Rajshree Thylamay : « La relativité salariale engendre la frustration chez les travailleurs d’expérience »

Rajshree Thylamay est la nouvelle présidente de la Confederation of Independent Trade Unions (CITU). Celle qui est aussi secrétaire de l’All Workers Trade Unions Federation et présidente de l’Union des travailleurs du ministère de la Santé jette un regard sur les différentes mesures contenues dans le budget 2024-2025. Bien qu’elle accueille favorablement la baisse du prix de la bonbonne de gaz ménager, le salaire minimum garanti à Rs 20 000, la hausse de la pension de vieillesse, elle trouve que le gouvernement aurait dû corriger les anomalies dans les grilles salariales avec l’introduction du salaire minimum à Rs 16 500. Cette situation est en train de créer un malaise chez les fonctionnaires et les travailleurs du secteur privé qui comptent plusieurs années d’expérience, met-elle en exergue. Aussi, la syndicaliste trouve aberrant que les travailleurs mauriciens touchent un salaire minimum garanti de Rs 20 000 alors que le gouvernement invite les travailleurs étrangers à venir travailler à Maurice pour un salaire de Rs 22 500. Pourquoi ne pas porter le salaire minimum garanti à Rs 22 500 pour les travailleurs mauriciens ?  se demande la présidente de la CITU. Il faut éliminer cette discrimination, dit-elle.

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Quel regard portez-vous sur le budget 2024-2025 ?

Il y a des mesures positives dans le présent budget. Je cite, par exemple, le Maternity Leave qui est passé de 14 à 16 semaines. La classe syndicale se réjouit certes, car l’extension des congés maternité est une lutte que nous avons menée depuis longtemps pour conduire les couples à avoir des enfants et pour accorder une attention particulière aux nouveau-nés. Cette mesure budgétaire représente une grande satisfaction pour les femmes.

J’apprécie aussi le fait que le gouvernement a révisé à la baisse le prix de la bonbonne de gaz ménager et a revu le salaire minimum garanti qui passe à Rs 20 000. Notre proposition prébudgétaire tournait autour d’un salaire minimum garanti à Rs 22 500. Bien que nous accueillions le salaire minimum garanti à Rs 20 000, toujours est-il que le salaire minimum à Rs 16 500 a chamboulé les grilles salariales dans les secteurs privé et public. C’est pourquoi, à la CITU, nous insistons sur la nécessité de revoir la relativité salariale dans les deux secteurs. Le nouveau salaire minimum est en train d’exacerber la frustration dans ces deux secteurs. Les syndicalistes s’attendaient à ce que le ministre vienne avec davantage de précisions sur la correction des anomalies dans les grilles salariales.  Tous les jours, les membres de la confédération m’interpellent en me disant : « Ki pou ariv nou madam ? » Vo mie aret travay ek mo rerant dan travay ek gagn Rs 20 000. Car le nombre d’années de service importe peu actuellement. » La grosse majorité des travailleurs s’attendaient à ce que la correction des anomalies intervienne en mars dernier, et trois mois après toujours rien, les travailleurs attendent toujours avek enn labouzi rouz.

D’autre part, la CITU accueille favorablement la School Allowance de Rs 2 000 pour les enfants de trois à dix ans. Même si l’éducation est gratuite, il y a toujours des dépenses associées à l’écolage. Je vois aussi que le gouvernement a décidé d’apporter une assistance financière aux pèlerins. Quant au Paternity Leave, je constate qu’il est passé à un mois. Nous applaudissons cette démarche. Cependant, nous souhaitons avoir davantage de précisions quant à son application, car dans la fonction publique, le Paternity Leave est puisé dans le Vacation Leave.

J’apprécie aussi le fait qu’une allocation de Rs 5 000 sera accordée aux femmes qui sont victimes de violence domestique. Nous avons réclamé deux jours de congé pour les règles douloureuses. Il faut, bien sûr, que la douleur soit certifiée par un médecin. Il y a des femmes qui ne peuvent pas travailler lorsque cela arrive. Certaines d’entre elles doivent se rendre dans des hôpitaux. Le gouvernement a décidé de donner des serviettes hygiéniques aux filles dans les écoles. Cela dénote que le gouvernement comprend l’importance d’accorder une attention particulière à la gent féminine.

Y a-t-il encore d’autres mesures budgétaires qu’il faut revoir ?

La Carers Allowance est passée à Rs 3 500. Je ne pense pas que les gens seront emballés avec cette mesure. Aussi, une Maternity Allowance à Rs 2 000 est accordée à partir de sept mois de grossesse. Beaucoup de femmes ne savent pas au début quand elles sont tombées enceintes. C’est au bout de deux à trois mois qu’elles découvrent qu’elles sont enceintes. C’est pourquoi je dis que cette mesure est un peu ambiguë. Nous, à la CITU, nous disons que toutes les femmes qui découvrent qu’elles sont en voie de famille doivent avoir droit à cette allocation de Rs 2000. L’assistance accordée aux patients souffrant de cancer de 0 à 25 ans doit également être revue. Qu’en est-il des gens qui découvrent qu’ils ont le cancer après 25 ans ? Beaucoup de gens découvrent le cancer à l’âge de 30 ans maintenant. C’est pourquoi le gouvernement devrait enlever cette restriction à l’âge de 25 ans.

Pour moi, ce budget est mi-figue, mi-raisin. On compte beaucoup de mesures pour le secteur de la santé publique. On parle de la construction de plusieurs centres de santé, mais il ne faut pas voir que des bâtiments et des équipements sophistiqués. Il faut recruter davantage de personnel dans les hôpitaux. À quoi sert la construction des beaux bâtiments s’il n’y a pas de gens pour travailler à l’intérieur ? À part cela, j’apprécie aussi que le projet e-health ait pris son envol. Nous demandons également que les facilités de la Cardiac Unit soient étendues à tous les hôpitaux régionaux afin de faciliter le déplacement des patients.

Êtes-vous en faveur de la libéralisation du marché du travail pour le recrutement des travailleurs étrangers ?

Le pays est certes confronté à un manque de main-d’œuvre dans plusieurs secteurs, et, d’autre part, nous assistons à un vieillissement de la population et plusieurs jeunes ont décidé d’entreprendre des études plus poussées pour aller travailler finalement à l’étranger. Quant aux professionnels, ils peuvent toujours travailler sous contrat à Maurice, mais il faut aussi donner la chance aux Mauriciens qui ont fait des études avancées à l’étranger. Au lieu d’ouvrir la porte aux professionnels de la médecine de l’étranger, je pense qu’il faut donner la chance aux Mauriciens.

Ce que je trouve injuste, c’est que le gouvernement a décidé que le salaire minimum soit de Rs 20 000. De même, il dit que les étrangers peuvent venir travailler pour un salaire de Rs 22 500. Pourquoi le travailleur mauricien doit toucher un salaire de Rs 20 000 et le travailleur étranger Rs 22 500 ? Aujourd’hui, nous vivons dans un village global. C’est pourquoi nous disons qu’il ne faut pas de discrimination entre les travailleurs mauriciens et étrangers.

D’ailleurs, nous, au niveau de la CITU, constatons que cette discrimination perdure depuis un moment par rapport à l’origine des travailleurs étrangers. Nous avons constaté que les travailleurs malgaches et les travailleurs indiens ne touchent pas le même salaire. Le Bureau international du Travail a déjà attiré l’attention sur un phénomène qui doit cesser. Ce n’est pas parce qu’on est un étranger qu’on doit gagner plus d’argent pour faire le même travail.

Que proposez-vous pour la sécurité alimentaire ?

Je pense qu’il faudra revoir en premier lieu le fonctionnement de la Food Standards Agency qui a été mise sur pied par le gouvernement il y a deux ans. Il faut aussi que les consommateurs commencent à planter à petite échelle pour avoir accès à des produits sains.

Autrefois, il était d’usage que les Mauriciens apportent leur propre nourriture au travail. La situation n’est plus la même dans bon nombre de cas. On préfère faire la queue pour se procurer la malbouffe. C’est toute une mentalité qu’on doit changer si l’on veut atteindre la sécurité alimentaire. On m’a dit qu’il y a un certain nombre de planteurs de légumes qui préfèrent manger des légumes provenant de leur jardin, mais pas de leurs champs. Ça veut tout dire.

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