Adi Teelock (PML) : « L’incinération des déchets solides est, comme Mare Chicose, une bombe à retardement »

Deux semaines après que l’incendie qui s’est déclaré au site d’enfouissement de Mare Chicose, l’heure est au constat. Si les habitants aux alentours se plaignent toujours de la forte odeur de brûlé, l’on ne sait toujours pas ce qui a causé l’incendie ou encore si celui-ci aura, dans la durée, un impact sur la santé des habitants et sur l’environnement. Adi Teelock, porte-parole de Platform Moris Lanvironnman (PML), tire une fois de plus la sonnette d’alarme sur le site d’enfouissement qui a déjà atteint son point de saturation et parle de l’urgence d’une stratégie nationale axée sur l’économie circulaire et sur l’implication et la conscientisation de la population sur le tri.

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Quelle est votre lecture des récents événements à Mare Chicose ?

— Y a-t-il eu un défaut de vigilance de la part de ceux qui ont la responsabilité de gérer le centre d’enfouissement ? Est-ce que la mise en décharge se fait en conformité avec le contrat de joint venture entre le gestionnaire et les autorités ? Beaucoup d’images ont circulé pendant les deux semaines de l’incendie et certaines sont troublantes, car elles semblent, je dis bien semblent, montrer un stockage à l’air libre, ce qui ne se fait pas dans un centre d’enfouissement. En raison de la composition des déchets — à plus de 60% de matière organique putrescible — beaucoup de méthane est produit. Gaz hautement inflammable, s’il s’échappe, il suffit d’un rien pour déclencher un feu. On le voit dans les centres de transfert de déchets également. Seule une enquête bien menée, en toute transparence, pourra déterminer la ou les causes de l’incendie. En tout cas, cet incendie a remis dans l’actualité l’énorme plaie qu’est Mare Chicose et à quel point un centre d’enfouissement peut négativement impacter sur la santé humaine et l’environnement.

Ce n’est pourtant pas la première fois qu’il y a un incendie là-bas…

— Depuis le début de l’incendie, comme en 2013, ce qui a interpellé, c’est l’assurance donnée par le ministère de l’Environnement sur la qualité de l’air et la soi-disant absence de danger pour la population environnante. Quand il y a combustion de déchets mixtes, des centaines de composés chimiques sont produites sous forme de gaz. Dans ses réponses au Parlement sur l’incendie, le ministre de l’Environnement a donné une liste de pas moins de quinze substances qui ont été testées par le National Environment Laboratory pendant l’incendie. Alors comment le ministère peut-il affirmer qu’il n’y a aucun danger pour la population ? Le 29 novembre, il a promis de déposer à l’Assemblée nationale les résultats détaillés des tests, mais il semblerait que cela n’ait pas été fait jusqu’ici.

Quelles seraient, selon vous, les solutions pour résoudre le problème de ce site d’enfouissement qui a atteint son niveau de saturation ?

— Mare Chicose a déjà atteint le point de saturation et au lieu de s’étendre à l’horizontale, elle le sera à la verticale. Cela fait des années que Platform Moris Lanvironnman (PML) et d’autres militent pour une gestion des déchets selon le principe des 3 R que sont la Réduction, la Réutilisation, le Recyclage. Et ça comprend aussi le compostage. La stratégie Maurice Ile Durable (MID) allait dans cette direction, mais a été stoppée, sur le plan national, à partir de 2015. Mais depuis au moins 15 ans, des ONG — et ici il faut saluer Mission Verte, créée en 2007 —, des citoyens, de petites entreprises (et même des grandes) multiplient les initiatives dans cette direction avec des résultats probants. Mais sans une politique, une stratégie et un plan national cohérents, inclusifs et dotés de moyens pour en assurer l’opérationnalité, les progrès ne peuvent être que trop lents et parcellaires.

Pendant au moins cinq ans, le gouvernement a voulu pousser l’option « incinération des déchets », le CEB lançant même deux appels à proposition en ce sens. L’incinération des déchets solides est, comme Mare Chicose, une bombe à retardement. Suite aux Assises de l’Environnement et l’échec de ces deux appels à proposition, les autorités vont de l’avant avec l’économie circulaire. Ce qui est un grand pas dans la bonne direction, mais la vigilance reste de mise, car il ne faut pas que la question des déchets devienne une question purement économique au détriment de grands challenges que sont la réduction des déchets d’abord et la disparition d’un gagne-pain pour des dizaines de personnes qui opèrent comme waste-pickers informels jusqu’à l’heure.

Ce qui est très important aussi pour le succès de la stratégie, c’est une période de transition dans laquelle toute la population est conscientisée sur l’importance de la démarche et formée au tri.

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