Pour une prise de conscience contre l’insécurité au travail

Les tracasseries subies par la présidente de l’Air Mauritius Cabin Crew Association (AMCCA), Yogita Baboo, et qui ont été suivies par son licenciement pur et simple, ont pris une nouvelle dimension cette semaine. Grâce à sa persévérance dans la lutte menée pour retrouver sa dignité, avec le soutien de démocrates et de syndicalistes dévoués – dont Radakrishna Sadien –, Yogida Baboo est en bonne voie pour devenir une Anjalay Coopen des temps modernes.

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Son combat concerne en premier lieu la quinzaine d’employés d’Air Mauritius toujours suspendus pour avoir refusé de se faire vacciner. Mais force est de reconnaître qu’il dépasse les périmètres d’une compagnie gouvernementale et entraîne une prise de conscience sur l’insécurité de l’emploi des travailleurs en général, et en particulier dans le secteur privé. Les entreprises privées opérant dans tous les secteurs – éducatifs, financiers, touristiques, y compris les établissements hôteliers les plus étoilés – sont touchées par le mal insidieux qu’est l’insécurité d’emploi. Ce mal s’est aggravé avec le passage de la pandémie.

Il est vrai que les entreprises n’ont pu procéder à des licenciements durant cette période difficile, en particulier dans le secteur touristique, qui a été le plus affecté, grâce à l’aide financière gouvernementale. Il est aussi vrai que certaines entreprises avaient tout simplement choisi de mettre la clé sous la porte temporairement. Faute de pouvoir licencier, afin de ne pas être rappelée à l’ordre par les autorités, compagnies et groupes hôteliers exercent une pression (et même répression) qui viole tous les droits humains sur les employés pour les pousser à la démission. Ce qui veut dire un départ sans aucune indemnisation.

On raconte qu’il existe des cas ont, consciemment ou non, un manager peut décider du jour au lendemain de se débarrasser de son ou ses collaborateur(s) car n’aimant pas « leur tête ». Souvent, comme dit le dicton, qui veut noyer son chien, l’accuse de rage. Dès lors, toutes les tracasseries et accusations sont possibles pour déboucher, souvent, sur des comités disciplinaires internes qui « more often than not » concluent au licenciement. Yogida Baboo en sait quelque chose. Ces cas sont des plus nombreux; il n’y a qu’à interroger n’importe quel « personal managers » d’entreprise privée ou d’établissement hôtelier, et pas des moindres.

Atma Shanto, de la FTU, n’a pas tort lorsqu’il s’élève contre les tentatives d’intimidation au sein d’un groupe hôtelier, qu’il n’a pas cité, malgré le fait que les lois du travail protègent les employés contre des pressions et la violence au travail. Le problème qu’il dénonce ne concerne pas uniquement les employés membres d’un syndicat, mais les employés en général.

Les défenseurs des droits de l’homme ont bien compris le symbole que représente Yogida Baboo. « Drwa travayer se drwa imin ! Pa tous nou drwa ! » pouvait-on lire sur les pancartes lors de la manifestation de solidarité organisée mardi dernier à Port-Louis, et à laquelle participait Satyajit Boolell, actuellement actif au sein de la commission des droits humains. Pas plus tard que jeudi dernier, l’International Transport Worker’s Federation avançait que « Maurice ne peut prétendre être une république démocratique moderne alors qu’elle permet aux grands employeurs de bafouer les principes fondamentaux de protection des travailleurs et des droits humains ».

L’exode des jeunes et des cerveaux, qui est présenté comme un cancer qui affecte le pays, n’est pas étranger à la situation malsaine et à l’insécurité de l’emploi, surtout dans le secteur privé. Dans une interview accordée au Mauricien récemment, Kevin Ramkaloan, DG de Business Mauritius, affirmait que le premier défi auquel le pays est confronté « reste l’attraction et la rétention des talents » à travers le développement d’une stratégie holistique à long terme, ce qui comprendrait la formation, l’orientation professionnelle et la convergence entre les propositions de formation et les besoins précis du marché de l’emploi. Il faudrait y ajouter l’importance de la sécurité au travail. Il y va de l’avenir des pères et des mères de famille. Si le “brain drain” constitue un défi pour le pays, il nous faut tout faire pour que ceux qui choisissent de rester ne soient pas « sent to the drain ».

 

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