Un budget social et politique

En intitulant le Budget 2018/2019 “Poursuivre dans la voie de la transformation”, le Premier ministre et ministre des Finances, Pravind Jugnauth a placé d’entrée l’exercice budgétaire pour l’année financière 2018-2019 dans la logique de la continuité. Pour lui, ce deuxième budget présenté en sa qualité de Premier ministre s’inscrit dans le cadre d’un processus de transformation initié depuis son arrivée à la tête du gouvernement, en 2016, et qui, selon lui, marque le début d’une nouvelle ère de développement. Il reconnaît également que son action poursuit l’oeuvre commencée il y a 50 ans par « ces grands hommes et ces femmes (dont son père) qui nous ont montré que le chemin de la réussite réside dans un travail acharné, un dialogue constant entre le gouvernement, le secteur privé et la société civile, mais surtout dans une vision partagée de l’unité et une vie harmonieuse », valeurs qu’il dit « fondamentales » et « qui n’ont pas changé ».

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Il importe également de prendre en compte le fait que la présentation du budget intervient à un moment où l’actuel gouvernement n’est pas loin d’entrer dans la cinquième année de son mandat au pouvoir et s’achemine allègrement vers les élections générales fin 2019 ou début 2020. Ce budget ne peut donc être analysé sans prendre en compte tout le contexte politique, économique et social du pays. Alors que les projets majeurs lancés dans le cadre des budgets précédents sont en voie de réalisation, l’actuel budget aura permis à Pravind Jugnauth de faire un certain nombre de “fine tuning” sur le plan économique, entre autres au niveau du secteur financier. Il a jeté également les bases de certaines opportunités nouvelles dans le domaine de l’innovation, qui sont appelées à prendre de l’ampleur dans les prochaines années. À ce propos, nous relevons le concept de l’intelligence artificielle, des technologies “blockchain” et de la Fintech. Il a aussi introduit une série de mesures populaires touchant l’agriculture, le logement, la formation des jeunes et les PME, tout en profitant de l’occasion pour corriger des erreurs du passé. La baisse des prix de l’essence et du diesel suivait leur augmentation, il y a peu, qui avait provoqué une protestation générale à travers le pays. La baisse de 15% à 10% du taux des impôts sur les revenus à intention de ceux dont les revenus annuels ne dépassent pas Rs 650 000, la hausse du plafond prévu pour l’exemption de la taxe sur les revenus et les incitations pour le logement, pour ne citer que ces items, permettent d’alléger la pression sur la classe moyenne et contribuent à créer un “feel good factor” parmi ceux qui se considèrent comme les dindons de la farce. La décision de ne pas augmenter les tarifs de l’eau, comme l’avait annoncé à plusieurs reprises le DPM Ivan Collendavelloo, a aussi permis de rassurer bon nombre de familles.

À l’évidence, le Premier ministre a choisi de ne pas annoncer de mesures de fond en faveur de l’industrie sucrière afin de ne pas éclipser la série de mesures sociales et populaires contenues dans le budget. Il s’est contenté d’augmenter la taxe à l’importation du sucre de 15% à 80%. Cette mesure était attendue par le secteur sucrier, en particulier le Syndicat des sucres.

Si pratiquement tous les analystes budgétaires reconnaissent la pertinence de la majorité des mesures et l’optimisme du Premier ministre, qui prévoit un taux de croissance économique de 4,1% pour l’année prochaine, personne ne se hasarde à lui donner une distinction et un sans-faute. Alors que l’opposition considère le budget comme « populiste » et « électoraliste », annonciateur des élections générales prochaines, le secteur privé et les cabinets d’experts relèvent, eux, quelques faiblesses. Business Mauritius trouve ainsi que le transfert de 75% des fonds consacrés au CSR au NCSR Fund est « une erreur ». Les mesures pour contrôler le niveau de la dette publique et le déficit budgétaire sont aussi considérées « insuffisantes », de même que l’on déplore l’absence de mesures visant à permettre une relance de l’industrie sucrière. L’octroi du passeport mauricien à ceux qui investissent un montant de USD 500 000 et qui ont la possibilité d’acheter des biens immobiliers n’est pas non plus apprécié de beaucoup de monde. Bon nombre de gens considèrent en outre que le succès des mesures annoncées réside dans leur mise en oeuvre.

Mais pour le Premier ministre, le plus dur est maintenant passé avec la présentation de ce budget. Il pourra maintenant se concentrer sur d’autres activités, dont la réforme électorale et le dossier des Chagos, qui sera entendu devant la Cour de justice internationale bientôt. Place maintenant à la Coupe du Monde de football, qui projettera la Russie au premier plan durant les prochaines semaines. Et souhaitons aux Mauriciens de foi musulmane un heureux Eid Mubarak.

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