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SOCIÉTÉ: Commission Justice et vérité, rendez-vous manqué avec l’Histoire

Trois sujets d’actualité ont retenu l’attention. D’abord le Rapport Carcassonne, sur quoi il n’y aurait plus rien à dire. Caduc. Sauf, peut-être, qu’il s’est fait quelques semaines de vacances au frais du citoyen à qui on n’a pas demandé son avis. Dans la foulée M. Rama Sithanen, sacrifié à l’Autel de l’Alliance de l’Avenir, renaît de ses cendres, le v’là Super Citoyen Rama qui vole au secours de la réforme électorale. Souhaitons-lui quand même bonne chance pour le pays et pour nous.
Deuxième sujet, ce qui se dessine avec le Grand Art de la Nébuleuse, pardon, la Galerie d’Art Nationale de M. Alain Gordon-Gentil. Opacité ! Rumeurs ! Omerta ! Rétention d’information ! Refus obstiné de communiquer ! Intox ! Informations au compte-gouttes ! Etc. Que Mmes. Barbara Luc et Brigitte Masson aient remis les documents officiels de la Donation Michel Dauberville au Premier Ministre, en soi ce n’est pas une mauvaise chose, cela vient confirmer l’engagement pris (voir le catalogue), lors de la « Rétrospective Hervé Masson », au MGI en 2005, inaugurée par M. Paul R.Bérenger alors Premier Ministre. Mais c’est quand même mettre la charrue avant les boeufs. A chacun son calendrier. En tout cas pour l’effet d’annonce, exclusivité de la MBC, c’est bien joué.
Mais arrêtons-nous à la Commission Justice et Vérité de loin plus importante. Il est indéniable qu’elle a abattu un travail colossal en deux ans, même si elle s’est un peu éparpillée. Ce sont ses recommandations à tout va qui interpellent et qui risquent de plomber l’espoir d’une avancée pour la Nation. Sa première erreur aura été de ne rien faire, dès le début de ses travaux, pour bien faire comprendre que jamais, dans aucune circonstance, des compensations financières ne seront versées à des individus. Cette faute, grave, entraîne déjà d’énormes frustrations. C’est retourner la plaie autour du couteau. C’est permettre à des lobbies sectaires de remonter au créneau en utilisant la misère humaine à des fins politiques.
L’autre erreur magistrale, recommander à l’Etat de demander pardon ! Quelle Abomination ! Demander aux Enfants mêmes du Drame de demander pardon ! A qui ? A eux-mêmes ? On ne peut invoquer la continuité de l’Etat, puisque l’état mauricien n’existe pas avant le 12 mars 1968. Avant, c’est la métropole coloniale qui exerce son autorité sur la population locale. C’est une mauvaise lecture de l’Histoire juridique et constitutionnelle.
Troisième erreur, ne pas faire de recommandations formelles quant à une exigence absolue de demande de réparations à l’oligarchie sucrière et aux autres entreprises ayant bénéficié directement et indirectement de l’Esclavage et de l’Engagisme en les citant nommément. C’est impardonnable, quand de surcroît, nous le savons tous, les descendants directs des esclavagistes sont aujourd’hui des patrons qui exploitent la main d’oeuvre issue directement de l’Esclavage et de l’Engagisme. Le capitalisme est l’héritier unique de l’Esclavage, de l’Engagisme et du Colonialisme. C’est un blanc-seing donné à l’oligarchie ! C’est donner quitus à l’Eglise Catholique qui s’est empressée de faire acte de contrition.  La commission avait le devoir de proposer une méthode de calcul pour le montant des dommages et réparations (termes plus adéquats que compensations) et un calendrier sur les modalités de paiements. De plus, le pardon est une aberration inventée par l’Occident, dans un passé récent, pour solde de tout compte et pour se dédouaner. C’est trop facile, trois mots lâchés qui ne coûtent rien, et la larme à l’oeil pour gommer des siècles de Génocide et de Crime contre l’Humanité. Aucune proposition claire n’est faite non plus sur un montant à réclamer aux anciennes métropoles coloniales et sur les méthodes de coercition prévues pour que tout ça ne demeure pas symbolique.  
Sur le problème des terres spoliées, là aussi la CJV se plante. Elle a nécessairement eu connaissance de certaines malversations dont certains notaires, des avoués, des avocats, des géomètres experts se seraient rendus coupables. Pourquoi ne pas citer des noms, des cas ? Et ne pas demander l’application de la loi ? Pourquoi ne pas demander clairement que certaines transactions soient cassées devant les juridictions compétentes ? Proposer, encore, une nouvelle institution pour gérer ces cas, c’est laisser la porte ouverte à un renvoi aux calendes grecques, des réponses que les victimes étaient en droit d’attendre dans un délai plus court.
Pour certaines recommandations, notamment en ce qui concerne les discriminations, le racisme, l’incitation à la haine et à la violence, il existe déjà des lois pour les sanctionner, comme les garanties constitutionnelles concernant l’égalité en droit. C’est encore remettre à plus tard et demander de nouveaux outils, à chaque fois qu’on est, en réalité, incapable de faire appliquer la loi. Revenir sur le best loser, ce vieux combat, c’est enfoncer des portes ouvertes.
Tout citoyen démocrate et républicain ne peut qu’applaudir les recommandations qui tendraient vers une meilleure répartition des richesses, plus d’égalité, de justice, une réforme en profondeur sociale, politique et économique, mais force est de constater que ce sont des revendications de  gauche depuis des lustres, depuis les Pères Fondateurs du Parti Travailliste. Ne mettons pas en doute le bien-fondé de ces demandes, la sincérité et les bonnes intentions de la CJV, mais en se fondant sur des attributions trop floues, elle s’est laissé aller à des extrapolations qui l’ont poussée vers une autre réflexion menant au final à un Projet de Société et un Programme Politique. Elle confond ce qui découle à proprement parler de l’Esclavage et de l’Engagisme avec d’un côté les séquelles du colonialisme et de l’autre ce qui est spécifique au capitalisme. Trop loin de son objet initial en touchant à toutes les sphères de la société mauricienne contemporaine, elle finit par se tromper et dérive vers ce qui donnera au pouvoir politique les arguments pour n’appliquer que des mesures cosmétiques et électoralistes. C’est pour cela que ses recommandations risquent, ce que nous ne souhaitons pas, de se solder par un rendez-vous manqué avec l’Histoire.
Concluons en disant qu’il était impossible d’analyser, ici, chaque thème dans le détail. Ce qui est souhaitable, c’est que la CJV puisse avoir une « deuxième vie », c’est-à-dire que d’une part ses membres puissent participer activement à un large débat citoyen et d’autre part qu’ils s’adjoignent pour ce faire, au sein d’une « Commission Élargie », des citoyens, des intellectuels, des juristes, des syndicalistes, des travailleurs sociaux, des professionnels, etc. Cela permettra que la Nation s’approprie le rapport, peut-être le sauve, puis en le scindant en trois temps d’exécution à court, moyen et long termes, faciliter un suivi citoyen pour sa mise en application. La constitution de ce groupe de pression évitera également les subterfuges politiques pour un report sine die.
Par ailleurs, la CJV recommande qu’un Monument soit érigé, dédié à « La Journée Internationale du Souvenir de la Traite Négrière et de son Abolition » et célébrée, comme décrétée par l’UNESCO, depuis le 23 août 1998. Maurice célébrait cette année-là « Les 400 Ans de l’Arrivée des Hollandais », mais à cette même date fut érigé un Monument à Vieux Grand Port dédié aux Esclaves. En 2000 M. Motee Ramdass, alors Ministre des Arts et de Culture, dévoila officiellement le Monument et une plaque fut apposée. Est-ce que la CJV, où les membres qui la constituaient, feront que ce Monument devienne « Le » Monument de cette commémoration ? Je suis l’artiste qui l’a conçu dans le cadre d’une manifestation d’Art Contemporain intitulée « 1000 RONDIN/TOTEM PU LAMEMWAR ».

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