À l’échelle mondiale, les experts affirment qu’il y a davantage de traitements, de survivants, mais aussi de malades, donc plus de victimes du cancer. En est-il de même pour Maurice ?
Ce qu’il faut savoir, c’est qu’aujourd’hui il y a plus de cas qui sont diagnostiqués. Et cela, dans tous les pays du monde. On note plus de patients, mais c’est parce que nous avons accès à des techniques améliorées et sophistiquées tels l’IRM, le CT-Scan, l’ultrason, la mammographie etc. En 2016, selon le National Cancer Registry (NCR), 2 607 nouveaux cas de cancer ont été enregistrés à Maurice. Cela démontre que plus de diagnostics sont faits. Et en même temps, les personnes viennent de l’avant.
L’OMS prévoit pour le monde une croissance de 70% dans les 20 prochaines années. Pensez-vous que le cancer augmentera autant à Maurice ?
Le cancer, c’est une croissance anormale, excessive et incontrôlée des cellules, qui peut survenir à n’importe quel âge et toucher n’importe qui, n’importe où dans son corps, de la tête au pied. Mais on peut prévenir le cancer. Il ne faut pas être pessimiste. Il faut réagir. C’est ce qui peut freiner la progression de cette maladie pour lequelle des traitements existent.
Quels sont les cancers les plus courants à Maurice ? Quelles raisons expliquent cette situation singulière par rapport à Maurice ?
Le cancer colorectal est le plus courant chez les hommes. En 2016, nous avons enregistré 154 nouveaux cas. Mais le cancer du poumon demeure la première cause de décès liés au cancer (21,7% ), suit le cancer colorectal (12,5% ) et celui de la prostate 10,1%. Chez les femmes, le cancer du sein est la principale cause de décès liés au cancer (26,2% ), suivi du cancer colorectal (11,7% ) et du cancer du col de l’utérus (6,3% ). Sur les 2387 nouveaux cas de cancer répertoriés en 2016, dont 1 549 femmes, 561 (36,2%) nouveaux cas de cancer du sein ont été enregistrés. Il faut croire que les Mauriciens ont un style de vie malsain. Si le cancer comme la leucémie ou le cancer du sein peut avoir des causes génétiques, l’alcool et la cigarette sont les causes les plus évitables du cancer. Si vous changez votre style de vie, vous pouvez prévenir un cancer. Or, à Maurice, on constate que l’alcool et la cigarette sont très présents. Ajouté à cela, il y a également l’excès de consommation de viande rouge, une des causes principales également des cancers dans le monde. Vous noterez qu’à Maurice, le cancer colorectal figure à la première place chez les hommes et à la deuxième place chez les femmes. Là encore, il faut penser à l’alimentation. Une des autres causes importantes qui provoquent le cancer, c’est le recours aux pesticides pour les légumes et fruits. Et par-dessus tout, avoir une vie sédentaire, comme l’aiment beaucoup de Mauriciens, contribuant à un relâchement pouvant mener à diverses maladies, dont le cancer.
Quels facteurs expliquent la fréquence croissante de la maladie à Maurice ?
Selon les statistiques de l’OMS, la croissance n’augmente pas énormément. C’est un petit pays, mais l’incidence du cancer n’est pas plus élevée que les statistiques mondiales. Il n’y a pas d’excès à Maurice. Au contraire, nous avons un grand nombre de survivants et obtenons de très bons résultats. J’ai vu des patients qui se sont fait soigner et ont guéri, et ont même eu des enfants. Les mamans et les enfants se portent très bien. Plusieurs de mes patients qui ont eu un cancer vivent depuis 20 ans et même plus. La survie est très bonne à Maurice. Étant un petit pays, le suivi est probablement l’un des meilleurs au monde. Les gens sont très conscients. Que ce soit pour une toux, ils viennent et demandent : S’il vous plaît, vérifiez si c’est un cancer. C’est la raison pour laquelle nous avons eu plus de 31 000 visites relatives au cancer à l’hôpital Victoria en 2016. Non, la situation n’est pas alarmante dans le pays, les statistiques sont dans les normes, elles sont comparables à celles des pays à revenus moyens en Europe.
Comment évaluez-vous la qualité des soins contre le cancer à Maurice ?
Nous avons de très bons traitements à Maurice. Nous avons une approche multimodalités pour les patients, qui peuvent avoir recours à la chirurgie, la radiothérapie localisée, la chimiothérapie, l’immunothérapie, les traitements hormonaux, la targeted therapy. Certes, ce dernier traitement mentionné utilise des médicaments qui sont très chers, mais les soins existent à Maurice et nous avons un excellent taux de survie. À titre d’exemple, 72% des femmes atteintes du cancer du sein ont un taux de survie de dix ans.
Y a-t-il des infrastructures adéquates et hygiéniques, ainsi qu’un personnel adéquat, même si ceux qui travaillent dans les hôpitaux montrent une ardeur exceptionnelle ?
Maurice est bien équipée. Et nous avons un personnel qualifié et efficace, mais surtout dévoué. Aujourd’hui, pour alléger le service, les soins de chimiothérapie ont été décentralisés dans les cinq hôpitaux de l’île. Et prochainement, nous aurons l’hôpital MedPoint.
Justement, cette clinique du cancer, MedPoint, dont on entend parler depuis dix ans, est-ce une chimère ou une réalité ?
Le projet est on-going. Ce sera bientôt une réalité. Et les patients pourront avoir accès aux technologies de pointe. Si aujourd’hui nous avons un taux de survie de 72% pour le cancer du sein, imaginez ce que ce sera lorsque la clinique du cancer, avec ses technologies, sera opérationnelle.
Le thème de la journée internationale du cancer cette année tourne autour de l’équité. Pensez-vous que les malades sont égaux concernant les soins contre le cancer à Maurice ?
Everyone has access to treatment in Mauritius. Il faut aller dans les hôpitaux. Nous avons tous les soins. La plupart des cancers sont curables. Il faut cependant un diagnostic précoce. Le plus tôt qu’un patient se fait diagnostiquer, le mieux c’est. Je le répète, tous les traitements sont disponibles à Maurice, ce n’est pas nécessaire de se rendre à l’étranger.
Avez-vous un message particulier que vous voudriez adresser aux malades du cancer ou aux Mauriciens en général ?
Cancer is not death. Un tiers des cancers sont évitables en changeant le mode de vie, un deuxième tiers est traitable et curable, seul le dernier tiers n’a pas de bons résultats. Le plus important, c’est prévenir le cancer. Pour cela, il faut connaître les signes et ne pas se dire : laisse-li do. Il faut prendre les devants et aller consulter si l’on constate des saignements anormaux du vagin, une grosseur au sein, un changement dans notre voix, une plaie qui ne cicatrise pas, du sang dans son urine ou un saignement dans le rectum Aussi, si dans la famille il y a un membre qui a eu un cancer, toute la famille est à risque, il faut un dépistage. Le cancer peut être guéri si détecté à temps.