En janvier 2020, Scope brossait le portrait de Jacques Zoel, marin de 47 ans qui nous faisait découvrir son monde au sein de la navigation. Depuis, l’avenir de ce Mauricien s’est assombri. Plusieurs facteurs font qu’il a dû rester à quai depuis l’année dernière et à se réinventer en aide-maçon. Entre les fins de mois difficiles et les doutes sur son avenir, le marin ne sait plus où donner de la tête.
Rencontré à Canal Dayot après une journée de travail, Jacques Zoel s’efforce de demeurer souriant devant ses trois enfants dont il s’occupe seul. Âgés de 5, 7 et 11 ans respectivement, ces derniers ne semblent pas réaliser la teneur de la situation. Son aînée, âgée de 22 ans, vit elle avec sa mère. Sitôt les enfants dans une autre pièce, Jacques Zoel retrouve sa mauvaise mine qui en dit long sur sa situation actuelle. Loin d’être homme à se plaindre de son sort, le marin confie ne plus avoir le choix que de lancer un appel à l’aide.
De chef mécanicien sur un yacht à aide-maçon.
De chef mécanicien sur un yacht en France avec un salaire intéressant, Jacques Zoel est passé à aide-maçon. C’est le seul travail qu’il a pu décrocher jusqu’ici. “Je n’ai pas honte de ce travail mais, il n’est pas régulier et le salaire n’est pas suffisant pour que je puisse nourrir mes enfants. Nous sommes en mode survie, les fins du mois sont très difficiles. Mes dettes s’accumulent et il y a des moments où je me suis retrouvé sans rien à cause du maigre salaire que je perçois. Sans le soutien des membres de ma famille, je ne sais pas ce que j’aurais fait.”
Rentré au pays en octobre 2019, Jacques Zoel a puisé dans ses économies, jusqu’à devoir prendre un autre emploi. “Ce métier rémunère bien mais il ne faut pas oublier que nous passons plusieurs mois dans l’année au chômage. Je ne travaille que pendant la saison estivale en Europe, soit de mars à octobre. Après ça, les bateaux vont en hivernage et je reste à quai.” Si en temps normal, ces économies lui permettent de tenir quelques mois, le fait qu’il soit resté bloqué à Maurice, a changé la donne.
“J’ai plusieurs certificats qui ne me servent à rien à terre”
Ses applications au sein de la Mauritius Ports Authority n’ont pas abouti jusqu’ici s’insurge-t-il. “On ne me prend pas malgré mes qualifications, j’ai du mal à comprendre.” Par ailleurs, ses autres applications ailleurs ont essuyé des refus également. “J’ai plusieurs certificats qui ne me servent à rien à terre et ce, même si, dans certains cas, c’est dans domaines similaires. Par exemple, j’ai fais une application pour un poste d’assistant chef ingénieur dans un hôtel que je n’ai pas pu avoir. C’est similaire à ce que je fais mais je ne suis pas éligible malgré tout.”
S’il ne trouve rien de concret à Maurice, ses tentatives à l’étranger se heurtent à un blocage également. Ce, parce que le brevet qu’il possède a besoin d’un upgrade. Les nouveaux yachts qui arrivent nécessitent un brevet de 1500 kilowatts alors que son brevet est de 750 kilowatts. Le problème pour lui, comme pour tous ceux dans son cas, est que ce brevet ne peut être obtenu qu’à l’étranger. “J’allais saisir l’occasion – comme j’allais être en France – pour prendre un brevet de 1500 kilowatts pour yacht. Malheureusement, la Covid-19 est arrivé. La demande est grande dans le domaine mais, sans ce brevet, vous êtes inéligible.”
“Je lance un appel au gouvernement”
Il fustige l’école navale qui, selon lui, ne fait rien pour améliorer la situation des marins mauriciens. “Nous sommes sous la Maritime Labour Convention, que Maurice a ratifié mais je n’ai pas la possibilité de passer des brevets ici malgré les infrastructures. C’est frustrant. Avec la situation dans laquelle je suis, je ne peux pas me permettre de payer les frais des cours ainsi que les billets d’avion et le logement. Il s’agit d’un cours de 6 mois. Je lance un appel au gouvernement pour qu’il aide les personnes qui sont comme moi dans cette situation. Il pourrait nous accorder un prêt que nous rembourserons évidement sitôt la situation rétablie.”
Sans compter les coûts liés aux renouvellement de ses brevets et ses certificats médicaux. “Les deux confondus me coutent environ Rs 12 000, sans eux, je n’ai aucune chance de trouver un travail dans mon domaine. Il faut donc que je sois à jour. Par les temps qui courent, il est difficile de trouver ces sommes.” En attendant de voir sa situation se débloquer, le marin se sens comme enfermé dans une cage. “Je tourne en rond alors que les fins du mois deviennent de plus en plus difficiles.”