Le Privy Council : « The Board unanimously dismisses the appeal (…) the Supreme Court was right to conclude that Mr Jugnauth, Mrs Luchoomun and Mr Sawmynaden were not guilty of bribery or treating”
Sans appel. À trois semaines du quatrième anniversaire des élections législatives du 7 novembre 2019, le jugement de 23 pages du Judicial Committee of the Privy Council a rejeté de manière catégorique la pétition électorale logée par le candidat battu du parti travailliste, Suren Dayal, dans la circonscription de Quartier-Militaire/Moka (No 8). Les quatre Law Lords, Lord Lloyd-Jones, Lord Sales, Lord Hamblen, Lord Stephens et la Law Lady, Dame Sue Carr, siégeant dorénavant en tant que cheffe juge de la Cour suprême du Royaume uni, qui a donné lecture des attendus du jugement, soutiennent la décision de la Cour suprême à l’effet que les trois élus du No 8, en l’occurrence le Premier ministre, Pravind Jugnauth, la vice-Première ministre et ministre de l’Éducation, Leela Devi Dookun-Luchoomun et Yogida Sawmynaden « were not guilty of bribery or treating ». Mais que cette démarche relève plutôt de « normal electoral campaigning ».
Les Law Lords se sont focalisés sur la section 64 de la Representation of the People Act 1958 pour parvenir à cette conclusion, mettant fin à une polémique, qui a marqué l’échiquier politique depuis la proclamation des résultats des dernières élections législatives. Dans son argumentation, le Judicial Committee of the Privy Council avance qu’il n’y a pas de Hard and Fast Rule pour se prononcer sur cette question tenant compte des dispositions de la loi sur les élections à Maurice.
« Whether there has been illegal bribery or treating will always be a question of fact and degree. In some cases, it will be obvious that bribery has taken place. In others, it will be necessary to consider all of the relevant facts and the surrounding circumstances in detail. There is no hard and fast rule or test. Rather, a flexible approach, tailored to the facts of each case, is required », font-ils resssortir.
Analysant le fond de la pétition électorale, axée sur les promesses électorales de Pravind Jugnauth en prélude au démarrage de la campagne électorale, les Law Lords ont dégagé les points suivants à la décharge du pétitionnaire, à savoir
The proposals were made in open and public, allowing criticism and debate;
The proposals had been the subject of prior political debate, and carried transparent underlying reasoning;
The Basic Retirement Pension (BRP) and PRB Report proposals related to manifesto pledges;
The proposals related to important and sensitive topics of public interest;
The subject-matter of the proposals was also the subject of proposals by other candidates or political parties;
The proposals were generic/of nationwide impact, not limited to members of the constituency;
There were several weeks between the proposals and polling day, and over a month between the SCIVV event and polling day.
The proposed benefit was not contingent on particular individuals voting in a certain way;
There was no quid pro quo and/or element of bargaining between candidate and voter;
There was no question of private funding behind the proposals;
Implementation of the proposal was contingent on future (potentially uncertain) political events, including parliamentary vote;
There was no finding that the proposals were unreasonable or that they carried any element of deception and/or extreme exaggeration.
Les Law Lords avancent que le but de la section 64 de la Representation of the People’s Act est de prévenir des pratiques, telles que l’achat de votes, par des incitations privées. « Une proposition, une promesse ou une mesure pour l’électorat, conçues pour gagner des votes, même sous forme d’argent, ne signifie pas nécessairement qu’il s’agit de Bribery », note le jugement en appel du Privy Council.
Les Law Lords ont rejeté l’interprétation littérale de la section 64 de la Representation of the People’s Act, prônée par Suren Dayal, qui selon eux, déboucherait sur une situation absurde, en rendant impossible la tenue de toute campagne politique normale à l’approche d’une élection et porterait atteinte au principe constitutionnel de Free and Fair Elections.
« The mere fact that an offer or promise is made to the electorate that represents money or valuable consideration (and is designed to win votes) does not mean that an act of bribery has been committed. The Supreme Court was right to dismiss the proposition advanced for Mr Dayal to this effect. Rather, what was required was “due consideration of the surrounding facts and circumstances” in order to determine if there had been, put crudely, illegal vote-buying », font encore comprendre les Law Lords et la Law Lady, en ajoutant que les manifestes de deux principaux blocs, s’affrontant aux élections législatives du 7 novembre 2019, comportaient des propositions visant à supprimer la TVA sur certains produits, à réduire les prix du gaz ménager et de l’électricité ou à augmenter le salaire minimum.
Ainsi, le Privy Council a privilégié une interprétation large de la section 64, qui serait consistante avec la notion de « free and fair elections underpinning a sovereign democratic state and the right to freedom of expression enshrined in sections 1 and 12 of the Constitution ». Le jugement affirme que toute autre approche serait contraire au droit à la liberté d’expression sous la section 12 de la Constitution qui est inhérent au processus démocratique lors de la compétition pour des votes.
«Il faut donc prendre en compte la nature précise de la promesse, les circonstances dans lesquelles elle a été faite, l’envergure de l’audience, la nature et l’envergure de la frange de l’électorat qui doit en bénéficier, entre autres facteurs », ajoute le Bench du Privy Council.
Le Privy Council a rejeté également les allégations de Treating avec notamment la distribution de biryani lors de la Journée des Personnes âgées du 1er octobre 2019. « The SVICC event was, however, more than a month away from polling day. In any event, any inferences to be drawn from the timing of the event cannot assist him in circumstances where it was the MSS, and not any of the first to third respondents, which provided the food, drink and transport (even if Mr Jugnauth might have had some (unspecified) power to stop the occasion). Further, given that this was an annual celebration, with nothing “unsurprising or untoward” about any of its arrangements, attended by voters from all over Mauritius (and not just the constituency), with no evidence that any voter was in fact corrupted, the Supreme Court was fully entitled to conclude that there was no basis for any finding of illegal treating », souligne le jugement en rejetant sans exception tous les points soulevés en appel par Suren Dayal.