Qui peut désormais arrêter la conquête triomphale de l’écurie Gujadhur sur les trophées majeurs du calendrier hippique mauricien ? Hormis la Duchesse où un incident de course a peut-être privé son coursier Table Bay d’une victoire attendue, la casaque bleu électrique a trusté les deux autres épreuves de Groupe 1, le Barbé et le Maiden, sans compter ses quatre victoires dans les épreuves principales, un total de six succès importants qu’il partage avec l’écurie Rameshwar Gujadhur. S’il est vrai que les nouvelles directives de le Gambling Regulatory Authority (GRA) sient mieux à l’écurie Gujadhur, qui s’est doté d’un effectif pléthorique dans les hautes fourchettes du rating mauricien — puisqu’il peut inscrire plus de partants dans les épreuves classiques —, il n’en demeure pas moins vrai qu’il possède des chevaux de grande classe qui lui permettent de jouer au matamore et de collectionner les victoires importantes.
Pourtant, au total, l’écurie Rousset a gagné jusqu’ici plus de courses que ses confrères (30 contre 21 pour Gujadhur et 23 pour Rameshwar Gujadhur). Mais son manque de réussite dans les courses principales pour pouvoir contrer la course de son irrésistible rival vers un nouveau titre de champion semble bien compromis, à moins que la glorieuse incertitude du turf ne frappe encore une fois en sa faveur ! Mais sur ce qu’on constate depuis l’arrivée de Dan Stackhouse à l’écurie Gujadhur à la 12e journée, la montée en puissance de la casaque bleu électrique est impressionnante, car elle a glané six épreuves principales sur 11. Le doublé magique du Maiden est probant à cet égard !
Le Maiden 2018 n’a d’ailleurs été qu’une course entre Gujadhur (G) et Rousset (R). Aux avant-postes, The Great One (G) et Dawn Raid (R) assuraient un train sélectif pour eux-mêmes, mais aussi pour leurs compagnons d’écurie, afin qu’ils imposent leur force du pas et fassent parler la pointe de vitesse finale de leurs compagnons d’écurie. Et à l’arrivée, cela a donné 1er et 2e pour Gujadhur, 3e et 4e pour Rousset, et… 5e pour Gujadhur avec Disco Al ! Le suspens final dans ce Maiden 2018 mémorable n’a eu de source que de savoir lequel des deux meilleurs chevaux de l’établissement Gujadhur, The Great One ou Enaad, allait s’imposer. À mi-ligne droite, The Great One semblait avoir course gagnée, d’autant qu’Enaad, lancé brutalement à 500 mètres de l’arrivée — sans doute dans la crainte de voir son valeureux compagnon d’écurie avec tant d’avance — donnait l’impression de perdre ses appuis dans le virage et un peu de son momentum.
Alors que Rama combattait la tendance de son cheval à verser légèrement à l’intérieur, Stackhouse donnait, lui, le temps à sa monture de se rééquilibrer, avant de lui demander de passer la surmultipliée. Dès lors, l’issue de la course ne faisait plus aucun doute et la distance à l’arrivée, moins d’une longueur, ne reflétait pas la supériorité du champion stayer, qui enregistrait du coup son deuxième Maiden d’affilée. Un exploit que seul Lines Of Power avait inscrit au palmarès de ce Ruban bleu avant lui. Derrière, Ten Gun Salute démontrait qu’il a l’étoffe, alors que Dawn Raid nous gratifiait, avec sa quatrième place, d’un parcours exceptionnel.
La joie de cette foule nombreuse au Champ de Mars dimanche témoigne de la réelle émotion qu’a suscitée cette édition du Maiden, indécise jusqu’au bout. La fierté et la satisfaction du clan des Gujadhur étaient légitimes et les félicitations méritées. Tant de moyens financiers et d’investissements humains ne doivent leurs dividendes qu’à moins de trois minutes de course hippique, deux tours du Champ de Mars et à la maestria ou non d’un jockey constituent une épreuve insoutenable pour tous ceux qui ont donné des centaines d’heures de travail pour toucher le Graal. Mais lorsque jaillit la victoire et que l’objectif est atteint, quel plaisir ! C’est cela la magie des courses.
Cette journée du Maiden fut, à bien des égards, une journée exceptionnelle et il est de bon augure que le premier contact entre le monde hippique mauricien et le nouvel integrity manager de la GRA, M. Beeby, eut été celui de la félicité plutôt que des pales images dont notre hippisme est malheureusement capable d’engendrer lorsque les fleurs du mal s’en mêlent. Si ce Britannique de grande expérience et la compétence reconnue de ses pairs dans son pays d’origine peut travailler sans que certaines grandes pontes de la GRA ne s’ingèrent dans ses attributions, cela pourrait changer la face mafieuse des courses, même si son champ d’action chez nous dépasse largement le cadre du monde hippique.
À cela, il faudra, de concert, une Stipes Room plus courageuse, plus ferme et encore plus compétente, surtout si l’on veut combattre le mal du dopage là où il se trouve et le plus rapidement possible. Après avoir asservi la suite des enquêtes des cas de dopage de Maxamore et Aspara à la solde d’une enquête policière (des Jeux) qui prendra des années, ne voilà-t-il pas que celle de League of Legends prend le même chemin. Non seulement les Stipes ont accepté le dangereux précédent qu’un avocat participe à une enquête domestique, mais ils ont renvoyé aux calendes grecques la suite de cette enquête pourtant cruciale puisque tout au long du parcours de ces échantillons, tout a été fait pour étouffer cette affaire. Autant dire que le quatrième cas de dopage connaîtra le même sort. C’est-à-dire que les responsables et les vrais coupables s’en sortiront sans jamais être inquiétés.
Cette posture adoptée par l’équipe de Stephane de Chalain est celle de Ponce Pilate qui se lave les mains sur ses responsabilités et laisse les événements intérieurs à sa juridiction conduite pas des éléments extérieurs qui n’ont pas les mêmes intérêts et objectifs. Cette approche est contraire à l’acharnement démontré il y a quelque temps dans l’affaire Gameloft. En tout cas, le signal envoyé à la communauté des defaulters des courses, c’est qu’ils peuvent, avec l’appui de leurs complices, continuer à doper à gogo puisqu’ils ne seront jamais inquiétés dans l’immédiat. Autant ouvrir la porte des écuries et libérer les chevaux de leurs geôles dorées.
En attendant, la GRA continue son jeu de séduction auprès des professionnels de courses qu’elle a reçus en début de semaine dans le cadre d’une réunion multipartite où la grande majorité des entraîneurs de courses — sauf Rousset et Gujadhur — a pu exprimer ses doléances à la GRA, aux ministères des Finances et du Travail, et à la Mauritius Revenue Authority. Ont été clairement mis sur le tapis les rôles et responsabilités des uns et des autres, et l’impression générale qui se dégage est qu’il y a des voies pour alléger le fardeau des taxes sur l’importation des chevaux, l’amélioration des procédures pour l’emploi des jockeys et défaire d’autres nœuds gordiens. Il y a l’espace pour un espoir de changement, encore faut-il que les promesses soient tenues et que la méfiance fasse place à la confiance mutuelle. Sans compter qu’il faille dissiper tout le flou de certaines règles qui, pour l’heure, ne facilitent pas les choses pour le MTC, qui ne sait souvent pas à quel saint se vouer et à qui s’adresser.
Personne ne semble vouloir la mort des courses, même si des actes des autorités l’encouragent. Le temps est à l’enlèvement des obstacles à la survie des courses, le temps est aussi à la fin de la politique des petits copains… Le temps est au retour à la magie des courses hippiques.