StraConsult a publié mardi les résultats d’une enquête réalisée en mars dernier pour le compte d’Afrobarometer auprès d’un échantillon de répondants représentatif de la population sur la perception de la situation économique du pays. Les résultats de l’enquête ont confirmé ce que la majorité de la population ressent en ce moment : 45% de personnes interrogées considèrent en effet que la gestion de l’économie constitue le principal problème du moment. Qui plus est, 66% sont d’avis que le pays s’est engagé dans une mauvaise direction, alors que 63% considèrent que la situation économique s’est aggravée dans le pays durant les 12 derniers mois et ne verra pas la lumière au bout du tunnel durant les 12 prochains mois.
Ce diagnostic n’a toutefois pas provoqué une quelconque réflexion de la part de nos décideurs. Il avait pourtant été prompt à citer le résultat d’un sondage réalisé pour le compte de Week-End par StraConsult sur la popularité et la perception de la population par rapport aux partis politiques. Pour une fois, on ne peut accuser la presse de jouer aux prophètes de malheur ou de se livrer aux « conspiracy theory », voire d’entretenir quelconque préjugé face au pouvoir en place pour des raisons les plus absurdes.
StraConsult n’est pas du genre à faire des coups d’éclat pour obtenir la Une des journaux, et ses enquêtes sont effectuées de manière professionnelle. Son directeur s’est d’ailleurs montré très habile en ne s’attaquant pas directement à l’équipe au pouvoir, se contentant de dire, en réponse à une question, que « si l’économie est en train de se détériorer, évidemment, quelqu’un est responsable de la gestion du pays, cela coule de source ». Dans ses commentaires, il concède toutefois que ce problème doit être traité par le gouvernement de manière urgente.
La question reste posée. Qu’est-ce qui fait croire à la population que la gestion économique du pays pose problème ? Est-ce le taux du chômage, estimé à 9%, la corruption, les salaires érodés gravement par l’inflation ? Ces questions figurent d’ailleurs parmi les huit problèmes les plus préoccupants évoqués par les répondants de l’enquête d’Afrobarometer. Le fait est que tout ne va pas pour le mieux dans le meilleur des mondes, comme on veut nous le faire croire. Il faut se rendre à l’évidence que tout le monde ne mange pas à sa faim ces jours-ci. De plus, on ne peut pas tout mettre sur le dos du Covid ou de la guerre en Ukraine, même si ces items participent aux perturbations qui nous affectent.
Tous les mémorandums soumis au ministère des Finances par les agences spécialisées du secteur privé et les instances internationales reconnaissent aujourd’hui qu’il y a eu un problème au niveau de la gestion monétaire. Le siphonnage des réserves de la Banque de Maurice (BoM) est pointé du doigt par le FMI. La BoM a été privée de moyens pour défendre une roupie mise à mal durant la pandémie avec la fermeture obligée du pays. La roupie s’est dépréciée trop rapidement face aux principales devises.
Cette dépréciation conjuguée à la situation internationale a provoqué une hausse rapide de l’inflation, qui continue de nous affecter et qui pourrait dépasser les 11% d’ici la fin de l’année. La flambée des prix des commodités, de l’essence et du diesel, ainsi que du transport public continue de peser lourd dans le panier de la ménagère. La perception dans les milieux politiques et dans certains quartiers du secteur privé est que c’est la faute au gouvernement.
Le drame, c’est qu’une dépréciation persistante peut avoir un effet néfaste, non seulement sur le tourisme, mais surtout sur les services financiers. Qui prendra le risque d’investir s’il n’est pas certain de l’avenir de son investissement, avec tous les risques que cela comporte pour la balance des paiements. La balance commerciale et la balance budgétaire sont déjà déficitaires, alors que la dette s’envole.
Aujourd’hui, beaucoup déplorent l’absence d’un ministère du Plan, avec des économistes et des fonctionnaires de carrière qui avaient une vision pour le pays. Aujourd’hui, les hauts fonctionnaires sont « overshadowed » par des super Senior Advisers fortement politisés, qui ont pris le contrôle de toutes les institutions et qui n’ont pas les mêmes intérêts pour le pays. Au point que des institutions clés ont perdu de leur pertinence. C’est avec tout cela en toile de fond que Renganaden Padayachy présentera un budget qui devrait être un tournant pour le pays.