À l’aube d’une nouvelle saison, l’industrie des courses rêve encore de renouveau, mais avance à pas incertains, lestée par les blocages d’hier et les silences d’aujourd’hui. Sans cap clair ni soutien tangible, la lumière au bout du tunnel demeure, pour l’instant, une lueur vacillante.
À quelques semaines du coup d’envoi de la saison hippique 2025, le secteur reste plongé dans l’incertitude. Malgré les efforts de réorganisation et la mise en place d’instances de réflexion, les décisions tardent, les moyens financiers manquent, et les tensions internes persistent. Entre attentes légitimes et promesses qui peinent à se concrétiser, la relance du secteur se heurte à de nombreux obstacles. La fenêtre de tir pour remettre la filière sur les rails se referme dangereusement.
Depuis l’arrivée au pouvoir du nouveau gouvernement, les attentes étaient immenses pour redonner vie au secteur hippique. Fragilisée par des années de turbulences, l’industrie attend un second souffle, porté par un cadre plus structuré et une vision cohérente. Pourtant, à ce jour, les incertitudes demeurent, et l’urgence de passer à l’action se fait de plus en plus pressante.
Des intentions louables, une mise en œuvre laborieuse
La création du High Level Committee avait été perçue comme un signal fort et encourageant. Ce comité était censé poser les jalons d’une refonte ambitieuse du secteur. Pourtant, alors que son rapport se fait toujours attendre, des décisions pressantes sont déjà mises en œuvre sur le terrain. Ce décalage entre stratégie et action entretient un climat de flou. Les acteurs de la filière – jockeys, entraîneurs, propriétaires, organisateurs – avancent à l’aveugle, privés de la visibilité indispensable pour se projeter.
Des signaux d’alerte préoccupants
Il faut le reconnaître, les défis sont considérables. La complexité du secteur, alourdie par les séquelles d’années d’instabilité réglementaire, explique en partie les lenteurs actuelles. Redresser le secteur hippique exige non seulement du temps, mais aussi des ressources financières conséquentes, qui font aujourd’hui cruellement défaut. La grande question demeure : les autorités parviendront-elles à mobiliser ces moyens à temps pour sauver la saison ?
Sur le terrain, les signaux d’alerte s’accumulent. Le MTC Jockey Club n’a toujours pas obtenu son lease agreement auprès de la COIREC, condition indispensable pour obtenir sa licence d’organisateur de courses. Sans cette licence, le Club ne peut assumer ses obligations, notamment en matière d’assurance pour les jockeys et apprentis. Les entraîneurs, de leur côté, sont appelés à soumettre des documents officiels, alors même qu’ils n’ont pas encore reçu leurs licences définitives.
La Horse Racing Authority en suspens
Le futur Horse Racing Board, pourtant attendu comme le socle de la gouvernance hippique, n’a pas encore vu le jour. Ce vide alimente les spéculations et les rumeurs, sapant davantage la confiance des professionnels.
Au cœur de toutes les attentes, se trouve la Horse Racing Authority, mesure phare du rapport Parry, issu de la commission d’enquête lancée en 2014 par Navin Ramgoolam. Ce rapport avait pour objectif de garantir l’indépendance et la transparence du secteur.
Ironie du sort, c’est aujourd’hui au même Premier ministre qu’il revient de concrétiser enfin ces recommandations, après qu’elles ont été détournées de leurs objectifs sous l’ancien gouvernement de Pravind Jugnauth, influencé par le tandem Dev Beekharry – Jean-Michel Lee Shim. Le retard dans la mise en place de cette autorité freine la réforme tant espérée et vitale, laissant la filière dans l’expectative.
Une GRA sous tension
Dans ce contexte tendu, la direction actuelle de la Gambling Regulatory Authority (GRA) s’efforce avec détermination et droiture de rétablir l’ordre. Mais la tâche est délicate. Le Board peine à afficher une vision claire, et ses objectifs suscitent parfois des inquiétudes. Les équipes opérationnelles, elles, restent encore imprégnées par les réseaux de l’ancien système, tissés autour d’acteurs ayant longtemps régné sur le secteur avec une quasi-impunité.
Ces attaches profondes freinent l’indépendance de l’institution. Et pendant ce temps, celui que beaucoup considèrent comme l’ancien marionnettiste du système se maintient dans l’ombre. Jamais entendu sur ses pratiques ni sur les soupçons d’enrichissement personnel qui pèsent sur lui, il échappe pour l’instant à toute explication officielle, alors qu’une audition musclée aurait été cruciale pour refermer définitivement le chapitre des dérives passées.
Le sabotage du trotting track – pas plus tard que vendredi dernier –, avec des câbles électriques sectionnés juste avant la première séance de jogging des chevaux, rappelle que cette instabilité n’est pas sans conséquences concrètes. En l’absence de communication claire, les rumeurs prospèrent, et le manque d’autorité alimente la défiance dans un secteur déjà fragilisé par le règne du “moi ki mari” !
Agir avant qu’il ne soit trop tard
Au-delà des retards et des procédures hésitantes, la question des ressources reste centrale. Les professionnels espéraient un soutien concret pour franchir ce cap difficile. Mais jusqu’à présent, aucune aide tangible ne s’est matérialisée.
L’enjeu dépasse la survie d’une tradition : il s’agit de redonner à l’industrie hippique mauricienne la place qu’elle mérite dans l’économie nationale. Cela exige des décisions courageuses, une gouvernance limpide et, surtout, un appui
matériel à la hauteur des ambitions affichées.
À l’approche de la saison 2025, le compte à rebours est lancé. Les fondations pour une relance existent, mais il est impératif de passer rapidement des intentions aux actes. Chaque jour qui passe rétrécit la fenêtre d’opportunité.
Fort de son histoire bicentenaire, de ses talents qui ont semé la joie de la victoire, fait vibrer les passions et soudé les cœurs dans la défaite, le secteur hippique mauricien mérite aujourd’hui une véritable renaissance au service de la nation. C’est maintenant que les autorités doivent agir pour lui garantir un avenir digne et raviver l’esprit des pionniers qui, à la naissance des courses à Maurice, avaient vu dans le sport des rois un socle d’unité pour le melting-pot mauricien.
Œil de lynx