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Ce vide que l’on ne comble pas

« La nature a horreur du vide », disait Aristote. Et c’est bien vrai ! Nous essayons tant bien que mal de le combler et, dépendant de la nature du vide auquel nous faisons face, nous essayons de le remplir par des petites astuces, des rencontres, des plantes, de la lecture, du sport, des passe-temps et tant d’autres choses. Mais il y a des vides que l’on ne peut ou ne doit pas combler.

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Imaginez-vous en train de marcher dans le désert, vide de végétation, de monde et de bruit ! Ce vide est à la fois grand et majestueux, silencieux et mystérieux. Chaque creux dans le sable, chaque contour dans la roche fait de la place à ce vide envahissant. Pourtant, cet endroit, dépourvu de tout, est le lieu même d’une présence insaisissable qu’on pourrait qualifier de Tout Puissant.

C’est aussi dans ce vide que la parole en nous peut se libérer, se questionner, s’exprimer. C’est dans ce silence que notre tapage intérieur peut s’entendre pour peu à peu faire de la place au rien si apaisant. Tant mieux si on se surprend à avoir une petite conversation entre le “moi” et le “je” en cet endroit même, car cela a un effet garanti : celui de nous vider la tête de tous les encombrements possibles, pour ensuite choisir de la remplir, plus tard, avec ce qui mérite de s’y installer.

Il y a un autre vide qui est, lui, céleste et qui fait rêver : c’est celui de l’azur sans nuage. Il est étourdissant de grandeur et de beauté ! Dégagé de toute nuée et de tout brouillard, le ciel bleu vide chasse toute mélancolie et apporte émerveillement et espérance. Nos yeux se promènent le plus haut possible et après le bleu clair ou intense du ciel, ces derniers se surprennent à désirer voir encore plus loin que ce bleu infini grand. Toujours plus, toujours plus loin !

Et que dire de l’océan à perte de vue. On peut voguer sur la mer des heures et constater que l’horizon ne cesse jamais de s’éloigner. On a beau vouloir rejoindre ce rivage qui semble être en face de nous que cette ligne droite se fond continuellement, se confond même, dans l’infini, énigmatique. 

Cette eau si profonde cache, au-dessous, une vie intrépide et pleine de surprises, de merveilles et de terreurs. Une vie intrigante, bien remplie et abyssale, s’y déroule loin de nos yeux. Mais au-dessus de l’eau, il n’y a rien que des vagues pour meubler le néant, il n’y a que le passage d’un majestueux paille-en-queue qui pourrait détacher nos yeux de ce lit émeraude hypnotisant. Et pendant ce temps, un léger mouvement de vagues nous berce tranquillement : gauche, droite, gauche, droite… Nos pensées sont comme portées par ce rythme infatigable. Là, au milieu de nulle part, on devient vraiment le centre du monde.

Mais ces vastes espaces nous font comprendre à quel point nous sommes petits. Un grain de sable dans l’immensité du désert, un grain de poussière dans le ciel bleu, une vapeur d’eau dans l’Océan… Et pourtant, il suffit qu’on ne soit plus là pour que cela se voit et se ressente !

En ce matin de Noël, il y a pour certains d’entre nous un vide plus grand que tout. Un vide immense, palpable et bien saisissable qui laisse perplexe et songeur. Un néant qui nous plonge dans une douce tristesse ou alors dans une inconsolable et insoutenable douleur. Cette place vacante, vous l’aurez probablement compris, est celle que laisse celui ou celle qui a quitté ce monde. 

Heureusement qu’il y avait, hier, cette veillée où nous avons suivi l’étoile et avons été envahis, comme des enfants, par l’excitation à la venue du fameux père Noël avec sa hotte remplie, elle, de cadeaux. Après cette nuit de fête et de partage, pleine de lumière et de réjouissance (car il y en a de quoi, avouons-le !), un vide nous habite peut-être en ce matin du 25 décembre. Une absence qui ne se comble pas, mais qui se vit parce que nous ne devons pas faire autrement. Nous ne pouvons balancer un deuil d’un revers de main, surtout en ce matin de Noël où la famille et les proches sont réunis. C’est un jour d’été où paix, joie et partage priment et sont les maîtres-mots, même si la consolation est un élément dont nous avons aussi besoin.

Ce vide nous rappelle que nous ne pouvons vivre pleinement cette fête aux mille facettes sans laisser venir à notre esprit les souvenirs de ceux jusqu’alors présents. Vide laissé en nous, malgré nous, ravivant ainsi des sentiments de tristesse et de nostalgie qui nous prennent à la gorge. 

Force est de constater, qu’alors que monsieur saint Nicolas, habillé de rouge et de blanc, laisse les cadeaux en cours de route sur son long parcours autour du monde, à bord de son infatigable traîneau, certains de nos proches nous ont, eux, laissés, leur chemin s’étant arrêté. Ils ont quitté le traîneau non pas pour descendre à travers une cheminée poussiéreuse mais pour monter vers les cieux étoilés. La route continue pour nous et nous ne pouvons nous arrêter en si beau chemin.

Chaise vide, place à table inoccupée, l’absence est présente en ce jour où les présents jonchent le sol au pied du sapin. Vide poignant, larmes tranquilles, cœur lourd, mélancolie ineffable et pourtant, pourtant, la joie revient, les rires éclatent, les enfants courent, délaissant leurs nouveaux jouets pour s’amuser avec les papiers cadeaux déchirés à la hâte ou avec des bouteilles en plastiques… vides. 

La vie renaît à chaque fois et cela est magnifique. Elle est le plus beau présent que nous ayons et c’est celui que nous devons chérir le plus. Car quand elle n’est plus, il ne reste plus que le vide. Ce vide que l’on ne comble pas, sauf, peut-être, par cette Présence qui se laisse sentir dans le désert ; cette présence qui est plus forte que tout et qui s’appelle l’Amour.

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