scheme et Rs 57,5 millions au titre de la participation dans des foires internationales. Pour le guichet de l’Exchange Rate Support Scheme avec le taux plancher du dollar américain coté à Rs 34.50, 582 demandes de réclamations pour un montant de Rs 36,5 millions ont été déposées avec 206 dossiers traités et la somme de Rs 9,3 millions déboursée au 21 mars dernier. L’objectif déclaré est de Rs 100 millions sous l’Exchange Rate Support Scheme.
Sept secteurs économiques prioritaires
En complément à ces mesures de soutien à l’exportation, la National Export Strategy pour la période s’étalant jusqu’à 2021 a été mise en chantier avec l’assistance financière et technique de l’International Trade Centre depuis le début de ce mois. “The National Export Strategy is a coherent, comprehensive and prioritized export strategy document that includes a plan of action and an implementation management framework”, s’appesantit-on officiellement. La NES s’adresse à sept secteurs économiques prioritaires: la pêche/aquaculture, la Processed Food, le tourisme culturel, les services financiers, le développement de logiciels, les équipements médicaux et la bijouterie. Cette stratégie inclut également cinq cross-sectoral themes (SME Internationalisation, Skills Development, Branding, Innovation and Institutional Alignment). Dans le cadre de cette stratégie visant à relancer les exportations, Rodrigues n’a pas été pour autant oubliée, car un plan tenant compte des spécificités de son développement économique est envisagé.
Un comité de pilotage présidé par le ministre de l’Industrie, Ashit Gungah, a été institué avec un Steering Committee pour assurer la coordination de la mise à exécution des recommandations découlant de la National Export Strategy de même que 13 sous-comités. Parmi les projets en chantier, l’expertise de l’International Trade Centre a été sollicitée pour un projet de Gold Souk à Maurice, le Mauritius Reseach and Innovation Council travaille sur un scheme pour promouvoir l’Industry/Academia Linkage et l’innovation, le ministère du Tourisme s’est engagé dans un processus d’upgrading des heritage sites, alors que le ministère des Coopératives se penche sur la mise en application du 10-Year SME Masterplan. Le mois prochain, un atelier de travail sur le thème “Women in Businesss” sera organisé pour faciliter la participation féminine dans les affaires.
En ce qui concerne le secteur des PME, Jayprakash Appanah, le représentant des petits et moyens entrepreneurs sur le National Economic and Social Council, a attiré l’attention sur le taux de déchets. Il a fait comprendre que sur chaque 100 PME, qui sont incorporées, 80 ne survivront pas au bout de deux ans. Les principales raisons se résument au “failure to adequately anticipage cash flow”, ou le rôle des professionnels qualifiés dans les PME.
Dans un autre volet de relance des exportations des counsellors(economic matters) ont été affectés depuis la fin de mars dans des ambassades à l’étranger, notamment à Washington, Canberra, Moscou, Londres, Genève et Pretoria. Leurs attributions dans le cadre d’une export and investment-driven diplomacy in strategic markets sont de promouvoir Maurice en tant que service and business platform,d’identifier et de poursuivre des investment opportunities, d’assurer à d’établir un réseau de contacts avec le monde des affaires et d’accoître la visibilité de Maurice sur ces marchés.
Par ailleurs, la première réunion du National Economic and Social Council, jeudi, a permis de dégager une première liste de proposed issuessusceptibles d’alimenter les débats sur le plan national et élaborer des solutions consensuelles à des problèmes épineux comme la présence des travailleurs étrangers dans le tissu socio-économique, ou encore la lutte contre la pauvreté et le besoin d’aligner le Welfare State sur une innovative community development strategy. Mais le vieillissement de la population continue à hanter les débats sur le plan socio-économique. L’unanimité se fait sentir quant à la nécessité de venir de l’avant avec un plan pour la gestion de l’Ageing Population.
“Cette question a été débattue depuis des années sans que des solutions à long terme ne soient retenues. La principale difficulté réside dans le fait que systématiquement, le vieillissement de la population est réduit à sa plus simple expression. Dès qu’on parle de ‘ageing population’, l’on voit le débat être détourné par la question sensible de l’âge de la retraite. Or, la problématique est plus profonde et le débat devant le National Economic and Social Council devra dépasser ces contraintes pour une vue plus large”, avance le syndicaliste Rashid Imrith. Cette question est également étroitement liée à la proposition du président de la Chambre de commerce et d’industrie, siégeant sur le Conseil économique et social, Marday Venkatasamy, au sujet de l’impact de la démographie sur l’économie de Maurice.
La Sécurité sociale, l’un des secteurs les plus budgétivores
Les dernières statistiques officielles donnent 212 263 bénéficiaires, dont 208 084 dans la fourchette d’âge de 60 à 89, de la pension de vieillesse avec 155 centenaires, dont huit à Rodrigies, à la fin du mois dernier. Dans l’immédiat, un problème plus urgent attend d’être réglé à la Sécurité sociale, l’un des secteurs les plus budgétivores avec plus de Rs 22 milliards. Dans le dernier budget, le Premier ministre et ministre des Finances a annoncé la prise en charge par la Mauritiius Revenue Authority des opérations pour la collecte des contributions du National Pension Fund et du National Savings Fund. Cette responsabilité incombait jusqu’à la fin de l’année au ministère de la Sécurité sociale.
Mais depuis le début de cette année, un Grey Area perdure dans la mesure où il n’y a aucune autorité pour des enquêtes dans des plaintes de non-paiement de prestations sociales. Les concernés, notamment ceux qui sont les plus vulnérables, sont renvoyés de la Sécurité sociale à la MRA et de cette dernière à la Sécurié sociale, alors que ce paiement représente leur unique source de revenus, ne sachant plus à quels saints se vouer avec la réforme Pravind Jugnuath. Mais il y a pire, notamment les cas d’Overpayments de l’ordre de Rs 90 millions, cas relevés dans le dernier rapport de l’Audit. “L’impression dans le grand public est que ce sont les Social Security Officers qui auraient empoché cet argent. C’est complètement faux. Cela est dû au fait que faute de coordination entre le Passport and Immigration Office et la Sécurité sociale, des cas de Mauriciens à l’étranger ne sont pas répertoriés pour annulation de la pension. Il y a aussi des décès avec mention de No Record à l’Etat Civil et des proches de personnes décédées continuant à percevoir la pension”, confient des sources autorisées à la Sécurité sociale, craignant qu’avec le no man’s land créé par la MRA s’occupant des cotisations exclusivement, délaissant les autres aspects aussi cruciaux des prestations sociales.
La solution déjà connue d’un software reliant le Passport and Immigration Office et la Sécurité sociale pour signaler les mouvements des bénéficiaires de la pension de vieillesse ou les life certificates renouvelés annuellement et imposés seulement aux retraités de la fonction publique, attend toujours d’être adoptée pour les old age pensioners à moins que la suggestion ne soit retenue dans le prochain budget…