Autant le discours budget 2020/21, lu par le ministre des Finances, Renganaden Padayachy, avait pris la communauté sportive de court, autant celui qui sera prononcé ce vendredi 11 juin, est très redouté. Et pour cause ! Si le précédent avait été réduit à sa plus simple expression, n’accordant que peu de considération à la chose sportive, en revanche, le présent aura un impact direct sur les finances. Même les bourses de haut niveau ne seront pas épargnés, si l’on se fie aux déclarations du ministre des Sports, Stephan Toussaint.
On dira donc que la Covid-19 a bon dos. Et la chanson, nous la connaissons tous déjà très bien, notamment à l’heure où le pays entamait sa sortie de son premier confinement fin mai 2020. Désormais — et ça aussi nous le savons déjà — c’est la non moins célèbre “New Normal” qui est à la mode. Que ce soit pour les fermetures d’entreprises et autres licenciements. Malheureusement non justifiés dans bien des cas.
Le sport, comme tout autre secteur économique, était donc exposé à cette “New Normal”. Et on la sentait venir du reste, voire de très loin même, cette épée de Damoclès suspendue au-dessus de la tête de la communauté sportive. La preuve: la décision du Conseil des ministres d’approuver un “New Athlete Assistance Scheme”, le 24 juillet 2020, moins de deux mois seulement après le déconfinement ! Et ce, au moment même où les athlètes étaient encore sous perfusion sportive après trois mois d’arrêt, alors qu’un minimum d’attention aurait été mieux apprécié !
Visiblement, nos super-penseurs, notamment ceux qui ont conçu ce changement express, n’avaient pas pris en compte l’aspect émotionnel et psychologique. Eléments si cher aux athlètes afin qu’ils soient en mesure de s’exprimer ensuite librement et de se surpasser surtout. Force est de constater que cela importait peu aux yeux de nos décideurs et qu’il fallait, coûte que coûte, réduire les coûts. Quitte à éliminer instantanément la catégorie régionale — passage pourtant obligé pour atteindre l’excellence — constituant, de surcroît, 74% de la population composant les bourses de haut niveau !
Ce qui révolte encore plus, c’est que cette décision a été prise sans consultation aucune avec les vrais acteurs. Donc, sans les athlètes, eux-mêmes, et sans les fédérations. Société pluraliste dites vous ? Ce n’est qu’après que le ministère des Sports, sentant glisser le terrain, a convoqué les entraîneurs au complexe sportif de Côte d’Or pour une…réunion d’explications. Sauf que ce jour-là, le responsable technique de l’Association mauricienne d’Athlétisme, Joël Sévère, attendait au tournant, clouant au pilori les officiers. Le ministre n’étant malheureusement pas présent pour encaisser la colère de la communauté sportive !
Au final, la mise en action de ce plan été repoussé. Les autorités ayant constaté, après coup, ce que nous évoquions déjà lors de nos différentes prises de position. Soit l’impossible évaluation des athlètes dans un contexte si difficile suivant l’annulation et le renvoi des compétitions internationales d’envergure !
Autant dire que certains avaient mis la charrue devant les boeufs et ce, pour des raisons évidentes. Sans oublier que la barre fixée pour profiter de la grosse carotte tendue par les autorités dans le cadre du “New Athlete Assistance Scheme” est, pour l’heure, trop haut en considérant le contexte local.
Ainsi donc, des modifications y ont été récemment annoncées par le ministère des Sports ! Cela, en relation avec la baisse annoncée dans le budget qui sera attribué aux fédérations pour l’année financière 2021/22. Même si l’on ne sait pas encore si elle sera plus élevée que les Rs 10M prévues dans le Budget Estimates. Ce que nous savons, en revanche, c’est que la bourse des athlètes de haut niveau, ceux-là qui ne manquent pas une seule occasion de faire honneur au pays, en subira des conséquences comme tel est déjà le cas pour certains depuis quelques mois.
Et même si le ministre Stephan Toussaint tente, par tous les moyens, de jouer au pompier, il est un fait qu’il y aura baisse. Conséquente ou pas. Sauf que, ce qu’il ne dit pas, c’est que la grosse majorité de sélections nationales n’a pas voyagé depuis décembre 2019. Et pour conséquence, l’argent destiné à ces déplacements est demeuré dans les caisses de l’Etat ! L’entraîneur national de kick-boxing, Judex Jeannot, avait ainsi suggéré, dans ces mêmes colonnes, de le réinvestir afin de consolider les assises et surtout relancer le sport et redonner confiance aux athlètes.
Dans quelques jours donc, les athlètes et dirigeants sportifs seront définitivement fixés sur le sort qui leur est réellement réservé. Même s’il est compris que la décision d’appliquer la mesure forte a déjà été prise à un plus haut niveau.
Sauf qu’en présence de faits irréfutables — notamment les gaspillages de fonds publics —, le ministre des Sports aurait dû et aurait pu mieux faire pour défendre la cause de « ses sportifs » que de se contenter de limiter les dégâts. D’autant qu’il sait, mieux que nous, à quel point l’image du sportif est souvent exploitée à la faveur d’un capital politique.
On attendra donc de voir si le sport endossera son rôle de vilain petit canard, et paiera, une fois de plus, les pots cassés à la place des autres. Où si, au cas contraire, un miracle le sauvera, à la dernière minute, sur l’autel du sacrifice ?