Radhakrishna Somanah de l’Université des Mascareignes : « Les cours sont gratuits dans la plus jeune université publique de Maurice »

 »Les cours sont gratuits à l’Université des Mascareignes ». C’est ce qu’indique le Dr Radhakrishna Somanah, directeur général de l’Université des Mascareignes.  »Beaucoup pensent que cette université est payante mais ce n’est pas le cas », fait-il ressortir dans l’interview qui suit.

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Il profite de l’occasion pour évoquer les nouveaux cours qui y vont démarrer et jette un regard critique sur les préoccupations de la société, notamment le changement climatique, la pauvreté, la violence chez les jeunes et l’entrepreneuriat.
Après une trentaine d’années passées à l’Université de Maurice, il s’est joint à l’Université des Mascareignes en 2016.

Ce féru d’astronomie a travaillé pendant une décennie en tant que directeur du Radiotélescope de Maurice. Même s’il avoue avoir eu la tête dans les étoiles pendant plusieurs années, il affirme sans ambages qu’il a bien les pieds sur terre, tournant son regard sur un des modules consacré à la Corporate Social Responsibility (CSR), qui vise surtout à aider les jeunes à avoir d’autres perspectives sur la société et la pauvreté.

Parlez-nous de votre parcours avant votre entrée à l’Université des Mascareignes  ?

J’ai intégré l’Université des Mascareignes en 2016 après avoir passé presque trente ans à l’Université de Maurice. Je suis un astrophysicien de formation, un radioastronome. Durant trente ans j’ai donc voyagé entre étoiles, planètes et galaxies. J’avais la tête dans les étoiles mais les pieds bien sur terre.

En 2016, j’ai décidé de mettre un terme à mon voyage dans l’univers pour retourner sur terre. J’étais le directeur du radiotélescope de Maurice pendant une dizaine d’années et fus un des pionniers de l’astronomie professionnelle à Maurice et en Afrique. En ce moment, je suis le représentant mauricien dans le plus grand projet scientifique en Afrique – la construction du plus grand radiotélescope dans le monde qui a démarré en Afrique du Sud. Neuf pays africains, dont l’île Maurice, participent dans ce projet.

Comment se présente la situation à l’université après le passage du Covid-19  ?

Nous savons tous que pendant la pandémie, il y avait un grand souci dans toutes les universités du monde. Beaucoup d’entre elles n’avaient pas été préparées pour faire face à ce genre de situation. Durant la période de confinement national, je faisais quand même le déplacement au moins deux fois par semaine pour entreprendre des séances de Zoom avec tous les doyens, le président du conseil d’administration, les adjoints aux directeurs pour décider de la marche à suivre.

C’est par le biais de cette communication que nous avions pu nous assurer que tous les doyens, les chefs de département, avaient les messages qu’il fallait et s’inscrivaient dans l’effort de dispenser des cours en ligne à travers l’E-Learning Management System. Nous n’avions pas le choix car d’autres plates-formes n’étaient pas catégorisées EMS.

Cela s’est bien passé. À un moment donné, il n’y avait pas d’examens du Higher School Certificate vu le nombre restreint d’étudiants. C’est une des raisons pour lesquelles nous n’avions pas démarré des cours l’année dernière. Ce problème de masse critique avait été ressenti dans toutes les universités publiques. Pour cette année, nous avons constaté que malgré une publicité agressive – et même sur les réseaux sociaux –, de nombreux Mauriciens ne savent pas que nous sommes une université publique et que les cours sont gratuits.

J’ai rencontré beaucoup de parents et ils m’ont dit qu’ils pensaient que c’était une université privée et qu’il fallait payer pour les cours. Nous disposons de deux campus universitaires. L’un se trouve à Camp-Levieux et l’autre à Beau-Plan et il y a presque 600 étudiants sur chaque campus.

Pourquoi selon vous les étudiants s’inscrivent à l’université des Mascareignes ?

Les étudiants viennent chez nous car nous sommes la seule université publique à Maurice considérée comme francophone. Nous disposons d’un accord avec l’Université de Limoges en France. Ce qui veut dire qu’en restant à Maurice un étudiant peut décrocher un diplôme français. Nius disposons aussi d’une deuxième spécificité. Nous disposons d’un grand pourcentage d’étudiants étrangers, soit plus de 20%. Ils viennent principalement de l’Afrique francophone, dont de Madagascar.

Nous accordons aussi beaucoup d’importance aux stages industriels, ce qui permet aux étudiants de développer des Soft Skills. Ils comprennent comment travailler en groupe et ce qui fait que dans la plupart des cas ils deviennent des employés dans les endroits où ils ont entrepris leurs cours de formation.

Nos étudiants tombent dans la catégorie de Highest Employability Rate à Maurice. Il y a trois facultés: Engineering, ICT et Management Business. Nous avons aussi un nouveau cours qui s’appelle Humanité Numérique, qui est une grande première pour Maurice.
Depuis que je suis arrivé en 2016, nous avons démarré six Masters, jamais faits à Maurice. Ces Masters sont certifiés par une université française. Nous disposons d’un Masters AI et Robotique, qui est le seul Masters à Maurice qui est financé par le gouvernement. Le gouvernement finance environ 20 étudiants mauriciens. Les étudiants ont ainsi un stage en AI et Robotique en France. Le premier batch est déjà acquis et le deuxième est Ongoing. Si tout se passe comme prévu, il y aura un troisième groupe cette année-ci.
Nous pensons que produire des diplômés avec des connaissances et des Soft Skills n’est pas suffisant. Notre philosophie au sein du conseil d’administration, c’est de produire aussi des citoyens responsables. Dans cette optique, à partir de cette année-ci, on va introduire un module sur le CSR qui sera obligatoire pour tous les étudiants.

Par ailleurs, il faut savoir que depuis un mois nous sommes devenus membres à plein temps de l’Agence des universités françaises (AUF) et à travers cette connexion nous démarrons plusieurs projets. Un de ces projets – Entreprendre – débute cette année-ci. C’est un sujet qui vise à donner un statut étude-entrepreneur. Les étudiants vont donc se faire enregistrer au ministère, puisque cela tombe sous la tutelle du ministère de l’Éducation, où les étudiants auront l’occasion d’apprendre les bases de l’entrepreneuriat. Je pense personnellement que l’entrepreneuriat est un secteur que nous n’avons pas suffisamment exploité à Maurice. Il y a beaucoup de possibilités mais les jeunes n’ont pas assez de formation. Nous serons donc la première université qui va démarrer ce projet.
Nous disposons aussi à l’université des laboratoires, qui sont uniques à Maurice, orientés vers la robotique. Nous sommes en train de nous convertir en un Smart Sustainable Campus et nous menons aussi des recherches appliquées, nécessaires au pays pour ses développements socioéconomiques.

En ce moment, grâce au financement qu’on a eu de l’Agence française de développement de plus de 600 000 euros, nous nous focalisons sur le changement climatique et l’énergie renouvelable. Beaucoup de chercheurs sont impliqués dans ce projet et c’est un peu notre projet phare.

Pourquoi mettre l’accent sur la Corporate Social Responsibility (CSR) ?

Ce projet est né à partir d’une expérience personnelle que j’ai eue. J’ai fait mon BSc à l’Université à Chennai en Inde, il y a très longtemps de cela. J’ai vécu là-bas une expérience extrêmement enrichissante. Alors que j’entreprenais mes études, deux amis et moi avions choisi de travailler pour les sœurs missionnaires de la Charité.
Pendant deux semaines, notre travail consistait à identifier des mendiants mourants. Il fallait les amener au centre de Mère Teresa, leur donner un bain et les habiller. J’ai vu des personnes mourir avec un sourire. Notre but est de produire des citoyens responsables et humains.

Si nous nous limitons à la connaissance et aux buts matériels et financiers, cela mènera à la destruction de notre société. Je pense qu’être un citoyen responsable est très important. À travers ce module sur la CSR, nous devenons plus sensibles aux problèmes de la société, plus particulièrement la pauvreté et les problèmes des démunis.

Lorsque nous sommes impliqués dans un tel projet, cela change un peu la philosophie sur la vie et notre attitude envers les autres. Nous ne pouvons pas l’éliminer mais nous pouvons quand même diminuer cet égocentrisme pour être plus à l’écoute de la pauvreté et d’autres problèmes sur le plan social.

Je constate maintenant que de nombreuses universités aux États-Unis, en Inde, en Australie ont démarré ces genres de cours. Je suis convaincu qu’il y a deux plus grands problèmes dans le monde: le changement climatique et la pauvreté. Les pays riches deviennent plus riches et les pays pauvres plus démunis. Si nous n’arrivons pas à résoudre cela, cela veut dire qu’il y a un problème avec notre système d’éducation. Nous devrions donc commencer quelque part. Donc ce projet de CSR vient un peu dans cette direction.

Pouvez-vous nous en dire davantage sur le projet Smart Sustainable Campus ?

Il s’agit d’un projet qui traite des problèmes surgissant dans le monde avec le changement climatique. Une trop grande dépendance sure les énergies non-renouvelables qui vont être Depleted tôt ou tard. Lorsque nous utilisons ce type d’énergie, cela augmente le pourcentage de carbone dans l’atmosphère. Il y a aussi le fait qu’avec la déforestation, surtout la forêt d’Amazonie, moins d’oxygène est produit.

Les leaders dans le monde, y compris moi, sont convaincus que nous devons aller vers l’énergie renouvelable et cela implique l’énergie solaire, l’éolienne, le biogaz et d’autres formes d’énergies qui ne brûlent pas l’atmosphère. Dans le cadre du Smart Sustainable Campus, s’est donc développé un modèle à l’université sur l’énergie renouvelable. Je prends l’exemple du Rain Water Harvesting, se servir de l’intelligence artificielle, l’Internet of things, etc.

L’idée est de développer un Green Campus pour ne pas polluer l’atmosphère. Le projet a déjà démarré, l’éolienne et le photovoltaïque sont présents à l’université. Les résultats de ce projet pourront aussi être mis à contribution dans les Smart Cities.
D’ailleurs, nous avons déjà démarré un Masters , qui s’appelle Efficacité énergétique et développement durable, qui est lié au concept de Smart Sustainable Campus. Donc, chez nous ce n’est pas seulement produire de nouvelles technologies, mais dispenser aussi de la formation. Les élèves formés à l’université auront à utiliser ces technologies au niveau national. Ce faisant, nous sommes tombés dans la catégorie de la Smart Sustainable Campus dans l’océan Indien.

L’Université des Mascareignes met aussi l’accent sur la robotique et l’intelligence artificielle. Cela a-t-il trait au monde du travail  ?

Il faut savoir que le monde du travail a déjà commencé à se métamorphoser. Cela est évident dans les grands pays comme la Chine et l’Inde. La robotique et l’intelligence artificielle marchent de pair. Il faut faire ressortir cependant que le but est de ne pas remplacer l’humain.

Il s’agit d’apporter un complément aux limitations et compétences. Il y a cependant une école de pensée qui dit que les humains seront remplacés par les robots plus tard. Je ne suis pas dans cet ordre d’idées. Il faut établir un équilibre entre l’intelligence artificielle et les différentes formes naturelles de l’intelligence. Nous encourageons les différentes formes d’intelligence qui sont par exemple la musique, les sports, le travail social, l’entrepreneuriat.

Les Future jobs vont définitivement avoir un Component de robotique et d’intelligence artificielle dans le secteur manufacturier. Je pense que dans ce secteur à Maurice, nous nous dirigeons vers l’intelligence artificielle. Donc, il faut non seulement avoir une connaissance basique de l’intelligence artificielle mais savoir comment l’utiliser comme outil pour être plus productif et plus efficace.

Nous avons aussi commencé à mettre l’accent sur la créativité mais cela coûte beaucoup d’argent. Il y a aussi le côté culturel et le stéréotype que nous avons développé ici.
L’université du futur porte sur des concepts importants tels que le Design Thinking, la formation des projets et des compétences. J’ai eu l’occasion de visiter l’un des grands centres à Chennai, où des étudiants, des professeurs et des représentants des industries travaillent ensemble sur une même plate-forme. S’il y a un problème à résoudre dans la cité – qui demande plus d’innovation et de créativité –, ils vont conjuguer leurs efforts pour résoudre le problème.

Nous avons démarré un projet similaire ici, cela n’a pas encore pris de l’ampleur. Je prévois que dans le futur beaucoup de formations seront lancées dans cette voie car il faut savoir que les jeunes ont un potentiel énorme de créativité qu’il faut exploiter pour le bien de la société. Le projet a donc démarré de façon informelle. Si tout se passe bien, nous allons pouvoir formaliser tout cela dans la prochaine année universitaire. Il faut aussi savoir que presque tous les enseignants-chercheurs font de la recherche qu’on peut appliquer pour des projets de développement dans le pays.

Quel regard portez-vous sur le changement climatique. Pensez-vous qu’il y ait une solution pour en arrêter les effets ?

Arrêter complètement les effets du changement climatique, peut-être pas. Mais il est possible d’en diminuer les effets néfastes. Des scientifiques ont proposé des mégaprojets pour diminuer l’émission du dioxyde de carbone dans l’atmosphère. La technologie est assez avancée et je pense qu’elle va s’améliorer mais parallèlement nous devons arrêter la déforestation de l’Amazone. Nous devons commencer à planter beaucoup d’arbres en attendant que ces mégaprojets – qui relèvent de la science-fiction pour le moment – deviennent une réalité dans 20 ou 30 ans. C’est à ce moment-là que nous pouvons nous attendre à une lueur d’espoir.

J’encourage les chercheurs à trouver la voie. Nous disposons d’un Lecturer pour le projet du changement climatique à venir. Nous avons obtenu donc plus de 600 000 euros de l’Agence Française de Développement (AFD) pour mener à bien ce projet.
Vu que je suis optimiste de nature, je rêve de trouver une solution au changement climatique et le deuxième rêve est un peu plus difficile, c’est d’avoir un nouvel essor économique dans le monde pour combattre la pauvreté. Mes amis économistes me disent que cela est presque impossible.

La violence se répand un peu dans des institutions scolaires du pays. Au sein de votre université, y a-t-il un programme pour ‘moraliser’ les étudiants ?

En tant que directeur de cette université, je ne suis pas habilité à commenter ce qui se passe dans les autres institutions scolaires. En tout cas, depuis que je suis ici je n’ai pas été témoin de tendance à la violence parmi les étudiants ou d’autres problèmes de la société.

J’ai travaillé presque pendant une trentaine d’années à l’université de Maurice, je n’ai pas vu aussi des problèmes de violence parmi les étudiants lorsque j’étais là bas. Il y a certaines ‘moralisations’ qui se font dans les cours mais d’après moi la violence n’est pas un problème lié à l’éducation; cela concerne plus les parties prenantes dans la société.
Je pense que c’est sur la spiritualité que nous devons tabler pour éradiquer la violence chez les jeunes… Il faut produire des gens disciplinés et tout le monde doit être mis dans le bon ordre pour parvenir à ce résultat. Les parents ont certes un très grand rôle à jouer. Si la violence est à la maison, cela se répercutera dans son entourage.

Qu’en est-il de nouveaux cours de l’Université des Mascareignes cette année  ?

Nous sommes la plus jeune université publique de Maurice – créée en 2012 sous l’égide du ministère de l’Éducation. Elle propose des programmes de premier cycle et de troisième cycle en développement durable et ingénierie, en commerce et gestion et en technologies de l’information et de la communication. Des diplômes de recherche sont également proposés à l’École doctorale.

L’Université dispose actuellement de deux campus pleinement opérationnels à Rose-Hill, et Beau-Plan, Pamplemousses. Une convention de partenariat a été signée le 12 février 2013 à Limoges sur la création d’une université francophone « l’Université des Mascareignes » (UDM) à Maurice entre le Président de l’Université de Limoges et le gouvernement. Depuis, l’Université de Limoges et l’Université des Mascareignes entretiennent d’étroites collaborations institutionnelles, pédagogiques et scientifiques. L’essentiel des diplômes délivrés à l’Université des Mascareignes consiste en de doubles diplômes avec l’Université de Limoges.

Pour cette année dans la Catégorie Undergraduate Courses, le Swami Dayanand Campus dans le Nord dispensera des cours suivants  : Human Resource Management, Marketing, Accounting and Finance et Banking and Finance dans la Faculty of Business and Management.

Au sein de la Faculty of Information and Communication Technology, les cours suivants seront au programme  : Software Engineer, Digital Humanities, Digital Humanities with specialisation in Tech Start-up. À Camp-Levieux, des cours en informatique appliquée seront proposés. A la Faculty of Sustainable Development and Engineering, il est question de Génie électrique et informatique industriel, et de Génie Électromécanique et Génie civil.
Quant aux Masters de la Faculty of Business Management au Swami Dayanand Campus, les cours suivants sont au programme  : Sustainable Business Management et E-Learning. Au niveau de la Faculty of Information and Communication Technology, le campus universitaire de Camp-Levieux propose l’Intelligence artificielle et la Robotique, l’E-Santé Publique. Il est aussi question de la Population de l’Océan-Indien Régional et des Humanités numériques.
La Faculty of Sustainable Development and Engineering de l’Université de Camp-Levieux propose les filières suivantes : Energy Efficiency and Sustainable Development et Génie Civil, Parours et Structures et Travaux publics.

Le deadline pour soumettre sa demande à l’Université des Mascareignes est prévu pour la fin de ce mois-ci mais on va l’étendre jusqu’à mai prochain. J’espère que les étudiants intéressés d’avoir une Free Education puissent envoyer leur demande d’adhésion ici.
Notre but ultime est de promouvoir l’innovation, l’excellence et l’éducation transformatrice grâce à un enseignement de haute qualité et à une recherche internationalement reconnue, afin de permettre aux étudiants de réaliser leurs aspirations éducatives et professionnelles. L’objectif est de répondre aux grands défis de nos sociétés locales et internationales, en transformant les étudiants en citoyens responsables de demain, tout en faisant progresser les connaissances sur les grands enjeux actuels, et en proposant des solutions innovantes aux grands défis du monde contemporain. Nous sommes en train de promouvoir un modèle distinct d’excellence dans l’enseignement supérieur, avec accent fondé sur l’accomplissement de sa responsabilité envers son environnement territorial.

 

 

 

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