Plafonnement salarial : L’inégalité des droits des travailleurs à Maurice et ses conséquences

ABDEL KURREEMBUKUS

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À Maurice, la législation actuelle définit un ‘worker’ comme une personne dont le salaire ou le traitement de base n’excède pas Rs 600 000 par an, soit un salaire ne dépassant pas Rs 50,000 mensuellement.

Cette distinction juridique engendre une inégalité injuste entre les employés. Ceux dont le salaire dépasse ce seuil se voient souvent privés de certains avantages essentiels que leurs collègues, touchant moins que ce plafond, peuvent percevoir. Ce traitement différencié soulève non seulement des questions d’équité, mais expose également ces travailleurs à des formes subtiles d’exploitation, rappelant des pratiques révolues et inacceptables, telles que le travail forcé entre autres.

Le cas des salaires inférieurs à Rs 50 000

Prenons l’exemple d’une personne percevant un salaire de Rs 49 990 : elle bénéficie généralement de droits fondamentaux tels que la rémunération des heures supplémentaires, des congés exceptionnels comme les “vacation leaves” et, plus récemment, du 14e mois de salaire introduit par le gouvernement sous forme de “Special Allowance”. En revanche, dès que son salaire atteint Rs 50 000 ou plus, certains de ces mêmes avantages lui sont retirés.

D’autre part, un employé percevant au moins 50 000 roupies peut être amené à effectuer des heures supplémentaires sans aucune compensation, tandis que son collègue obtenant Rs 49 990 bénéficierait d’une rémunération juste et équitable pour ces heures additionnelles. Cette situation crée une contradiction flagrante : celui qui gagne un salaire plus élevé sur le papier pourrait, en réalité, se retrouver avec moins d’avantages globaux que son collègue, mieux protégé par la loi.

Cette situation met en lumière l’arbitraire et l’injustice du plafond salarial de Rs 50 000. En privant certains employés de droits fondamentaux sous prétexte qu’ils perçoivent un salaire légèrement plus élevé, ce système crée une opportunité pour certains employeurs, qui y voient une aubaine pour faire travailler ces employés sans compensation. En maximisant ainsi leurs profits au détriment d’une main-d’œuvre moins protégée, ils exploitent une faille légale qui pénalise ces travailleurs.

L’écho du passé

Cette injustice systémique renvoie tristement aux pratiques d’exploitation des systèmes de domination d’autrefois. À cette période, l’exploitation de la main-d’œuvre était courante, contraignant des individus à travailler sans rémunération ou sans reconnaissance de leurs efforts. Bien que ces systèmes aient été officiellement abolis, cette exploitation persiste sous d’autres formes, notamment à cause d’une faille dans nos législations. Cette lacune permet à certains employeurs de priver des travailleurs de leurs droits fondamentaux, perpétuant ainsi des pratiques injustes sous couvert de la légalité.

Ce parallèle historique illustre un problème fondamental dans la manière dont certains employeurs perçoivent leurs responsabilités envers leurs employés. Plutôt que de reconnaître ces derniers comme des contributeurs essentiels à la création de valeur, ils les considèrent comme des outils à exploiter pour maximiser les profits.

Une violation des normes internationales ?

Le Bureau international du Travail (BIT) estime que 27,6 millions de personnes sont en situation de travail forcé.

Selon l’article 2 de la convention sur le travail forcé (Convention no. 29, 1930) le travail forcé est défini comme suit : ‘obligeant, sous contrainte ou par peur de représailles, à travailler à des heures excessives ou dans des conditions inéquitables.’

Bien que la contrainte explicite puisse sembler absente, une pression insidieuse pèse sur ces employés. Craignant d’être jugés ingrats ou considérés comme facilement remplaçables, ils s’abstiennent de revendiquer leurs droits ou des avantages supplémentaires. Cette peur est exacerbée par les représailles auxquelles ils s’exposent : mise à l’écart lors des promotions, baisse arbitraire de leur note lors des évaluations de performance, l’exclusion discrète, mais néanmoins significative entre autres. L’absence de protections légales adéquates renforce cette vulnérabilité, laissant ces employés à la merci de pratiques managériales injustes et punitives.

Une richesse construite sur les sacrifices des employés

Il est moralement indéfendable que certaines entreprises, engrangeant des millions, voire des milliards de roupies de profits et versant des dividendes exorbitants à leurs actionnaires, refusent pourtant d’assurer une rémunération équitable à leurs employés. Ces derniers sont pourtant les véritables artisans de cette prospérité, sacrifiant leur temps social et familial pour répondre aux exigences toujours croissantes de leurs employeurs. Pire encore, en les contraignant à travailler sans compensation adéquate, ces entreprises ne se contentent pas d’exploiter leur main-d’œuvre : elles les forcent à créer de la richesse pour elles gratuitement.

Cette injustice flagrante est rendue possible par une faille dans les législations, qui permet à ces entreprises d’échapper à leurs responsabilités en toute impunité. Tant que cette lacune ne sera pas corrigée, ces pratiques abusives continueront d’exister, au détriment des travailleurs qui méritent une juste reconnaissance pour leur contribution essentielle à la croissance économique.

Une question de justice sociale

Cette question dépasse le cadre économique et devient une question de justice sociale. Comment une société peut-elle évoluer si elle tolère l’exploitation de ses propres citoyens sous prétexte qu’ils gagnent ‘suffisamment’ pour se débrouiller ? Chaque travailleur, quel que soit son salaire, mérite respect et reconnaissance pour ses contributions et ses efforts.

Mettre fin à cette inégalité n’est pas seulement une question de droit, mais également un impératif moral.

Les employés ne devraient pas être contraints de sacrifier leur temps social, leur bien-être et être soumis à une exploitation déguisée sous couvert de la légalité simplement parce qu’ils se situent au-delà d’un plafonnage de salaire arbitraire.

Une réforme nécessaire

La législation mauricienne devrait abandonner le plafond salarial de Rs 50 000 comme critère discriminatoire dans la définition des droits des travailleurs. Tous les employés, quelle que soit leur rémunération, devraient bénéficier d’un cadre juridique clair et équitable, garantissant notamment le paiement des heures supplémentaires, des congés, et d’autres avantages essentiels.

Avec l’augmentation du coût de la vie post-Covid et les ajustements nécessaires pour compenser la perte du pouvoir d’achat, il devient impératif de revoir ce plafond de Rs 50 000 afin de garantir une protection équitable à toutes les catégories d’employés.

Si, déjà, pour les besoins de la section 54 de la Workers’ Rights Act concernant le “End of Year Bonus”, la définition du “worker” a été élargie à ceux percevant jusqu’à Rs 100 000, pourquoi cette extension ne s’applique-t-elle pas aux autres dispositions de la Workers’ Rights Act ?

« Cette situation met en lumière l’arbitraire et l’injustice du plafond salarial de Rs 50 000. En privant certains employés de droits fondamentaux sous prétexte qu’ils perçoivent un salaire légèrement plus élevé, ce système crée une opportunité pour certains employeurs, qui y voient une aubaine pour faire travailler ces employés sans compensation. En maximisant ainsi leurs profits au détriment d’une main-d’œuvre moins protégée, ils exploitent une faille légale qui pénalise ces travailleurs. »

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