Boris Reibenberg est un assureur de voyages réputé. Et en tant que que Président de Présence Assistance Tourisme et de Tourigolf. Il connaît aussi très bien la destination Maurice. Il séjourne actuellement au Paradis Beachcomber Golf Resort & Spa dans le cadre du tournoi Tourigolf qui rassemble chaque année depuis 23 ans, une centaine de golfeurs patrons d’agences de voyages françaises et d’autres métiers du tourisme. Tourigolf revient au Paradis Beachcomber après deux ans d’absence, liée à la crise du Covid-19. Week-End en a profité pour interviewer Boris Reibenberg et ses propos éclairants sont très rassurants mais il y a matière à préoccupation…
Vous connaissez Maurice depuis 1987 et vous êtes venu plusieurs fois par an depuis 35 ans. Comment l’avez-vous retrouvé après l’épisode Covid ?
Franchement intacte. C’est intact avec des gens comme nous, avec une blessure par rapport à la crise sanitaire due au Covid. Nous sommes tous au même niveau. On est tous différents aujourd’hui. Et cette différence nous rapproche encore plus. L’accueil est toujours aussi chaleureux et c’est un tout petit mot. Pour nous, les gens n’ont pas changé et même s’ils ont changé, ils ont changé comme nous. Et ça c’est bien.
Il paraît tout de même que vous n’êtes pas toujours objectif quand il s’agit de Maurice ?
Si, au contraire. Je dis toujours : Maurice n’est certainement pas la plus belle île qui existe. J’ai eu la chance d’en voir beaucoup. Je suis allé en Polynésie, en Nouvelle Calédonie … On a le bonheur dans notre métier de voir des endroits sublimes et c’est vrai que l’île Maurice n’est pas la plus belle île. Mais il y a des ingrédients ici qu’on n’a pas ailleurs. Je suis critique mais la critique n’est pas toujours négative. Il y a une atmosphère à Maurice, des choses difficilement explicables, mais qui font que quand on arrive à Maurice, tout va bien. Dès qu’on descend de l’avion déjà. C’est une atmosphère qu’on n’a pas ailleurs. Une atmosphère qui est apportée par les gens, par l’air, par le paysage… Dans tous les endroits du monde où vous allez, c’est un produit et pour moi aujourd’hui, ici à Maurice — certes, il y a des choses un peu moins bien quelquefois, ou d’autres choses pas vraiment bien — il n’y a rien qui nous gâche notre plaisir. Et ça, c’est important. Ici, par exemple au Paradis de Beachcomber, il n’y a rien qui ne nous plaît pas. On se demande même, à chaque fois que l’on vient, si ce n’est pas mieux. Que vous alliez au bar, à la piscine, au golf, à la plage… Tout est bien. Très bien. Quand vous vous promenez dans les rues de Marrakech, les gars vous embêtent. Mais ici sur les plages, les gars ils passent, ils sont calmes, ils sont sympas. Tout est bien. On n’est pas béni quand on est ici, franchement ?
Est-ce que le port du masque et d’autres restrictions sanitaires que le gouvernement mauricien prolonge est un obstacle à la destination ?
Non, car nous sommes tous habitués à cela désormais. Partout où vous allez, le port du masque est une mesure nécessaire. Nous sommes venus de Paris sur Air Mauritius et avons eu à porter le masque du début à la fin du voyage. D’autres qui sont venus par Corsair n’ont pas eu besoin de mettre le masque jusqu’à la Réunion. Mais de la Réunion à Maurice, ils ont dû s’y plier. Et alors? Aujourd’hui on vit avec ce virus. Il est là pour des années, il faut s’adapter et vivre avec. On a tous toujours un masque sur soi et prêt à le porter s’il faut le porter. Ce n’est pas une contrainte mais plus un respect envers l’autre, une précaution. Ce qui est contraignant encore et qui médicalement n’a aucune logique, c’est le test PCR à l’arrivée à Maurice. Le problème est de savoir si on a des symptômes ou pas car on peut être négatif et porteur… Si on est malade, le stade de la contagion aura déjà passé depuis longtemps. Bref, la seule chose qui est dommage sur la destination c’est effectivement ce test à l’arrivée.
Quelles sont les causes qui sont encore un frein pour que les Français reviennent vers Maurice au lieu de privilégier des destinations moins éloignées et même de rester en France ? Bref, Quel est votre regard sur le comportement du touriste français en 2022 ?
Je ne dirais) pas comportement. C’est la situation qui a fait évoluer le touriste français. Ce n’est pas lui qui dit :«je ne vais pas voyager, je ne vais pas aller à Maurice, je ne vais pas faire de long courrier etc.» Pas du tout! La seule chose qui a fait qu’une partie de gens ne vont pas venir ou ne viendront pas immédiatement ce sont les tarifs. Le tarif est une chose importante dans la composante du voyage. La cherté du prix du billet d’avion est un frein, mais pas qu’à Maurice. Partout c’est pareil. Les gens qui ont l’habitude de voyager voyagent. Les voyageurs ont autant soif de destinations et de partir hors de France et encore peut-être plus qu’avant. En tant qu’assureurs de voyageurs, nous avons les baromètres et savons où les gens se rendent. Dès que les libertés de voyager ont redémarré, cela est parti en flèche. Nous avons des chiffres qui dépassent 2019. Le vrai frein aujourd’hui au départ c’est le prix du billet d’avion qui cause une perte sensible de clients par le fait de la baisse du pouvoir d’achat. L’envie elle est intacte.
En 2014, vous trouviez la flotte d’Air Mauritius vieillotte ? Avez-vous le même sentiment maintenant ? Que pensez-vous des prix pratiqués pour venir à Maurice ?
Oui, Air Mauritius est toujours une compagnie vieillotte. Elle a des systèmes de fonctionnement qui ne sont pas vraiment adaptés à ce qu’il y a de plus pratique. Tout le monde sait que la compagnie est passée par une crise sans précédent. Tout cela c’est la conséquence aussi de la crise. Qu’une entreprise traverse une crise est compréhensible mais, cela ne doit aucunement influer sur le voyageur. D’ailleurs, j’attends toujours des remboursements de billets d’avion.
Pourtant Air Mauritius a renouvelé sa flotte depuis…
C’est vrai qu’entre le moment où j’ai qualifié Air Mauritius de compagnie vieillotte et aujourd’hui, il s’est passé quand même beaucoup de temps et entre-temps, il y a eu pas mal de renouvellement d’appareils chez MK. Le fait qu’elle a mis des A350 et qu’aujourd’hui il y a une classe business qui est de qualité, cela change tout. Car à l’époque, les A340 qui étaient, comme on le disait dans notre jargon professionnel, des fers à repasser, avec une classe business qui était désuète, il n’y avait pas de rapport qualité-prix. Aujourd’hui il y en a un, on a un produit qui est bon et le tarif est le même qu’hier. Si on veut comparer Air Mauritius à Air France, Air Mauritius est dix fois mieux. Il n’y a aucune comparaison. Être installé en classe économie chez Air Mauritius et être installé en classe économie chez Air France, ce n’est pas le même voyage.
Que disent les professionnels français sur la destination Maurice ?
Tout le monde aime Maurice. La destination est parfaitement positionnée auprès des agences et tours opérateurs internationaux. Maurice reste une destination de choix, notamment pour les Français. Il y a de tout pour être heureux : le pays, le paysage, les hôtels, la destination francophone, les gens. Ce qu’on note avec satisfaction c’est que les établissements mauriciens — il y a certainement des exceptions — respectent la promesse. Si vous avez acheté du 3 étoiles, vous avez du 3, vous avez acheté du 4, vous avez du 4, vous achetez du 5, vous aurez du 5. Mais à tous les niveaux, la promesse est tenue. Il y a une honnêteté fondamentale du service et c’est très bien. Et puis malgré tout, même si on parle des tarifs du billet d’avion qui restent chers, la roupie a bien été dévaluée. Ainsi, en termes de pouvoir d’achats, des Français se retrouvent avec 15 à 20 % de capacité financière de plus qu’avant le Covid et ce pas neutre du tout.
Quelles mesures le gouvernement mauricien et ses autorités touristiques doivent prendre pour ramener la destination à la hauteur où elle se trouvait avant la pandémie ?
Comme je le disais, revoir le test PCR à l’arrivée serait un très bon signal. A ce stade le test PCR reste un obstacle fort pour le voyageur vers Maurice. Pour les gens qui se disent : «Si j’arrive ici et que je suis positif, qu’est-ce que je fais ? Rester huit jours dans ma chambre d’hôtel ? Mes vacances sont foutues.» C’est un véritable frein à la destination. En plus si les autorités avaient la possibilité d’avoir des pouvoirs coercitifs sur les compagnies aériennes, ce serait un plus. La taxe d’aéroport n’est pas hors de prix et les tarifs hôteliers sont raisonnables. Ce sont les surcharges des carburants qui sont une vraie composante de poids sur le prix du billet d’avion. Le vrai sujet du problème, il est là.
Et le produit lui-même, pensez-vous qu’il y a des améliorations à apporter à ce niveau ?
Evidemment il faut communiquer sur l’authenticité de la destination. Et les paysages verts. La destination Maurice oblige à 11heures de vol, 22 heures aller-retour, et ce n’est pas l’idéal. Comment le compenser ici ? Quand on parle de Maurice, tout le monde voit les cocotiers, la plage, la mer, mais vous avez tellement à offrir… Il y a tout ce qui est lié au vert ici : les randonnées, les cascades, les balades dans les Gorges de Rivière Noire … Magnifiques et cela plaît beaucoup. Il y a autant de sites qu’à la Réunion par exemple et pour le même temps de vol ! Mais ce n’est pas assez mis en avant. Les vendeurs eux-mêmes ne le savent pas. Ils connaissent très peu la destination Maurice autrement qu’en tant qu’une destination balnéaire. Il faut dès lors remettre en perspective tout ce qu’il y a autour de la destination. Il faut aussi reparler d’une chose qui a été un peu battue en brèche ces dernières années : l’aspect sécurité. Maurice est une destination safe. C’est indiscutable et cela fait partie des points que nous en tant qu’assureurs d’ailleurs nous pouvons facilement vérifier et attester. Et ça il faut vraiment en parler. Il ne faut pas avoir peur de le dire. Généralement on parle de la sécurité pour dire qu’il y a un problème. Mais il faut dire qu’il n’y a pas de problème aussi.
Vous êtes un grand amateur de golf. Comment Maurice se positionne-t-il sur la carte des destinations mondiales de golf ?
Mondialement, il y a des endroits beaucoup plus fournis en golf. Mais ce qui est offert à Maurice est suffisant. Il y a deux golfs à Belle Mare, un à l’île aux Cerfs, un à Anahita, celui de Mont Choisy, de Tamarina, et celui du Paradis. Si vous voulez donner une image de beauté, de plénitude à un golfeur, il faut lui donner la vision du trou No 16 du Paradis. Il y a aussi le golf du Château et celui d’Avalon. C’est beaucoup pour une petite île comme Maurice. C’est énorme même. Ce qui serait bien c’est qu’il y ait des liaisons qui soient plus faciles entre ces golfs. Aujourd’hui il n’y a pas d’autres solutions que la route. Si je suis au Paradis et que je veux aller jouer à Belle Mare, c’est une heure et demie de route. Et deux heures pour rentrer. La liaison entre les golfs du nord et du sud et de l’est à l’ouest est compliquée. N’empêche que les parcours restent des atouts sportifs et touristiques. Le golf aujourd’hui c’est golf et spa. Il faut aussi miser dessus.
Et le tournoi Tourigolf qui revient au Paradis Beachcomber? Comment l’appréhendez-vous ?
Cela se passe très bien. Quand on arrive ici on n’est pas dans l’inconnu. Et il y a une équipe Grand Pro derrière l’organisation du tournoi. Il n’y a pas de débats et pas de problèmes. C’est la décontraction totale.
Tourigolf était, dans les années 2010, engagé dans le social dans le village de la Gaulette. Pensez-vous prolonger cette œuvre humanitaire en collaboration avec la FED ?
Bien-sûr que nous poursuivons notre engagement. Il n’y a pas de projets particuliers mais nous soutenons ce village dans la mesure des fonds récoltés. Certaines fois il y a des opérations spéciales. On n’a pas vu les gens du village depuis trois ans et il y a certainement eu des besoins différents depuis. On dressera une liste et on prendra les mesures en fonction.