Il aura fallu une semaine pour que le gouvernement fasse connaître sa position sur les incidents survenus à la place d’Armes, samedi dernier. Rappelons les faits : depuis plus d’un mois, le Collectif Arc-en-Ciel avait demandé à la police l’autorisation d’organiser la Marche des Fiertés de la communauté LGBT à Port-Louis, le 2 juin. Après avoir refusé cette autorisation, la police décide de l’accorder à la fin du mois de mai. La manifestation du collectif est donc légale. Cependant, quelques jours avant sa tenue, les réseaux sociaux sont inondés de protestations contre cette marche et surtout des menaces sont lancées contre ses organisateurs. La police, si prompte à interpeller les internautes qui critiquent le gouvernement et ses ministres, ne réagit pas. Même quand des dépositions en bonne et due forme lui sont faites. Et puis, samedi, alors que le Collectif Arc-en-Ciel commence ses activités, des membres d’un groupuscule, qui se dit religieux, se réunissent à la place d’Armes pour manifester contre la marche autorisée. Au lieu de faire respecter la loi et de disperser une manifestation illégale en face de l’Hôtel du gouvernement, la police entame le dialogue avec les manifestants pour les calmer. Car ces manifestants tiennent des propos à la limite de l’incitation à la haine, fustigent et menacent les LGBT qui, selon eux, doivent disparaître de la surface de la Terre. Il est à souligner que quand des rastas manifestent pacifiquement, la police ne prend pas de gants et ne tente pas de les calmer, elle les interpelle. Souvent en utilisant la manière forte.
Le comportement du gouvernement dans cette affaire est ahurissant. Le Premier ministre joue aux abonnés absents, tout comme les membres du gouvernement. Les partis d’opposition ne réagissent pas mieux. Leurs porte-parole font dans les généralités et certains laissent même entendre qu’il n’y aurait pas eu de contre-manifestation si l’activité du collectif n’avait pas été autorisée. Selon cette logique, très particulière, ce n’était pas les manifestants illégaux qui étaient responsables des incidents, mais ceux qui avaient suivi les procédures !
Il y a eu mieux, si l’on peut dire. Interrogé par une radio privée, un député du PMSD, qui se trouvait non loin de la manifestation illégale, a déclaré qu’il se considérait comme musulman avant d’être Mauricien. A la suite de cette prise de position, le leader du PMSD a déclaré que les propos de son député, pourtant diffusés en direct, avaient été manipulés. Les politiciens n’ont pas réagi par calcul ou par peur électorale. Ils se sont dit qu’après la démission forcée d’Ameenah Gurib-Fakim de la présidence de la République, il valait mieux, en plein mois du ramadan, éviter de prendre des positions qui pourraient blesser la communauté musulmane. Ces politiciens opportunistes se sont-ils posé cette question fondamentale : est-ce que la communauté musulmane mauricienne se retrouve dans les discours et menaces du groupuscule extrémiste que l’on a vu à l’œuvre samedi dernier, à la place d’Armes ?
Et puis, vendredi, le gouvernement a enfin réagi pour donner son point de vue sur les incidents de samedi dernier. C’est un trio, composé de deux transfuges politiques et d’un membre du MSM, qui a porté la parole gouvernementale. Si le gouvernement communique par l’intermédiaire de députés, à quoi servent donc les ministres et le premier d’entre eux dans les situations de crise ? La position du gouvernement est la suivante : « Maurice est un état de droit et chaque Mauricien peut vivre comme bon lui semble. Le but du gouvernement est de veiller au grain que la loi soit respectée. » C’est une prise de position qui aurait due avoir été communiquée aux Mauriciens le soir des incidents, pas une semaine après et par le chef du gouvernement en personne. Il aurait dû avoir ajouté le message suivant : « Maurice, un Etat laïc où tout un chacun peut pratiquer ou non sa religion dans le respect de celles des autres Mauriciens. Le gouvernement ne tolérera aucun chantage et aucune menace de quelque groupe que ce soit et veillera à ce que les lois de la République soient respectées. » Le problème c’est que cette prise de position est arrivée un peu tard, comme la tisane après la mort. Entre-temps, les autorités ont laissé le champ libre au groupuscule qui a pris cette absence de réaction comme une victoire. Encouragés par l’inaction des autorités, d’autres ont profité de la situation et multiplié les menaces et propagé les rumeurs les plus folles, notamment des menaces d’attaques contre des centres commerciaux. Si les autorités ne prennent pas, rapidement, des mesures drastiques pour « veiller au grain que la loi soit respectée », nous risquons de nous retrouver dans un climat social de méfiance, de menaces et de peurs alimentées par les rumeurs des extrémistes.
C’est l’objectif qu’ils se sont fixé !