Jamais fin de saison n’aura été aussi attendue que celle de la présente année. La saison 2018 a surtout été marquée par les cas de dopage qui ont miné les esprits depuis le mois de mai jusqu’aujourd’hui. La faute aux commissaires de courses qui ont laissé ces affaires trop longtemps dans les tiroirs, dans l’attente d’une hypothétique conclusion des autorités policières, susceptibles d’enlever toute responsabilité aux entraîneurs. L’expérience a montré que les enquêtes de la Police des Jeux n’ont jamais rien produit de probant, si ce n’est en fin de compte des sanctions mineures aux petits exécutants de l’acte d’injecter les produits dopants aux chevaux…
Cela n’enlève en rien la responsabilité de la Chambre des commissaires des courses qui, elle, a l’obligation et le devoir de faire appliquer et respecter les rules of racing, qui situent clairement le responsable en cas de doping. Ce volet des enquêtes est purement administratif et n’a rien à faire avec le volet criminel, qui est l’apanage de la Police des Jeux. Ces enquêtes doivent être faites le plus rapidement possible pour qu’elles ne rejaillissent pas trop longtemps sur le reste de l’activité hippique, qui a besoin de plus de sérénité. Chacun sait pertinemment que la responsabilité de l’entraîneur ne veut pas dire culpabilité, sauf si l’enquête policière vient infirmer ce postulat plus tard.
Cela dit, il faut profiter de l’intersaison qui vient pour revoir cette affaire de responsabilité impliquant uniquement les entraîneurs, alors qu’ils partagent la surveillance de leurs écuries avec le Mauritius Turf Club, qui est celui qui fait les contrats et sanctionne. Il est grand temps que le MTC se départisse de ce rôle de juge et partie, et confie la totalité de la surveillance des établissements à ceux qui sollicitent des licences d’entraîneurs en les informant clairement que les sanctions seront vraiment sévères.
La guerre contre le dopage est surtout l’affaire de la Police des Jeux, qui a le devoir de trouver les vrais coupables. La Gambling Regulatory Authority doit exiger de son bras répressif des résultats. Il n’est pas possible que, au fil du temps, ce ne soit que des pauvres palefreniers — qui ont certes succombé à la tentation de l’argent facile — qui soient les seuls à payer une faute qui nécessite de l’argent, le savoir-faire et une stratégie de betting derrière. Il est inconcevable que la Police des Jeux n’ait jusqu’ici jamais officiellement identifié, inquiété ou démantelé les membres influents de la chaîne du dopage qui inclut des commanditaires, des professionnels de la chimie des chevaux, mais aussi des acteurs du betting. Une telle absence de résultats dans le microcosme hippique mauricien, où tout se sait, où tout le monde se connaît, est vraiment plus que suspect.
La lutte contre le dopage dans le milieu hippique ressemble fort à celle de la drogue dans le pays. On découvre tous les jours de nouveaux passeurs qui vont croupir dans nos prisons pendant de longues années, mais la drogue continue à traverser nos frontières. À cela une raison bien simple. Les commanditaires, ceux qui contrôlent ce trafic et bénéficient de la plus-value, ne sont, eux, miraculeusement jamais inquiétés. Étonnant quand on sait que pour le Mauricien moyen, la moindre de ses transactions financières est scrutée, analysée au point et il doit en permanence tout expliquer, alors qu’il s’agit de son argent proprement gagné.
Mais la plus grande menace qui pèse sur les courses mauriciennes, c’est la désaffection lente mais inéluctable dont elles sont actuellement victimes. Les sautes de forme qui reprennent du poil de la bête comme chaque fin de saison et qui rendent certains bookmakers de moins en moins fiables, le manque d’intérêt de la part des bons jockeys étrangers pour monter chez nous et l’absence de vigilance des commissaires de courses sont autant de raisons imputables à l’activité pour expliquer le doute qui assaille les turfistes de longue date.
Pourtant, les efforts consentis par les propriétaires pour l’achat de nouveaux chevaux de qualité ont redonné de l’influx à la compétition et la nette dominance des écuries vedettes a été mise à mal cette saison, même si elles occuperont au final les trois premières marches du podium. Par ailleurs, les changements en cours au sein du régulateur et de l’organisateur des courses sont des éléments majeurs qui devraient redynamiser l’industrie, à condition bien sûr que la GRA et le MTC s’accordent enfin sur un minimum vital et que chacun s’attelle à ses seules prérogatives.
Mais les courses mauriciennes ont accumulé dans cette guéguerre avec la GRA un retard qui peut leur être fatal si elles ne réagissent pas rapidement. Il est indispensable que le MTC saisisse les opportunités qui s’offrent à lui et ne les sacrifie pas sur l’autel des amitiés et des liens de sang qui, aujourd’hui, lui valent l’essentiel de ses problèmes. Pendant qu’elle obstruait le développement hippique, la GRA favorisait, par le biais de délivrance à gogo de permis, la pénétration des tentacules de la concurrence dans le domaine du gaming et du betting qui ont pris une ampleur sans précédent à travers l’île. Hormis l’extension du Loto, l’installation de PMU Maurice et le réseau des jeux, loteries et paris de la galaxie Lee Shim sont aujourd’hui autant de concurrents sérieux aux courses mauriciennes, qui puisent leurs revenus de ceux qui leur étaient dans le passé uniquement réservés.
Alors que les officines des courses sont renvoyées manu-miltari au Champ de Mars, les points de vente des loteries et des courses étrangères s’incrustent durablement dans les villes et les campagnes mauriciennes, et modifient petit à petit le comportement du gambler. Quand on ajoute à cela l’arrivée prochaine des machines à sous et d’autres machines de jeu destinées aux joueurs à travers l’île, on peut rapidement imaginer combien les courses vont devenir une préoccupation de plus en plus diluée dans l’esprit de cette jeunesse mauricienne.
Les courses hippiques sont le dernier loisir d’union des Mauriciens dans leur diversité. Leur avenir est aujourd’hui menacé par une concurrence déloyale dans le domaine du jeu encouragée par certains à la GRA pour assouvir l’appétit gargantuesque d’un ami du pouvoir qui ambitionne de reprendre l’activité hippique lorsque ses animateurs actuels seront à genoux. Malheureusement, à ce rythme, les courses hippiques pourraient connaître le même sort que le train qui a disparu et qu’on tente de remettre sur les rails à travers le métro…
Paradoxalement, ceux qui veulent faire revivre le train sont ceux-là mêmes qui sont en train de porter l’estocade aux courses mauriciennes, qui se retrouvent du coup au bout du rouleau…