L’hécatombe se poursuit de plus belle sur nos routes ; la barre des 60 victimes est franchie et nous n’en sommes pourtant qu’au mois d’avril, qui tire à sa fin. Environ 120 jours se sont donc écoulés et, déjà, plus de 60 morts ont été enregistrés dans des accidents de la route. Le ratio est déroutant. Le bilan est lourd. La facture, elle, très salée.
Avant que nous n’en arrivions au stade des pays comme la République Dominicaine ou la Tunisie, entre autres, où les chiffres ont carrément assommé le baromètre, nos décideurs, eux, attendent toujours pour se ressaisir. De timides actions ont certes été entreprises. Dont cette campagne d’affichage qui laisse, pour le moins, perplexe… Pour ne pas dire, dubitatif. Tant par ce qu’elle illustre, dans son contenu, que par le message censé être véhiculé.
À lire entre les lignes, il nous semble que l’État a peur de choquer. Pourtant, quand on dénombre autant de morts sur nos routes, et qu’on doit frapper fort, si l’on veut vraiment susciter une réaction psychologique chez les fous du volant, voire chez les conducteurs tout court, afin de brimer des éventuelles poussées fiévreuses sur le champignon, il nous semble bien que choquer ne ferait aucun mal ! On ne dit pas là qu’il faudrait en venir à afficher de l’hémoglobine à gogo, genre affiches de films d’horreur de Wes Craven, ou des cadavres, mais des images bien pensées, serties de mots-clés rodés.
Une rapide recherche sur ce qui se fait à l’étranger donne pas mal d’idées en ce sens. On y trouve effectivement des images fortes et poignantes, servies par des mots-clés qui provoquent une réaction immédiate dans le cerveau. Pas comme cette littéra- ture approximative et, surtout, qui n’en finit pas, émise dans un créole mauricien qui requiert bien plus que cinq secondes pour être décryptée ! À moins d’accepter d’emboutir le prochain véhicule devant soi, finir dans un caniveau, envoyer balader un piéton ou s’encastrer dans un pylône électrique…
Il nous semble aussi qu’il y a une foule d’agences de pub lo- cales qui n’attendent qu’un signe de la part de l’État pour les solliciter dans l’élaboration d’une campagne en bonne et due forme et qui ferait mouche. Alors pourquoi autant de temps ? Que l’on pourrait traduire par un manque de volonté de l’État à s’attaquer à ce fléau qui, ces quatre dernières années, gangrène notre pays. Peut-être que ce mardi, 1er mai, à Vacoas, on en saura plus…
Restons dans le ton puisque c’est justement à la place du ba- zar, à Vacoas, qu’en 2014 Lalyans Lepep avait émis sa fameuse décision électoraliste d’enlever le permis à points à son arrivée au pouvoir. De part et d’autre, ces derniers temps, le rétablisse- ment du permis à points, introduit par le régime Ramgoolam, a été réclamé. Avec raison, certes. Et signalons, à ce titre, que Le Mauricien attirait l’attention en ce sens dès janvier 2016 quand le taux d’accidents mortels de 2015 grimpait dangereusement… Mais peut-être que parce qu’il s’agit justement d’une promesse électorale de Lalyans Lepep, nos dirigeants peinent à ravaler leur salive. La vie des innocents qui ont péri et des potentiels autres victimes ne pèserait donc pour pas grand-chose dans la balance ? Est-ce cela qu’on doit en conclure ? Avouons que c’est très tentant…
Bien entendu, rétablir le permis à point n’est pas LA solution miracle qui diminuera, d’un coup de baguette magique, les acci- dents de la route. Non. Puisque les énervés de la route n’en feront toujours qu’à leur tête, heureux qu’ils sont d’affoler le speedo- mètre, fiers de zigzaguer entre les caisses dont les conducteurs qui, eux, ont opté pour la prudence et une conduite responsable, quittes à provoquer des carambolages, quand ce n’est pas car- rément un accident avec un, voire des, morts à la clé… Il y a en effet toute une armada de mesures, dont des révisions légales, relatives aux amendes, sanctions et peines d’emprisonnement, ainsi que l’éducation des conducteurs à revoir dans la foulée. Et pourquoi tarde-t-on autant à démarrer ? Allez comprendre !
La guerre des foules n’aura donc pas lieu cette année encore en ce 1er mai. Et c’est tant mieux ! Le MSM et le ML feront les yeux doux à Vacoas. Ce qui ne sera pas difficile, d’autant qu’ils bénéficient de l’appareil d’État pour le ramassage des électeurs friands de briani, de sortie à la plage et de banderoles colorées… En revanche, force est de constater que le vacuum politique s’accentue au fil des années avec les grands partis politiques qui commencent à sérieusement prendre l’eau. En face, on ne cessera de le redire, Rezistans ek Alternativ pré- sente des idées et des actions fraîches, solides, concrètes, appropriées à divers problématiques recensées. Certes, le mouvement ne compte pas une adhésion massive. Cela, on le comprend bien, en grande partie, parce qu’il échappe au jeu de la “real politik” et des calculs ethniques de base, qui font les beaux jours des dinosaures politiques. Vivement donc un véritable élan social et citoyen qui viendra insuffler un peu de sang neuf et une vitalité urgemment requis pour relancer notre jeunesse…