C’est peut-être parce qu’il est né mouvement et qu’il est devenu un parti un peu comme les autres sur l’étrange échiquier politique mauricien que le MMM a connu et connaît des crises successives. Pourquoi le MMM et pas les autres ? C’est là la vraie question. C’est imputable, au premier chef, à son fonctionnement que certains pourraient qualifier de trop rigide. Ce système a ses avantages, mais aussi de nombreux inconvénients.
Si au MMM on retrouvera moins ou pas de dérapages et de dérives, c’est que la discipline y a été érigée en dogme. Que le droit à l’excès a été proscrit et que le comportement attendu soit honorable, à défaut d’être d’une exemplarité à toute épreuve. En 50 ans d’existence, peu ou pas de voleurs recensés, aucun abonné aux cours de justice, pas de coffres ni de Bal Kouler et, encore moins, de Lalang Gate ou de visites aux trafiquants.
Le leader de ce parti a ainsi déclaré son patrimoine lors d’un entretien à l’express l’année dernière, pendant que les chefs d’autres formations parlementaires, qui ont passé beaucoup de temps dans des gouvernements, ce qui ouvre la porte à bien des accommodements pas toujours avouables, trouvent tous les prétextes pour ne pas révéler les leurs. Ils attendent la loi, dont ils savent qu’elle ne viendra pas et cela leur permet de dissimuler l’étendue de leurs biens au grand public.
Le fonctionnement du MMM compte aussi beaucoup d’inconvénients. Sa démocratie, quand bien même imparfaite et basée sur une constitution écrite accessible à tous, n’existe dans aucun des autres partis importants du pays. Cela favorise des débats permanents et même des crispations, au point où ceux qui se présentent comme des “réformateurs” se prononcent contre des élections internes pourtant prévues par la constitution qu’ils ont eux-mêmes rédigée. C’est dire que la contradiction n’est jamais loin.
Qui a entendu parler d’un vote à bulletin secret au PTr, au MSM ou au PMSD ? Comment sont désignés le leader et autres dirigeants de ces partis ? Personne ne le sait. Chez les travaillistes, il y a apparemment un vote à main levée pour valider certaines décisions, mais on ne sait jamais quand aura lieu la prochaine désignation ou la reconduction des dirigeants rouges. Et dire que c’est ce parti qui a été cité comme une référence par certains dissidents mauves.
Cela fait quatre ans bientôt que Navin Ramgoolam a connu sa première débâcle dans ce qui était réputé être son fief imprenable et il doit en plus faire face à divers procès. Or, tout le monde ou presque au PTr est content du leader qui arpente chaque semaine les couloirs des tribunaux. Ceux qui avaient pensé que la victoire d’Arvin Boolell à la partielle de Belle Rose/Quatre Bornes lui ouvrait une voie royale au leadership du Grand Old Party de Maurice Curé, d’Emmanuel Anquetil, du Pandit Sahadeo et de Guy Rozemont ont dû vite déchanter. Il n’y a pas moyen de bouger le leader malgré ses frasques au pouvoir, ses casseroles et même sa contestation de la clause de la Constitution qui vise à le priver de ses Rs 220 millions.
Au MSM, ceux qui pouvaient prétendre prendre la suite de sir Anerood Jugnauth ont longtemps été écartés pour que la voie soit libre pour l’héritier désigné. Et c’est ainsi que Pravind Jugnauth est devenu leader du MSM en 2003 sans que l’on sache si c’est sur la base d’un plébiscite interne large et indiscutable. Lorsqu’il a fallu utiliser la même courte échelle pour le poste de Premier ministre, aucun problème. En tout cas, pas le moindre soupçon d’un vote libre comme en Grande-Bretagne, dont le MSM ose se réclamer pour désigner le remplaçant du démissionnaire David Cameron et qui a vu la désignation de Teresa May.
Au PMSD, autre parti dynastique au même titre que le PTr et le MSM, ce n’est guère mieux. Xavier Duval est leader depuis belle lurette et ce n’est pas demain la veille qu’il mettra son leadership en jeu, comme le fera celui du MMM le 24 juin. Le 1er mai, c’est lui, en tant que vrai leader maximo, qui a annoncé l’identité de ceux à qui sont confiées des responsabilités. Que le nouveau porte-parole Kushal Lobine, qu’il a choisi, soit issu de la mouvance travailliste n’est peut-être pas un problème pour les bleus pur-sang ou pour personne, mais qu’ils feignent d’ignorer le passé de ce nominé politique de Navin Ramgoolam est quand même assez curieux.
Kushal Lobine a présidé la Wastewater Management Authority et, comme par hasard, ce sont les collègues de son cabinet d’avocats qui ont été choisis pour les services légaux de cet organisme public et c’est aussi celui qui, alors qu’il présidait la SICOM, a approuvé l’achat de l’immeuble en construction de Rakesh Gooljaury à Ebène. Ce Rakesh Gooljaury ne lui était pas inconnu puisqu’ils étaient partenaires en affaires dans un certain nombre de compagnies avec Nandanee Soornack, qui a bénéficié des faveurs du régime travailliste. Et c’est Xavier Duval qui ose faire des procès en conflit d’intérêts à d’autres.
Que le PMSD ne soit pas un parti exigeant sur les principes et le comportement de ses membres, cela, on le savait après les épisodes Thierry Henry et Richard Duval. Mais au final, tous se contenteront de conclure que c’est leur cuisine interne. Et ce sera largement accepté comme tel. Qui a entendu un commentaire, un débat sur la démocratie interne au PMSD, au PTr ou au MSM ? Tous les fils à papa règnent, gèrent leur propriété et cela ne dérange personne. Cela passionne, en tout cas, visiblement, moins ceux qui ne s’intéressent qu’à celle du MMM.
Ce parti a néanmoins un vrai problème : celui d’être resté trop longtemps dans l’opposition, au grand dam de ses cadres affamés et impatients pour qui un ticket, un poste de ministre et même de Premier ministre hypothétique est le Graal suprême. C’est ce qui explique cette agitation permanente. Pour continuer à exister, le MMM ne doit pas renoncer à ce qui est son essence, renouer avec ce qui a fait sa grandeur. Redevenir ce mouvement proche des gens, cette force de propositions et cette intelligence collective. Retrouver son âme, quoi.