Tous fous !

Lorsque l’on évoque la lutte contre la perte de la biodiversité, plusieurs évidences s’imposent à nous. Ainsi, l’on associe tout naturellement ce fait à la protection des plantes et des animaux, oubliant le plus souvent que nous faisons partie de cette dernière catégorie… et donc de la biodiversité elle-même. Ensuite, on a tendance à occulter ce qui apparaît comme une vérité encore plus tangible, à savoir que si l’on doit préserver ce qu’il nous reste du vivant, c’est bien parce que nous en avons accéléré la destruction.

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Une lapalissade ? Pas vraiment, car notre anthropocentrisme nous fait souvent oublier l’essentiel car, c’est connu, nous sommes l’ultime prédateur sur notre planète. Notre hégémonie sur le vivant est d’ailleurs en soi une des plus grandes anomalies de notre évolution, et ce, alors que l’être humain ne « pèse » que 0,1% de l’ensemble de la biomasse terrestre et 3% de la biomasse animale.

C’est un fait, notre impact sur la nature continue de s’accélérer. Certes, le phénomène est loin d’être nouveau, et date même de l’époque des chasseurs-cueilleurs, puis avec les débuts de la domestication et de l’agriculture, mais le véritable dernier coup de massue aura sans aucun doute été la révolution industrielle. Le plus paradoxal – et cette vérité s’applique tout autant au changement climatique –, c’est qu’avec la révolution industrielle, nos connaissances sur notre environnement, et donc les dangers qui nous guettent, n’ont jamais été aussi grandes. Ce qui ne nous empêche pas de poursuivre sur la voie du non-sens.

Concrètement, que représente cette perte de diversité biologique ? Eh bien, par exemple, la disparition en moins d’un demi-siècle de 68% des populations d’animaux sauvages, ou encore jusqu’à 80% de celles des insectes (du fait entre autres de l’emploi de pesticides, herbicides et autres « cides »). En gros, on estime que près d’une espèce sur trois est menacée d’extinction à courte échéance. Un drame qui, bien sûr, se joue dans l’indifférence générale. Pourtant, l’effondrement de la biodiversité ne sera pas sans conséquence, chaque maillon biologique contribuant en effet au maintien du système global.

Une fois de plus, le principal responsable est l’Homme. Certes, la nature et le hasard auront joué leur part dans la perte de la biodiversité, mais sur des échelles de temps beaucoup plus vastes. Ce n’est en effet pas tous les jours que des éruptions volcaniques font disparaître des espèces endémiques ou encore qu’un astéroïde vienne annihiler plus de 90% des espèces vivantes, comme ce fut le cas avec les dinosaures il y a 65 millions d’années. Aussi, le premier coupable est-il à chercher ailleurs, en l’occurrence du côté de notre système économique.

Les causes de la perte de la biodiversité sont en effet bien connues, et il y en a principalement cinq : la destruction de la nature par l’Homme du fait de l’élevage, de l’agriculture et l’explosion démographique; la pollution; la surexploitation (chasse et pêche principalement); la dissémination des espèces (le fait d’importer des espèces pour contrer des « nuisibles » par exemple); et le changement climatique, auquel le vivant n’arrive pas à s’adapter. En d’autres termes des fléaux intimement liés à notre modèle de croissance et de développement, et typiques à l’ère anthropocène. Car oui, en adoptant le principe que nous sommes l’espèce dominante, et que cela nous octroie dès lors le droit d’agir en monarques absolus, nous en oublions les nuisances de nos comportements criminels envers le vivant.

Il n’y a pas à sortir de là : les origines de l’effondrement de notre biodiversité ne sont pas à chercher ailleurs que dans notre comportement. Ceci étant compris, l’on pourrait se dire que, dans ce cas, il suffit d’en changer. Oui, mais c’est compliqué. Et ce, pour la simple et bonne raison que changer n’est pas dans notre « nature » profonde, tout au moins sur ce point. Car pour remédier à la situation, il nous faudrait nous attaquer à nos principaux défauts, lesquels sont d’ailleurs uniques à notre espèce, à savoir l’imprévoyance (puisque nous agissons de manière impulsive, sans réfléchir aux conséquences de nos actes), notre arrogance (on se croit toujours meilleurs que les autres et à même de résoudre toutes les crises) et, bien sûr, notre cupidité.

Au même titre que le réchauffement planétaire, la perte de la biodiversité reste l’un des principaux défis du siècle. Pourtant, bien qu’y trouver une parade apparaisse comme une obligation évidente, sa pertinence semble encore nous échapper. Et donc l’importance d’entamer des transformations écologiques radicales, lesquelles sont incompatibles avec notre modèle actuel.

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