Stephan Buckland ne veut pas, par principe, dit-il, fournir un certificat de moralité pour pouvoir accéder à son allocation d’ancien athlète de haut niveau. Si on était dans un pays où les règles étaient les mêmes pour tous et que ceux qui décident de telles conditions étaient eux-mêmes des gestionnaires d’une irréprochable exemplarité, on aurait pu trouver inappropriée la démarche de l’un de nos meilleurs athlètes.
Il a parfaitement raison de ne pas se soumettre à cette requête insensée. Pourquoi demander à des sportifs qui ont brillé tant sur le plan régional qu’international de justifier ce qui leur est dû? Lorsqu’il s’est agi d’aller les accueillir à l’aéroport à leur retour de compétition, des ministres se sont bousculés pour prendre la avec eux, question de se faire voir à la télévision avec les champions, mais lorsqu’il faut les récompenser pour avoir porté haut les couleurs de Maurice, là, il faut un certificat de moralité.
Et même s’il y a eu un dérapage de la part d’un sportif, est-ce une raison suffisante pour nier, oblitérer tout ce qu’il a apporté au pays et le priver d’une allocation? Pourquoi seuls les sportifs doivent être soumis à un tel régime? Pour donner l’exemple, a déclaré la bonne dame qui a remplacé Michael Glover au Trust Fund for Excellency in Sports. Ce sont les seuls qui doivent donner le bon exemple?
Pourquoi ne pas exiger un certificat de moralité des ministres récidivistes, de Shawkatalmly Soodhun qui a déjà été condamné pour avoir fait exploser les vitres de Radio One, des députés indélicats, des conseillers en procès pour corruption, de ce dirigeant socioculturel qui vient d’être nommé à la vice-présidence d’une Speaking Union juste après avoir été condamné pour homicide involontaire? C’est quoi ce délire?
C’est dans le même registre de l’incompréhension et du paradoxe qu’il faut placer la posture adoptée par le Premier ministre dans le sillage de la publication du rapport Lam Shang Leen sur la drogue. Il se dit déterminé à combattre le trafic de drogue, mais il démolit une des principales recommandations du rapport qui est le démantèlement de l’ADSU. Non seulement il jette à la poubelle ce qui est au cœur même des préconisations de la commission, mais il va jusqu’à se perdre en félicitations.
Dans toutes ses sorties, Pravind Jugnauth semble appeler de tous ses vœux une Private Notice Question sur la drogue. Parce qu’il aurait, apparemment, des révélations à faire. Mais pourquoi ne pas organiser une petite question arrangée avec un de ses back benchers, un peu comme celle de Zouberr Joomaye sur Landsope, pour donner l’occasion au Premier ministre de lire toute une page déjà bien préparée pour décliner en détails les conditions dans lesquelles Naila Hanoomanjee a bénéficié d’une jolie rallonge salariale mensuelle de Rs 70,000 et pour dire que sa rémunération n’est que Rs 210, 000 et non Rs 275,000 comme mentionné par un quotidien.
Lorsqu’il s’agit de voler au secours des membres du clan, Pravind Jugnauth sait quelle avenue exacte emprunter mais pour ses “révélations”, notre nouveau Lucky Luke a besoin d’une PNQ de Xavier Duval. S’il dispose de révélations, pourquoi n’a-t-il pas fait une déclaration solennelle à l’Assemblée nationale ou, mieux, déposé devant la commission ou même adressé une communication sur les informations qu’il détient? Si c’est ça Lucky Luke!
C’est sans doute pour faire diversion et faire oublier le rapport Lam Shang Leen que des dissidents du MMM ont orchestré un type de show quotidien et qu’ils en arrivent même à dire un peu n’importe quoi. Doreen Chukowry a choisi d’aller s’amarrer “jusqu’à ma mort” au Sun Trust en encensant le propriétaire du patrimoine familial qui, lui, gagnerait à aller écouter cet enregistrement réalisé le 23 mai 2017 de la même dame qui repasse en boucle sur les réseaux sociaux où elle descend en flamme le MSM. C’est apparemment la moralité de la nouvelle génération de politiques!
Que dire de Steve Obeegadoo, encore un de ceux qui prétendent incarner la nouveauté en politique et qui, interrogé par un confrère, n’a eu aucun complexe à dire: “Si jamais il faudra faire une alliance, ce sera avec n’importe quel parti. Pourquoi pas avec les bleus et les rouges ou encore avec Lalit ?” Venant d’un très chaud partisan de l’alliance de son ex-parti avec le Parti travailliste en 2014, il ne faut surtout pas s’étonner.
Il était aussi le défenseur le plus enthousiaste de la candidature de Michael Sik Yuen à ses côtés à Curepipe, cet ancien candidat du PMSD qui s’était déclaré “population générale” pour pouvoir mieux accéder à un siège de Best Loser, celui qui avait aussi distribué du macaroni le dernier jour de la campagne municipale de décembre 2012, et celui aussi qui avait été traîné devant la Commission de l’Égalité des Chances pour avoir, lors d’une réunion publique, prévenu ceux qui votent pour une municipalité de l’opposition qu’ils ne devaient pas s’attendre à une aide de l’État.
Les masques de ceux qui disent vouloir incarner la plate-forme de la nouveauté sont, en fait, vite tombés. D’ailleurs, il faut se demander si ce n’est pas parce que le MMM se présentera probablement seul aux prochaines élections que certains, connus pour leur couardise, n’inventent pas des prétextes pour se dérober et aller voir ailleurs.
C’est peut-être aussi au nom de la moralité que le PMSD par la voix de son porte-parole Kushal Lobine réclame la démission de Serge Clair. Oui, le chef commissaire devrait se mettre en retrait mais il est quand même bien culotté de la part des bleus de réclamer de la rectitude morale chez les autres pendant qu’ils tolèrent dans leurs rangs et au Parlement un député poursuivi sous cinq chefs d’accusation dont celui d’homicide involontaire. On dirait que l’heure est venue de distribuer des miroirs à certains hommes publics.
Josie Lebrasse