Coup d’État présidentiel ?

Le Président français Emmanuel Macron ne rate pas une occasion pour défendre les règles démocratiques, aux quatre coins du monde. Quand l’occasion ne se présente pas, il la crée carrément et passe beaucoup de temps médiatique à expliquer aux uns et aux autres comment se comporter pour être de bons démocrates.

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À force de déclarations et de prises de position, il s’est crée l’image d’un des principaux défenseurs de la démocratie dans le monde. Mais il ne suffit pas de créer une image, il faut adopter et pratiquer le comportement qui va avec et, depuis quelque temps, il existe une énorme différence entre ce que le Président français prêche et ce qu’il pratique. Lors de la récente campagne pour les élections européennes, il s’est plus comporté comme un chef de parti politique, engagé dans le combat, que comme un Président de la République au-dessus de la mêlée. Un peu comme le Président du Parlement mauricien qui, au lieu de se comporter comme un arbitre impartial, se prend pour le gardien de but de la majorité. Vous me direz qu’il faut comparer ce qui est comparable, mais quand on entend Emmanuel Macron faire campagne pour la cheffe de file de son parti et donner des consignes de vote aux électeurs, on n’est pas loin de ce que peut faire et dire le Président du Parlement mauricien.

Sans doute agacé par cet interventionniste présidentiel, les français n’ont pas suivi ses consignes aux européennes et ont placé en tête de liste le Rassemblement National. Ressentant cette « désobéissance » comme un crime de lèse-majesté, le Président a immédiatement réagi en annonçant la dissolution du Parlement et des élections législatives précipitées. Face à la stupeur provoquée par la dissolution, il organisa une longue conférence pour demander aux Français de « corriger » leur erreur aux européennes, en lui donnant la majorité parlementaire qu’il n’avait pas obtenu aux dernières législatives.
Les Français désobéirent une deuxième fois à leur Président en portant la Rassemblement National en tête au premier tour des législatives. Ne comprenant pas que ses consignes ne valaient pas un clou pour les Français, Emmanuel Macron leur demanda de voter pour sa majorité de plus en plus minoritaire en faisant barrage à l’extrême-droite – le Rassemblement National – et l’extrême-gauche – que la dissolution avait rabiboché pour créer le Nouveau Front Populaire. Au soir du deuxième tour, le tour final de l’élection en fin de compte, les Français décidèrent de rejeter les consignes présidentielles pour la troisième fois en élisant à la première place le Nouveau Front Populaire. On pensait qu’après ces trois claques électorales successives, Emmanuel Macron allait se faire oublier dans son palais présidentiel. C’était mal connaître le personnage. Trois jours après les résultats des élections, il a demandé à l’ensemble des partis politiques républicains d’ouvrir le dialogue pour bâtir une majorité solide et plurielle pour le pays et, une fois de plus, il a donné ses consignes présidentielles pour sa constitution. Emmanuel Macron a précisé que c’est à la lumière des principes qu’il avait énoncés pour la constitution du front républicain qu’il décidera de la nomination du futur Premier ministre. En appelant à la constitution de ce front républicain, le Président de la République française ne respecte pas les résultats des dernières élections qui, on l’a compris, ne lui conviennent pas. À Maurice, nous avons eu un exemple du détournement des résultats d’une élection. En 1976, après les années noires de l’État d’urgence, de la censure et du renvoi des élections des années 1970, le MMM remporta les élections, mais une alliance de dernière minute entre le PTr et le PMSD lui vola sa victoire. Les électeurs mauriciens se vengèrent avec les 60-0 des élections de1982 où tous les candidats du PTr et du PMSD furent battus.
Si ce que Emmanuel Macron essaye de faire s’était produit dans un pays qui ne fait pas partie du bloc occidental, ses politiques, ses porte-parole et ses médias se seraient mobilisés pour le dénoncer et le condamner dans les instances internationales au nom de la défense des valeurs démocratiques. En ce qui concerne la tentative d’Emmanuel Macron de ne pas respecter le vote des Français, le silence est assourdissant. Aucun des défenseurs habituels du respect de la démocratie et des droits de l’homme n’a sourcillé. S’il s’était agi du Président d’un pays n’appartenant pas au bloc occidental, on aurait parlé de tentative de coup d’État présidentiel et de république bananière. Mais puisqu’il s’agit du Président de la France, grande puissance démocratique, on qualifie sa tentative de stratégie, de coup politique et même de coup de maître ! Et on l’on s’étonnera que de plus en plus de pays et de citoyens à travers le monde refusent cette démocratie à géométrie variable qui permet à un Président qui se dit républicain de refuser les résultats d’une élection…

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