Suttyhudeo Tengur : « Le Parlement est devenu la risée du public »

Quel regard portez-vous sur la situation des consommateurs en ce moment ?
Il demeure un fait que la situation devient de plus en plus difficile pour les consommateurs. Le pays dépend beaucoup des importations. Nous importons tout ce que nous consommons. C’est pourquoi, on est ainsi frappé de plein fouet par l’inflation importée. Cette situation est en train de nous ruiner financièrement.

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À part cela, nous avons nos propres problèmes. Le pays n’a pas atteint jusqu’ici l’autosuffisance alimentaire et même au niveau de la production de la pomme de terre, de l’oignon, de la viande de chèvre, de la viande de bœuf ou de mouton. Il n’y a pas a priori un effort de la part du secteur privé et du gouvernement pour même tenter d’atteindre l’autosuffisance alimentaire dans au moins un cas, que ce soit pour les légumes ou pour la viande.
Le poisson se vend à prix d’or à Maurice et nous sommes entourés par la mer. Quelle ironie ! Nous importons du poisson et des fruits de mer de plus en plus. Il n’y a qu’à voir dans les rayons des supermarchés.

Je pense qu’il n’y a pas une réelle volonté politique pour sortir de cette situation. Je pense que cette situation est restée ainsi pendant de nombreuses années. Peut-être parski pena gro komision ki roule la dan. C’est malheureux de le dire, Maurice est devenue un pays où l’affairisme prévaut. Si un projet ne sent pas l’affairisme, cela ne va intéresser ni le gouvernement, ni le secteur privé. Maurice est devenue un pays exceptionnel dans le sens où la viande de poulet se vend plus chère en comparaison avec le prix qui est pratiqué dans les autres pays. Sur le plan international, le prix du poulet a baissé.

Le gouvernement a pourtant accordé une allocation de Rs 1 000 pour amortir la hausse du coût de la vie. Pensez-vous que c’est suffisant ?
Cette allocation est une solution palliative pour des gens qui se trouvent dans la pauvreté et ceux du bas de l’échelle. L’impact de la CSG Income Allowance de Rs 1 000 sur la classe moyenne et les riches est nul. Cette allocation s’applique plutôt pour une politique ciblée et sectorielle sur une couche de la population. Cette allocation ne résout pas le problème sur le plan national. Le pays a besoin de mesures fortes qui touchent toute la population.

Des nombreux syndicalistes disent qu’il faut introduire un système de contrôle sur les prix des produits. Partagez-vous cette idée ?
Pas du tout. Je suis plutôt en faveur d’un marché libre. Je crois plutôt dans la compétition. Il a été prouvé que c’est la compétition qui fait baisser les prix. Le système de contrôle des prix ouvre très souvent la voie au marché noir.

Le ministre des Finances, Renganaden Padayachy, prépare actuellement son budget. Avez-vous déjà formulé vos propositions dans ce sens ?

J’ai eu l’occasion d’analyser la performance au sujet des recettes du gouvernement pour l’année financière 2021 et celle de 2022. Aussi, j’ai pris connaissance des dons venant des pays amis également. Tout cela pour dire que le ministre des Finances dispose d’une marge de manœuvre pour venir avec un budget pour favoriser le Feel Good Factor.

Le gouvernement doit d’abord réduire la taxe sur des produits qui sont surtaxés. Le carburant est un bon exemple. Le gouvernement est en train d’appliquer le principe de double taxation sur ce produit. Le moment est venu maintenant de se défaire du concept de double taxation sur le prix du carburant. Le pays doit aussi pratiquer une diplomatie économique qui lui rapporte.

À ce jour, notre diplomatie économique ne rapporte pas grand-chose. Nous sommes en train d’appliquer une diplomatie économique qui n’est pas donnant-donnant. Je donne un exemple. Aujourd’hui notre relation avec l’Inde est très cordiale, allant jusqu’à accorder l’autorisation à ce pays de mettre en place une base météorologique. Mais en retour, le Double Taxation Treaty que nous avons avec l’Inde ne nous accorde pas un deal honorable avec elle. Singapour est en train de nous dépasser. Maurice doit réclamer sa part à travers la diplomatie économique.

En sus d’être le président de l’APEC, vous avez été enseignant et Deputy Head Teacher dans le passé. Qu’est-ce qui explique, selon vous, la violence dans les écoles ?
Aujourd’hui, les institutions scolaires privées et celles du gouvernement, primaire et secondaire, sont devenues des instruments d’échec. Si un enfant obtient 27 points dans une matière, on considère ce résultat comme un succès alors que dans le passé il fallait atteindre un minimum de 33% pour réussir à un examen.

En dépit du fait que le monde est devenu plus compétitif où l’élève qui a bien fait a la place qu’il mérite, ici chez nous on applique le nivellement par le bas. Ce genre de situation a transformé les écoles en des lieux où les enfants se concentrent moins pour avancer dans les études. Ils se contentent d’un minimum d’efforts. Cela donne lieu à des espaces ou les jeunes peuvent se déchaîner.

S’il fallait se concentrer sur leurs études en vue d’obtenir des points pour réussir, les choses auraient été autrement. Vu qu’ils ont besoin d’un minimum de points pour réussir, ils trouvent le temps pour se déchaîner et faire toutes sortes de trucs sur les réseaux sociaux même à partir des salles de classe. Je pense qu’il y a des possibilités pour assainir la situation. La Children’s Court, le ministère de l’Éducation, la police et l’Ombudsperson for Children doivent fournir davantage d’efforts pour trouver une solution à ce problème.

Comment accueillez-vous la décision du gouvernement d’aller de l’avant avec un observatoire des prix ?
Je pense que c’est une bonne chose que le gouvernement ait choisi de venir avec ce projet. C’est d’abord un instrument informatisé qui est sur le point d’être lancé en vue d’Empower les consommateurs. Il est vrai que le projet a été annoncé depuis assez longtemps. Ce qui est réconfortant cependant, c’est que ce projet va donner des informations utiles aux consommateurs sur les prix des produits dans différents points de vente qui sont très fréquentés par le public.

Je peux dire que plus de 80% de la population font leurs achats dans les grandes surfaces et dans les hypermarchés de renom. Cette application est actuellement à l’essai et elle sera validée très bientôt. L’observatoire des prix sera en quelque sorte une plate-forme où les consommateurs pourront faire calculs à l’avance avant de faire leurs achats. Les consommateurs pourront donc à partir de leurs maisons calculer leur budget avant de se rendre dans les supermarchés.

Quel regard portez-vous sur le niveau des débats au Parlement ?
Maurice est en train de passer par une phase noire de son histoire sur le plan politique. Ce qu’on appelle le temple de la démocratie ou le Parlement est devenu la risée du public. J’ai eu l’occasion de suivre un peu les débats au sein de la House of Commons et de la House of Lords à travers les réseaux sociaux. J’ai aussi l’occasion de suivre les débats au sein du Sénat français sur l’extension de l’âge de retraite. Les débats dans ces lieux sont civilisés et la maturité des intervenants vous fait plaisir. Et en sus de cela, la diplomatie qu’utilise le speaker pour mener les débats fait honneur à leur pays.

À Maurice, il est triste de dire que le Speaker de l’Assemblée nationale, Sooroojdev Phokeer, manque beaucoup de qualité en comparaison avec les Speakers des pays dont je viens de faire mention. Ce qui se passe actuellement au Parlement est une honte nationale. Le niveau du Parlement est devenu médiocre et l’indiscipline fait école.

Vous défendez aussi la cause environnementale en tant que président de l’APEC. Pensez-vous que les autorités font assez pour amortir les effets du changement climatique ?
Il est regrettable de le dire mais nous ne faisons pas assez pour contrôler l’émission du C02 dans l’atmosphère. La sécheresse et le faible taux de pluviosité sont liés en quelque sorte à la déforestation. Nous savons tous que cette forêt vierge qui se trouve à Grand-Bassin a été malheureusement utilisée pour des rave parties. C’est un choix politique très mauvais.

Il faut consolider nos forêts et nous devons encourager la plantation d’arbres et de plantes endémiques autour de nos réservoirs. Les forêts qui existent déjà doivent être consolidées. Il faut planter des arbres décoratifs et des plantes qui absorbent le CO2 aux abords des autoroutes.

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